Les Bochimans ne sont pas tombés sur la tête

jeudi 1er février 2007
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Un des derniers peuples « primitifs » d’Afrique, les Bochimans, a remporté une victoire judiciaire historique qui lui accorde le droit de revenir sur ses terres ancestrales dans le Kalahari. Le problème est qu’il doit encore faire face aux réticences du pouvoir botswanais et du lobby du diamant.

« Nous, les Bochimans, avons gagné notre procès et notre droit à revenir sur nos terres ancestrales. Mais le président botswanais Festus Mogae a participé à un meeting au camp de relogement de New Xade et a encore demandé aux gens de ne pas retourner dans la réserve centrale du Kalahari (CKGR) ». Au nom des Bochimans de cette réserve animale, l’ONG First People of The Kalahari (FKP) lance dans les colonnes du quotidien botswanais Mmegi un appel au président du pays pour qu’il respecte leur volonté et celle de la justice.

En effet, le 13 décembre dernier, la Haute Cour a tranché en faveur du droit au retour de quelque 200 Bochimans expulsés de leurs terres par le gouvernement. Ce dernier a refusé de faire appel, mais le discours du président Mogae le 18 janvier inquiète les justiciables Bochimans. Et ce n’est pas son intention d’envoyer leurs enfants à l’école et de moderniser la vie de ces adeptes de la chasse et de la cueillette qui les convaincra. « Le président pense-t-il que la promesse de plus de développement à New Xade va nous empêcher de rentrer chez nous ? », demande l’ONG FKP, qui réaffirme la détermination des Bochimans à récupérer des terres que leurs ancêtres ont occupé depuis 20 000 ans et d’où ils ont été chassés dès 1997. D’après The Washington Post, « environ 100 000 Bochimans demeurent en Afrique australe, et le groupe le plus important est au Botswana. Seule une petite minorité veut vivre traditionnellement dans la réserve centrale du Kalahari, une zone plus grande que la Suisse. »

Dans le Cape Argus, le photographe Ralf G. Will dénonce les restrictions annoncées par le ministre de la Justice botswanais Athaliah Molo-komme. Selon lui, seuls les 200 Bochimans qui ont porté plainte sont autorisés à rentrer. « Les autres doivent obtenir des permis spéciaux de retour. » Par ailleurs, la « fourniture d’eau » dans la réserve, coupée depuis 2002, sera extrêmement réglementée et « aucun animal domestique », comme les chèvres et les chiens, n’y sera toléré. « Même la chasse » fera l’objet d’un permis spécial.

En outre, pour ce photographe, « la survie des Bochimans en tant que culture indépendante et dernier groupe restant de l’âge de pierre en Afrique, avec les Pygmées de la république démocratique du Congo, est menacé par les intérêts pernicieux des mines de diamant, qui ont déjà créé la plus vaste mine à ciel ouvert du monde sur les franges orientales du Kalahari ». D’après The Independent de Londres, « les Bochimans avaient réussi à préserver leur mode de vie consacré à la chasse et à la cueillette. Mais, quand des diamants ont été découverts dans les années 1980, la compagnie sud-africaine De Beers, le numéro un mondial du diamant, a acquis le droit d’y exploiter une mine. Peu à peu, les Bochimans ont été forcés de quitter leurs terres pour vivre dans un camp de relogement. L’alcoolisme et le sida se sont répandus. » La question du lobby du diamant trouve un écho dans la sortie actuelle du film Blood Diamond, avec Leonardo Di Caprio dans le rôle principal. Le journal signale que les Bochimans ont demandé le soutien de l’acteur américain, à qui Roy Sesana - leader et porte-parole des Bochimans et ancien dirigeant du FKP - a dit dans une lettre ouverte : « Votre film montre à quel point les diamants font du mal. »

Reste qu’un premier contingent d’une quarantaine de Bochimans a déjà pris le chemin du retour dans la réserve située au coeur de l’Afrique australe aride. « C’est un jour historique pour nous comme le fut pour Nelson Mandela celui où il a gagné l’Afrique du Sud », a déclaré Roy Sesana, cité par The Independent.

Dans cette affaire à fort impact médiatique, The Observer s’est pour sa part intéressé au juge Unity Dow. Agée de 47 ans, elle est l’une des trois juges du procès « le plus long et le plus onéreux qui ait jamais eu lieu dans le pays » et qui a accordé « une victoire historique aux Bochimans après une bataille judiciaire de quatre ans pour qu’ils puissent conserver leurs terres ancestrales et chasser les animaux de l’une des plus grandes réserves naturelles d’Afrique ». Unity Dow est « la première femme a être nommée juge de la Haute Cour au Botswana », précise l’hebdomadaire.

D’après elle, « le procès n’est pas de savoir si l’esclavage était brutal, ce qui est avéré, ou si le colonialisme était un système alimenté par une idéologie raciste et arrogante, ce qui est vrai, ou encore si l’apartheid était atroce, ce qu’il fut », rapporte The Observer.

Le procès a valu de nombreuses critiques à l’ONG Survival International, qui soutient la procédure judiciaire lancée par les Bochimans. Dans les pages éditoriales de Mmegi, le quotidien botswanais, un auteur accuse l’ONG d’agir dans son propre intérêt financier plutôt que de se préoccuper de la situation des Bochimans et de saboter l’image et le développement du pays. Des propos réfutés en bloc dans une réponse publiée par le même journal.

Pour la juge Unity Dow, « Survival International et d’autres qui ont soutenu la cause des Bochimans ont seulement donné du courage et de l’aide à des gens qui historiquement étaient trop faibles, d’un point de vue économique et politique, pour pouvoir remettre en question des décisions qui les concernent ».

Source : Le quotidien botswanais Mmegi

Transmis par Linsay



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