Sonia, : « Je suis inquiète pour les jeunes, je suis inquiète pour le personnel »

vendredi 22 mai 2020
par  Rouge Midi
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Coup de projecteur sur la mission locale de Marseille, une parmi d’autres...

Créées par ordonnance en 1982 les missions locales ne devaient être à l’origine que des structures provisoires…puisque le gouvernement aller régler la question du chômage des jeunes en 18 mois disait-il !!! C’était d’ailleurs l’argument que les politiques de l’époque opposaient à celles et ceux qui critiquaient leur création en disant que :
- Rien ne nécessitait cette création puisque existait déjà une agence nationale pour l’emploi et que si on voulait renforcer les dispositions d’accueil en faveur des jeunes il suffisait de renforcer les moyens de l’ANPE y compris en affectant à celles-ci des missions nouvelles d’accompagnement social en tous domaines…
- Qu’il y avait un abandon par l’état de ses devoirs de service public dû à la jeunesse puisqu’il confiait celui-ci à des associations locales employant des personnels non-fonctionnaires et sans garantie d’avenir ou de reconversion à l’issue de leur passage dans ces structures
- Il y avait un risque fort de clientélisme puisque c’étaient des élus locaux qui les présidaient
Près de 40 ans plus tard le chômage des jeunes est loin d’avoir disparu et les missions locales sont toujours là avec un personnel sous statut privé qui fait ce qu’il peut avec les moyens dont il dispose dans un contexte de crise aggravé…
C’est particulièrement vrai dans cette période de crise sanitaire et sociale d’où notre rencontre avec Sonia…qui nous parle en des termes inconnus de l’aumône gouvernementale attribuée aux jeunes, nommée par exemple « allocation interstitielle » et des indicateurs "moustaches" à respecter

Sonia tu es déléguée CGT à la Mission locale de Marseille. Quel est le rôle de cette institution ?

La mission locale est une association de loi 1901 qui crée, développe et anime des réseaux de partenaires, y compris spécialisés. Les jeunes bénéficient dans la mission locale d’un suivi global, ils bénéficient d’un suivi prenant en compte toutes les difficultés (santé, logement, etc.) qui pourraient interférer ou gêner leur projet d’insertion professionnelle, ce dans le but de contribuer à lever ces freins périphériques et leurs permettre d’accéder à l’emploi et ou la formation.

Quels publics recevez-vous ?

Nous recevons un public déscolarisé de 16 à moins de 26ans. Ce sont des jeunes qui ont subi une fracture au niveau de l’éducation nationale et donc la plupart ne sont pas diplômés. Ils sont dans leur quasi-totalité issus des quartiers les plus pauvres de la ville. Certains sont des primo arrivants. Ce qui est frappant c’est que leur première (et presque unique) demande à tous c’est : « Trouvez-moi un emploi ! » Et après il y en a pour dire que les jeunes sont fainéants…De plus on voit concrètement avec eux ce que fracture numérique veut dire : si on fait le compte de ceux qui n’ont pas d’ordinateur, d’imprimante, d’I-phone, on voit bien que beaucoup sont exclus des procédures mises en place dans cette période de crise sanitaire et sociale et du coup ils sont obligés de se « débrouiller » pour tout !

Ton boulot à toi plus particulièrement quel est-il ?

Actuellement je suis dans le dispositif et l’accompagnement Garantie jeune. C’est un dispositif destiné à aider les jeunes de 16 à moins de 26 ans en situation de précarité. Cela fonctionne de manière collective ce qui veut dire qu’il n’y a pas (en temps normal) d’accueil individuel mais des réunions sur des problématiques censées être communes. Cela consiste en un accompagnement intensif vers l’emploi associé à une aide financière. Là nous sommes dans une période particulière où beaucoup d’entre nous sont en télétravail et il n’y a donc plus d’accueil physique même pour un premier entretien… C’est à la fois difficile pour le public mais aussi le pour le personnel qui se sent démuni. De par ma fonction d’élue, la situation actuelle me rapproche davantage de mes collègues qui parfois au-delà du télétravail se sentent seul et isolés, l’entraide et la solidarité entre collègue est très importante.

Quelles difficultés rencontres-tu dans la période où il devrait y avoir, du moins peut-on le supposer, des moyens supplémentaires mis en œuvre ?

Depuis la période de confinement je rencontre des jeunes qui sont en grandes détresses. A savoir :
- Des jeunes à la rue alors que le 115 et les Nuits plus sont pris d’assaut et où il n’y a aucune alternative au logement.
- Des associations qui font appel aux dons pour palier un manque réel de fournitures de première nécessité. (Femmes seules avec enfant ayant besoin de couches, liniment…) On dirait que la charité a remplacé le droit…
- Des jeunes en autonomie (ayant un logement seul) ne pouvant pas aller travailler et dont le seul revenu est la garantie jeune à hauteur de 497.01, sans aucun revenu supplémentaire et qui paient leurs charges. Pour la plupart ils sont orientés vers des associations pour ce qui est du secours alimentaire, afin de pouvoir manger. De plus les conseillers mission locale montent des dossiers d’aide financière pour ces jeunes via le Fond d’Aide Aux Jeunes (Conseil Départemental) en dématérialisé.

Le fait que les conseillers de la Mission Locale les appellent permet aux jeunes dans leur grande majorité de maintenir un lien permettant une écoute et de leurs proposer dans la mesure du possible des aides que nous avons. Les jeunes dans ce contact maintenu voient aussi l’importance qu’ils ont et la construction de leur projet donc une sortie du déconfinement. Ce qui est positif pour les jeunes et ils sont contents quand on les contacte et reconnaissants de l’aide et de l’écoute apportées.
Mais évidemment cela ne remplace pas une politique de plein emploi, un service public du travail de haut niveau et une éducation nationale qui a les moyens de ses missions. Du coup on fait comme on peut là où l’on est…



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