Les avocats et les diams au coeur d’une campagne de boycott anti-israélien

mercredi 31 janvier 2007
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" Nous lançons un appel à la mobilisation à tous les travailleurs
sud-africains. Nous voulons que tous les diamants provenant d’Israël
soient considérés comme des diamants de guerre. Nous exhortons
les gens à ne plus acheter de diamants israéliens ", a déclaré
Mohamed.

Un appel lancé par un syndicaliste sud-africain en direction des
chaînes de supermarchés afin de les exhorter à arrêter d’importer
des avocats d’Israël pourrait en fin de compte conduire à bannir tous
les produits importés de l’Etat juif, si les syndicats et les militants de
défense des droits de l’homme réussissent leur coup.

Katishi Masemola, secrétaire général de l’Union des Travailleurs des
Industries Alimentaires et Connexes [Food and Allied Workers’ Union
- FAWU], a fait savoir aux chaînes de supermarchés sud-africaines,
voici quelques jours, qu’Israël produit des avocats dans des
conditions « de type esclavagiste ». Il affirme que l’Organisation
Internationale du Travail proscrit le recours au travail des enfants,
qu’Israël, soutient-il, emploie dans ses vergers d’avocatiers.

IPS a contacté l’ambassade israélienne à Pretoria, la capitale de
l’Afrique du Sud, afin de solliciter ses commentaires. Celle-ci n’a pas
répondu à l’appel de l’IPS.

Au cours d’une interview, M. Masemola nous [nous = IPS] a déclaré :
" Israël occupe des parties de la Palestine, et il frustre ce pays de
son accession à l’autonomie étatique. Dans ces territoires occupés,
on produit des avocats dans des conditions très dures, de type
esclavagiste. Des fermiers israéliens louent des enfants palestiniens,
qu’ils paient à coups de lance-pierres. « » La quantité d’avocats que les chaînes sud-africaines de la grande
distribution alimentaire importent est négligeable. Cela ne
représente que deux pour cents du tonnage total des avocats
qu’elles se procurent tant outre-mer que localement « , a-t-il dit. » Les
supermarchés peuvent très bien s’en passer ".

Derek Donkin, directeur général de l’Association Sud-Africaine des
Producteurs d’Avocats [South African Avocado Growers’ Association -
SAAGA], a indiqué que l’Afrique du Sud produit 100 000 tonnes
d’avocats annuellement. " Entre 40 000 et 50 000 sont exportées.
Le reste est vendu sur le marché local ", nous a-t-il déclaré depuis le
siège de son association, sise à Tzaneen, à quatre heures de route
de la plate-forme commerciale aéroportuaire de Johannesburg, la
plus importante d’Afrique du Sud.

" L’Afrique du Sud importe une petite quantité d’avocats, durant la
saison creuse (de novembre à février), où nous ne produisons pas
d’avocats. La plus grande partie des avocats que nous importons
provient d’Espagne ", a-t-il expliqué.

Dans une lettre en date du 16 janvier, adressée à Shaheed
Mohamed, coordinateur de la branche sud-africaine de la Coalition
pour des Sanctions Contre Israël, Brian Weyers, directeur marketing
de Shoprite Checkers, une grande chaîne de supermarchés, indiquait
que le Groupe Shoprite n’importait d’Israël que 1,12 % des 6,8
millions d’avocats vendus par ses soins.

"Nous avons acheté 93,85 % des avocats [que nous avons vendus]
localement, et nous avons importé 5,03 % de nos ventes d’Espagne
et du Kénya ", a-t-il ajouté. M. Weyers a indiqué que ces fruits
étaient hors saison et que c’était là l’explication du recours, par le
groupe Shoprite, à des sources d’approvisionnement alternatives.

" En ce qui concerne les avocats d’importation, ils ont été achetés à
une compagnie israélienne, Carmel Agrexco, laquelle nous a assuré
qu’elle était approvisionnée également par beaucoup de producteurs
arabes, qui la chargent d’exporter leurs productions ", a indiqué M. 
Weyers.

" Nous devons aussi signaler que Shoprite n’est pas la seule
compagnie, en Afrique du Sud, à vendre des produits israéliens.
Aujourd’hui, vous pouvez acheter des pamplemousses, des oranges
et des kakis israéliens chez la plupart de nos concurrents, dans la
ville du Cap ", a-t-il précisé.

Au début de nos investigations, nous avons constaté que la
controverse portant sur les fruits n’était que la partie émergée de
l’iceberg. " Les avocats ne sont pas tout. Le principal produit qui
nous préoccupe, ce sont les diams. Israël importe des diamants
d’Afrique du Sud ; il les polit et il les taille, après quoi il les renvoie en
Afrique du Sud, à un prix supérieur d’au minimum dix fois à leur
valeur de départ. Il en va de même pour l’or ", nous a indiqué
Mohamed au cours d’une conversation téléphonique, depuis Le Cap.

" Israël importe pour 3 milliards de rands de diams (soit, environ,
430 millions de dollars) d’Afrique du Sud annuellement. Israël ne
produit pas le moindre carat de diamant. Pourtant ce sont 30 % de
son Produit Intérieur Brut qui sont dégagés par l’industrie du
diamant. Les diamants pourraient être polis et façonnés en Afrique
du Sud ; cela donnerait du travail à une partie des chômeurs qui
représentent 40 % de la main-d’œuvre sud-africaine ", a-t-il
suggéré.

Durant l’année écoulée, la De Beers - la compagnie minière leader
en Afrique du Sud - a licencié 1 200 de ses 10 000 employés,
d’après Rivonia Mura Khosi, un leader syndical de la mine De Beers
de Kimberley (Afrique du Sud).

" Par-dessus le marché, ils veulent licencier encore 400 travailleurs
supplémentaires. La semaine prochaine, nous allons rencontrer la
direction pour discuter de cette question. Si nous pouvons éviter les
licenciements, tant mieux ", nous a-t-il déclaré au cours d’une
interview, poursuivant : " Sinon, nous allons essayer de leur
négocier un bon pécule de départ ; ça va être très dur "

Lentement, mais sûrement, la coalition anti-israélienne se renforce,
en Afrique du Sud. " Nous n’avons pas encore lancé d’appel à
l’imposition de sanctions à Israël. Nous savons qu’Israël perpètre
des atrocités à l’encontre des Palestiniens. Mais nous en viendrons
 ; ça n’est plus que la question de quelques mois " nous a dit M. 
Masemola.

" Nous lançons un appel à la mobilisation des travailleurs
sud-africains. Nous voulons que tous les diamants provenant d’Israël
soient considérés comme des diamants de guerre. Nous exhortons
les gens à ne pas acheter de diamants provenant d’Israël ", a
expliqué M. Mohamed.

Une campagne internationale visant les diamants façonnés en Israël
est prévue pour le mois de février prochain en Afrique du Sud, en
Grande-Bretagne, au Canada, en Australie et en Irlande.

En ce qui le concerne, le Groupe De Beers rejette toute accusation
de comportement répréhensible : " 100 % des diamants De Beers
sont certifiés exempts de conflictualité. Actuellement, ce sont moins
d’un pour cent des diamants en vente dans le monde entier qui sont
concernés par les trafics de guerre. Alors qu’aujourd’hui plus de 99
% des diamants bruts sont certifiés provenir de sources indemnes
de conflits, l’industrie du diamant a une politique de tolérance zéro
pour les diamants de guerre, et elle n’aura pas de repos tant que les
diamants de la guerre n’auront pas totalement été éradiqués ",
explique la firme sur son site internet.

" Le Libéria connaît aujourd’hui la paix, et actuellement le Liberia, la
République du Congo (connue aussi sous le nom de Congo
Brazzaville) et la Côte d’Ivoire sont soumis à des sanctions de l’Onu
", précise ce site.

En vertu du système de certification adopté en 2003, sous le nom de
Processus de Kimberley, qui regroupe 71 pays, les diamants doivent
être exempts de toute conflictualité. Ce processus a été suscité par
des conflits sanglants dans des pays africains riches en ressources
diamantifères, qui ont causé des centaines de milliers de morts.

En Afrique, la coalition de M. Mohamed est active au Maroc et en
Egypte. L’Afrique du Sud est le seul pays d’Afrique subsaharienne à
comporter une branche (unique, à ce jour) de cette association. Les
quatre collègues de M. Mohamed ont participé au Forum Social
Mondial de Nairobi, au Kénya (du 20 au 25 courant), où ils ont
organisé une manifestation de protestation contre Israël.

M. Mohamed a indiqué que sa coalition vise aussi l’Afrique du Sud en
raison de ses ventes de pièces de rechange d’avions et
d’hélicoptères à Israël. Il a rappelé qu’Israël utilise des mitrailleuses
héliportées contre les Palestiniens. " Par association, nous sommes
donc impliqués dans l’assassinat de civils palestiniens innocents par
l’armée israélienne ", nous a-t-il expliqué.

Le gouvernement sud-africain, qui n’a pas imposé de sanctions, ni
adopté de règlements de boycott, aux biens en provenance d’Israël,
est perçu comme pro-palestinien, en raison de liens historiques
entre l’African National Congress au pouvoir et l’OLP. Rappelons que
le régime sud-africain d’apartheid, (heureusement) disparu,
travaillait en étroite collaboration avec l’Etat juif.



on Inter Press Service (Johannesburg)
26 janvier 2007

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier



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