Ce que j’ai vu à Caracas (vu d’Amérique)

lundi 4 décembre 2006
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Le journaliste américain Jeff Cohen s’est rendu au Venezuela pour montrer à ses lecteurs ce qui se passe. Son objectif : balayer quelques idées reçues sur la nature de la “révolution” en cours.

Fabio Cuttica / Contrasto / REA

Je n’ai pas l’habitude de suivre les conseils des gens de droite, mais j’ai fait une exception cette fois-ci. Après avoir reçu des dizaines de courriers injurieux me suggérant de quitter les Etats-Unis et d’aller au Venezuela, j’ai relevé le défi et pris l’avion pour Caracas.

C’est un de mes éditoriaux conseillant aux habitants américains d’aller faire leur plein d’essence chez CITGO - une filiale de la compagnie pétrolière nationale vénézuélienne - qui avait provoqué cet afflux de courriels.

“Hé ! crétin, m’a-t-on écrit, si tu détestes autant l’Amérique et adores le Venezuela, vas-y !”

Je suis bien content d’avoir écouté les conseils du chÅ“ur conservateur. Le Venezuela est un pays complexe, dirigé par Hugo Chávez. Pendant des décennies, l’élite à la peau claire du pays a gaspillé et accumulé l’argent du pétrole, tandis que la plus grande partie de la population - qui est essentiellement d’origine indienne, africaine et métisse - vivait dans une terrible pauvreté.

Aujourd’hui, les revenus de la CITGO et des autres compagnies pétrolières sont investis dans des programmes sociaux (appelés “missions”) qui bénéficient à la majorité pauvre du pays. Ces programmes rappellent ceux du New Deal de Franklin Delano Roosevelt. Mais, si ces derniers étaient nés de notre effondrement économique, les missions vénézuéliennes, elles, sont alimentées par la croissance - la croissance du prix du pétrole, qui va probablement se prolonger au cours des prochaines années.

“A cause de Chávez, le communisme est florissant en Amérique du Sud.”

D’après ce que j’ai vu, c’est le capitalisme qui y est florissant. Les compagnies pétrolières étrangères continuent à tirer de jolis profits du pétrole vénézuélien, mais elles paient désormais davantage d’impôts et de royalties. Même chose pour les 80 restaurants McDonald’s établis dans le pays, qui ont été brièvement fermés l’an dernier après avoir été accusés de fraude fiscale.

Les multinationales et la vieille élite s’en sortent très bien. Tellement bien que certaines personnalités de gauche accusent Chávez, qui parle d’édifier “le socialisme du XXIe siècle”, d’être l’outil de l’impérialisme économique. A mon avis, si Chávez réussit son coup - ce qui est loin d’être sûr, dans un pays qui connaît une corruption, une pauvreté et une criminalité endémiques, et qui se trouve à la porte de la superpuissance américaine -, le système économique du Venezuela ressemblera davantage à celui de la Suède qu’à celui de Cuba.

“L’argent du pétrole n’arrive jamais jusqu’aux pauvres... Vous devez être payé par Chávez pour écrire des choses pareilles.”

Ce qui est incontestable, c’est que les pauvres ont repris espoir - ce qui explique peut-être pourquoi Chávez est le président le plus populaire de notre hémisphère. La participation à la démocratie est en pleine expansion. Cela s’explique d’une part par la polarisation, mais aussi par le fait que les pauvres se sentent pour la première fois suffisamment pris au sérieux pour participer activement à la vie politique.

Impossible de parcourir le Venezuela sans remarquer les nouveaux investissements réalisés dans l’éducation publique. On réhabilite les écoles dans les zones urbaines et rurales, et les établissements doivent proposer gratuitement petit déjeuner et déjeuner, ainsi que des activités artistiques, musicales et extrascolaires. Dans les quartiers défavorisés, des magasins subventionnés par l’Etat vendent des produits alimentaires à la moitié du prix du marché.

A Caracas, la capitale, chaque jour de la semaine, des milliers de soupes populaires financées par l’Etat proposent aux indigents des déjeuners gratuits. Des quartiers qui auparavant n’avaient jamais vu de médecin ont vu se construire des milliers de dispensaires gratuits. Leurs médecins viennent essentiellement de Cuba, qui reçoit en échange du pétrole vénézuélien.

Aucune dictature n’est en marche, la démocratie n’est pas en danger

“Va donc faire de la lèche au dictateur antiaméricain.”

Il suffit de regarder vaguement la télévision, qui est le principal média du pays et qui se trouve entre les mains d’intérêts conservateurs, pour voir un déferlement de critiques antichavistes. L’opposition se porte bien, elle a utilisé la télévision pour soutenir un coup d’Etat militaire qui a rapidement échoué en 2002 (premier délit), une grève générale initiée par les patrons des compagnies pétrolières en 2002-2003 (deuxième délit) et un référendum révocatoire en 2004 (troisième délit).

Chávez a obtenu près de 60 % des suffrages lors de ce scrutin, qui a été surveillé de près par des observateurs internationaux. Les tentatives pour faire tomber Chávez - par des moyens démocratiques ou non - ont été soutenues par le gouvernement américain. Si les organismes indépendants qui suivent la situation des droits de l’homme dénoncent quelques cas isolés où le gouvernement a cherché à intimider des personnalités ou des journalistes de l’opposition, ils rejettent l’idée que la démocratie soit en danger ou que la dictature soit en marche.

La question, c’est moins Chávez, à mon avis, que les initiatives sociales que son gouvernement a prises. Je me rallie à la recommandation de mes adversaires de droite : allez au Venezuela. Si vous le pouvez, allez voir les transformations sociales par vous-mêmes. Songez aux décennies de pauvreté, de négligence et de corruption qui ont abouti à l’élection de Hugo Chávez - et voyez si son gouvernement améliore les choses.

Source :Jeff Cohen*
Common Dreams News Center

* Ecrivain, professeur, spécialiste des médias.

Transmis par Linsay

Chavez améliorant le capitalisme et sauvegardant l’impérialisme ? Fallait oser...



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