A propos du plafonnement des indemnités prud’homales

mercredi 2 janvier 2019
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3 questions à Steve DOUDET président du SAF Marseille

1) Le jugement du conseil de prud’hommes fait parler de lui. Ce jugement vous étonne-t-il ?

Ce jugement ne nous étonne pas dans la mesure où il donne raison à l’argumentaire juridique développé par le Syndicat des Avocats de France (SAF). Le Barème créée en septembre 2017, qui impose au Juge prud’homal un plafonnement des dommage et intérêts pour les salariés victimes de licenciements abusifs, est une anomalie juridique.
Notre système juridique repose sur un principe simple : celui qui cause un préjudice par sa faute doit réparer intégralement le préjudice de la victime. C’est le cas dans tous les domaines du droit, sauf aujourd’hui pour les salariés !
Avec les barèmes, les dommages et intérêts sont limités selon le seul critère unique de l’ancienneté. Par exemple, si je suis licencié sans raison valable par mon employeur après 3 ans d’ancienneté, les dommages et intérêts ne pourront pas dépasser 4 mois de salaire ! Les salariés ont donc perdu le droit d’obtenir une indemnisation intégrale tenant compte de leur âge, santé, situation de famille, difficultés à retrouver un emploi… Les Juges, eux aussi, ont aussi perdu un droit, celui de pouvoir apprécier les situations individuelles. En réalité, les seuls gagnants de ces barèmes sont les employeurs qui peuvent désormais budgéter à l’avance le prix de leur faute consistant à licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié.
Pour combattre ce véritable « permis de licencier abusivement », le SAF a développé un argumentaire démontrant que le barème viole les dispositions de l’article 24 de la Charte Sociale européenne ainsi que l’article 10 de la Convention n° 158 de l’organisation internationale du Travail, lesquelles affirment le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à recevoir une indemnité adéquate. Et le Conseil de prud’hommes de Troyes est le premier à accueillir notre argumentation, ce qui a permis au salarié concerné d’obtenir une indemnisation supérieure au barème.

2) La réaction du ministère est surprenante et peut-être inédite, quels commentaires cela vous inspire-t-il ?

Cette réaction est triplement scandaleuse. Sur le plan purement juridique, la Ministre du Travail serait inspirée d’ouvrir un livre de première année de droit afin de se souvenir que le contrôle de la conventionnalité des lois, c’est-à-dire la conformité de la loi française avec les conventions internationales qui lui sont supérieures, relèvent de la compétence exclusive des juridictions, dont notamment le Conseil de prud’hommes. De même, au regard du principe de la séparation des pouvoirs, socle de notre démocratie, il est très inquiétant que le pouvoir exécutif se permette de critiquer une décision de justice, portant ainsi atteinte à l’indépendance de la Justice.

Enfin, doit-on rappeler à la Ministre que jeter le discrédit sur une décision de justice est une infraction pénale punie par l’article 434-25 du Code pénal de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende ?

3) Comment voyez-vous la suite de cette bataille juridique ?

La bataille va être rude car le Gouvernement et le patronat vont tout faire pour maintenir ces barèmes. Mais la brèche est ouverte, à nous de nous engouffrer. Nous avons de solides arguments, et désormais un premier jugement sur lequel s’appuyer. L’argumentaire du SAF est accessible depuis le site Internet du syndicat, les avocats et défenseurs syndicaux peuvent donc facilement le télécharger. Partout en France, devant tous les Conseils de prud’hommes et Cours d’appel, nous devons plaider l’inconventionnalité de ce barème.
Ensemble, nous allons tout faire pour reproduire l’exemple du Contrat Nouvelles embauches (CNE), lequel avait été abrogé en 2008 après que le Conseil de prud’hommes de Longjumeau ait jugé en 2006 qu’il était contraire à la Convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail. L’histoire doit se répéter.

Lien : http://lesaf.org/argumentaire-contre-le-plafonnement-prevu-par-le-nouvel-article-l-1235-3/




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