Nous ne sommes pas des poules pondeuses

mardi 21 novembre 2006
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Les cléricaux veulent durcir la loi sur l’avortement, déjà très restrictive. Une journaliste de Przekroj appelle les femmes à se rebeller contre leur condition exclusive de « mères polonaises ». S’il nous manquait des raisons de participer samedi 25 novembre à la journée mondiale contre les violences faites aux femmes...

- La femme polonaise ne se met pas en grève, elle ne descend pas dans la rue et ne s’enchaîne pas aux lampadaires en signe de protestation.
- Elle ne se bat pas pour ses droits.
- Pourtant, elle le devrait
- Surtout maintenant que les ultraconservateurs sont au pouvoir, quand, au nom de la tradition et des stéréotypes soigneusement entretenus par les fonctionnaires de l’Etat, ses droits les plus élémentaires sont bafoués.

- En tant que Polonaise et en tant que mère, je suis en colère. J’ai l’impression que mon corps, mais aussi mon cerveau et mes émotions, ne m’appartiennent plus, qu’ils sont désormais la propriété exclusive des hommes polonais - pères, maris, frères, voisins et politiciens -, qui décident aujourd’hui du déroulement de ma grossesse, si j’ai le droit de l’interrompre ou non, dans quelles conditions je vais accoucher, si je vais allaiter et si je suis capable de subvenir aux besoins de mon enfant. C’est à cause d’eux que je suis aujourd’hui reléguée dans la catégorie des citoyens de second plan.
- La romancière Dorota Maslowska a dit un jour : “De temps à autre, un con décrète à la télé : pondeuses au poulailler, allez pondre vos Å“ufs !”

La famille paysanne se plie à la volonté du père.

“Depuis la plus tendre enfance, à partir du moment où l’on nous offre la première poupée, on nous prépare au seul rôle auquel nous soyons destinées, celui de cuisinières et de femmes de ménage, de protectrices du feu sacré de la famille”, selon Boguslawa Budrowska, sociologue et auteur d’un livre sur la condition des femmes polonaises.
Selon elle, même si l’on constate l’avènement de quelques “superfemmes” qui tentent de concilier leurs ambitions professionnelles avec une vie familiale, pour la société, l’image de la femme reste encore étroitement associée à celle de la “mère polonaise”. -

- “Une femme soumise qui souffre, comme à l’époque romantique, pour le bien de la nation, pour qui la maternité est une mission, qu’elle le veuille ou non”, ajoute Wanda Nowicka, de la Fédération du planning familial.
- Et, même si la majorité d’entre elles ont des ambitions qui dépassent le cadre du “bien-être familial”, elles sont obligées de mettre de l’eau dans leur vin une fois soumises au modèle patriarcal qui régit la famille en Pologne
- Plusieurs raisons font que ce modèle n’est pas près d’évoluer :
- Le taux de chômage, qui reste beaucoup plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
- la structure sociale, qui leur est défavorable (40 % de Polonaises sont des paysannes pour lesquelles la famille doit se plier à la volonté du père)

- La forte influence de l’Eglise catholique et, last but not least, l’atmosphère politique actuelle, imprégnée par les slogans du parti au pouvoir, Droit et justice (PiS), et par ceux de la Ligue des familles polonaises (LPR) [qui fait partie de la coalition gouvernementale avec les populistes d’Autodéfense].
- Ainsi, la LPR exige d’accroître la pression fiscale sur ceux qui n’ont pas d’enfants, le PiS veut que les Polonaises puissent rejoindre le monde du travail une fois qu’elles auront fini d’élever les enfants et prêche une liquidation de crèches qui leur permettraient une reprise de leur activité professionnelle...

- On a déjà privé les femmes du remboursement des moyens de contraception. Mais ce qui fait le plus de dégâts, c’est une opinion - souvent pleine de mépris - enracinée dans la mentalité polonaise :

- Les femmes qui ont des enfants sont supérieures à celles qui n’en ont pas.

- A cela s’ajoute la question de la violence domestique.

UN EXEMPLE. Janina Wojcik, de Cracovie, bonne épouse et bonne mère, modeste, travailleuse. Régulièrement violée par son conjoint. Tous les voisins étaient au courant de son calvaire, mais personne ne s’est manifesté pour la secourir bien que le mari de Janina se soit mis à violer leur fille. Elle doit son salut - temporaire - aux inspecteurs de la SPA locale, qui, après avoir été alertés que le mari violait également le chien de la famille, ont porté l’affaire devant la justice.

UN EXEMPLE EXTRÊME. Alicja Tysiac, mère de trois enfants, première Polonaise à avoir porté plainte contre la Pologne à la Cour européenne de Strasbourg.
Malgré des contre-indications évidentes (une myopie très avancée) et le droit à l’avortement prévu dans ce cas
Elle a été obligée d’accoucher de son troisième enfant.
“Aujourd’hui, je ne peux même pas lire les instructions sur les ordonnances, se plaint Alicja.

- Je vis avec mes trois enfants dans une misère extrême

- On est menacés d’expulsion.

- Ma préoccupation actuelle : comment acheter une parka à mon fils pour l’hiver.”

- Plusieurs dizaines d’organisations catholiques ont protesté contre la plainte déposée par Mme Tysiac.
- “Pourtant, aucune de ces organisations n’a jamais frappé à ma porte, ne serait-ce que pour savoir si l’enfant qu’on m’a forcée à mettre au monde n’avait pas faim”, témoigne-t-elle.

“La femme polonaise ne devient pas mère pour son bonheur, mais par obligation ; elle met son ventre au service d’idéaux plus élevés”, analyse Elzbieta Isakiewicz, ancienne rédactrice en chef adjointe de Gazeta Polska [journal nationaliste], qui se définit elle-même comme “conservatrice et catholique”.

- Elle, qui considère la maternité comme “le cadeau le plus merveilleux qui soit”, refuse pourtant d’accepter le statut de femme au foyer : “Celles qui vantent cette vie mentent ou n’ont pas le choix.”

Source Le Courrier international

Transmis par Linsay



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