La mondialisation en haut des cimes

mardi 13 mars 2007
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Connaissez-vous « le roc des 3 marches », « la pointe de la Masse », la « cime de Caron » ? Si oui, vous faite partie de ceux qui ont été skier à Val Thorens. Pour les autres, parce que c’est vous, je décris : Imaginez un paysage grandiose, de trois vallées sur lesquelles se trouve une neige immaculée ...

Il n’y a plus qu’à prendre les télésièges aux coussins confortables et monter jusqu’à atteindre les cimes indiquées. Dans les télésièges vous faites le tour du monde sans bouger de votre place...votre voisin de droite parle un anglais impeccable, tout droit sorti de Oxford, et sur votre gauche vous entendez les copines blaguer en italien. A la remontée suivante, vous entendez parler allemand, hollandais ou Russe.

En haut des cimes, le monde vous appartient, une vue splendide qui plonge dans les vallées où travaillent les hommes jusqu’à la mer, où l’on devine les cheminées des porte-containers que les derniers dockers de Marseille sont en train de décharger. Vous dévalez les pistes à la vitesse de la lumière, et dans ce jeu entre soleil, neige et vitesse, le seul sentiment qui vous étreigne à ce moment là, c’est celui de liberté, d’une liberté absolue.

A Midi, vous posez vos skis (800 à 2.000 € la paire) contre un mur sans avoir besoin de poser les barbelés , et vous allez tranquillement vous reposer. Contraste absolu entre le moment où vous dévaliez les pentes à la vitesse d’Einstein et ce moment de calme absolu inondé de soleil et bercé par le chant des oiseaux d’altitude. Rajoutez y un café noir du Brésil accompagné d’un bon génépi , fermez les yeux vous êtes au nirvana. Après la pause, vous repartez avec le soleil dans les yeux, et la montagne, tel un miroir vous envoie le reflet de votre trace rectiligne, parsemé des circonvolutions de votre imagination : Quand vous vous arrêtez, la première chose que vous faites est de bien regardez la trace que vous avez laissé. Voilà en quelques mots, ce que ressentent ceux qui vivent la mondialisation du « haut des cimes ». Précisons que cette mondialisation là, seul 8 % des Français en bénéficient ....L’aristocratie des cimes en quelque sorte.

L’AVEU :

Allez .... J’avoue, pour décrire aussi bien les sentiments que l’on ressent à dévaler les pistes, c’est que je fais partie de ces 8 % de français qui ont encore la chance, du fait de mon niveau salarial, de pouvoir continuer à passer une semaine aux sports d’hiver. Encore faut-il préciser que mes parents m’invitent dans un chalet qu’ils louent à des amis (prix hors marché) et de ce fait je ne paye que le minimum (location de matériel, forfaits, cours pour les enfants). Dans ces conditions particulières, j’estime le budget global entre 1.000 à 1.200 € (Transport et repas compris) pour 5 jours. Qui peut encore se payer ça en France, dans les conditions d’aujourd’hui ?

Cependant quand je redescends de mes skis, je n’oublie pas l’autre mondialisation....Car, pendant que je skiais avec le top 5 de la « mondialisation des cimes », la presse nous apprenait « les détails du plan de restructuration d’Alcatel-Luccent » concernant les « 1.648 suppressions d’emplois ». Quand aux Echos du 3 mars 2007, il nous apprend que : « Louis Gallois défend l’équité de son plan social » qui débouche sur la « suppression » de 10.000 postes et la fermeture de 6 sites de production. On est ici loin, très loin de la « mondialisation des cimes ».

LA MONDIALISATION D’EN BAS DES CIMES.

Il y a une autre mondialisation, celle d’en « bas des cimes », plus proche du « canal St martin », que du « pic de la Masse ». Ici la godille ne se pratique pas sur des skis et dans la neige, mais sous des tentes et dans la merde. Dans cette mondialisation là, le quotidien s’écrit sous la forme d’un parcours du combattant pour trouver un logement, un emploi qui, de plus en plus souvent, est précaire, notamment pour les jeunes. Leur seul objectif est alors de pouvoir trouver à la fin du contrat précaire, un autre contrat précaire, et de précarité en précarité, c’est toute la société qui est passé à la moulinette du profit, pour le plus grand bénéfice de « l’aristocratie des cimes ».

J’imagine que dans ces conditions extrêmes, les sentiments que l’on a ne peuvent en aucun cas ressembler aux sentiments que l’on éprouve en dévalant les pentes. J’imagine un immense sentiment de frustration et d’incompréhension, qui ne peuvent qu’engendrer à la fois rage, jalousie et désespoir, poussant à l’enfermement sur soi, l’individualisme. C’est sur ces sentiments, que le capitalisme compte pour casser encore plus le besoin de solidarité et de réactions collectives, car il vise avant tout dans sa logique à faire disparaître de la conscience humaine, toute logique qui pourrait s’appuyer sur un renouveau du concept de « lutte des classes ». « La mondialisation » intervient alors comme le concept ultime, celui que l’on en peut nier, qui s’impose à tout le monde, à l’image de Dieu dans l’ancien régime. Et si la mondialisation s’impose à tous, alors on ne peut que s’adapter, comme le paysan s’adapte à la météo et le soldat à la guerre.

LA MONDIALISATION : UNE GUERRE SOCIALE A L’ECHELLE DU MONDE :

La mondialisation est un système économique et politique par lequel les salariés d’une entreprise d’un Pays rentrent en guerre contre d’autres salariés d’un autre Pays :
- soit de la même entreprise (délocalisation),
- soit d’une entreprise différente (concurrence).

Si l’on regarde ce mécanisme non plus seulement d’un pays ou d’une entreprise, mais de manière agglomérée (globale), la mondialisation est un système qui met en guerre les salariés d’une entreprise et d’un Pays contre tous les autres salariés du monde. En d’autre termes, la guerre de 1914-1918 a repris sans que les généraux nous le disent, mais il n’y a plus qu’un seul drapeau à défendre, celui du Capital. Pourtant Jaurès nous l’avait dit : « Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage ».

Mais comme en d’autre temps, les hommes n’ont pas su reconnaître le messie, nous n’avons pas vu la guerre arriver, car le capitalisme a cette faculté emprunté au sida, de déguiser ses guerres, derrière des apparats qui changent au fil de l’Histoire. A ne vouloir lire celle-ci, que comme une simple répétition des événements passés, on n’oublie ce second principe : « l’Histoire ne se répète pas, elle bégaye ».

DE LA COMPETITIVITE :

Le drapeau de la compétitivité est le nationalisme du capitalisme mondialisé et c’est derrière et au nom de cette bannière que tous les jours, des hommes tombent : Les uns atteints par une restructuration, les autres par un plan social, et le reste victime de délocalisations dans des pays à « bas couts ». Cette simple expression « pays à bats coûts » est la preuve par l’absurde que la mondialisation est bien une « guerre salariale » entre salariés, manipulé par des Généraux, dont les titres financiers (stock options), ont remplacé les titres de noblesse. Nous sommes ici dans une guerre de type Napoléonienne, dans laquelle les « fantassins salariés » se tirent dessus, tandis que les généraux des « camps ennemis » dégustent le thé à la même table (conseil d’administration), tout en discutant de la prochaine attaque (O.P.A).

Il s’agit bien par les processus de concurrence entre salariés de tous les pays d’obtenir les « coûts du travail » les plus bas. Dans ces conditions le capitalisme a-t-il encore une morale ? La compétitivité passe t-elle après l’ordre juste ou avant : « La politique de la concurrence est bien sûr essentielle à la compétitivité de l’économie française » ? Si la « compétitivité » et la « concurrence » passent avant, quel rôle pour le concept « d’ordre juste » (chèr à Ségolène) ? Dans cette approche l’homme ne serait donc qu’un coût à réduire et non une ressource à développer ?

COST-KILLER = HUMAN-KILLER :

Carlos GHOSN, ci devant grand P.D.G de Renault NISSAN, a su redresser le groupe Japonais Nissan. Il avait la réputation d’être un « cost-killer », c’est-à-dire un « tueur de coûts » . Même si cette expression « baisse des coûts » est « la religion des économistes libéraux », admettons que celle-ci ait un sens. La réalité de la production d’une automobile aujourd’hui, fait que moins de 20 % du cout total de la voiture provient du travail vivant (salariés), tout le reste (plus de 80 %) provient donc du capital (outillage, matière première, transport etc.).

Or l’application stricte du plan « coast-killer », va se traduire par la seule recherche de la baisse des coûts salariaux. Autrement dit, la praxis des gestionnaires du capital, ne vise pas à réduire tous les coûts comme l’intitulé pourrait le laisser croire, mais uniquement à « tuer les coûts humains ». Quand on apprend par la suite qu’au centre de Renault Guyancourt, il y a eu 3 suicides en un mois , j’espère que le lecteur comprendra en quoi le signe = est d’une valeur plus que symbolique...

OUVERTURE PHILOSOPHIQUE :

Observons que dans cette réflexion, il n’y a pas de mondialisation de niveau intermédiaire, ni de refuge possible , dont l’objectif serait de pouvoir marier la carpe et le lapin (alchimie chère à Bayrou). Dans la « mondialisation capitaliste » , il y a deux camps, ceux qui dévalent les cimes avec un sentiment de liberté, et ceux d’en bas des cimes, qui regardent la liberté sans pouvoir y accéder...

St Martin de Belleville, le jeudi 8 mars 2007.



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