Révoltes paysannes

samedi 17 mars 2007
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Les récents affrontements entre villageois et forces de l’ordre dans la province du Hunan rappellent qu’à côté du miracle économique, la réalité sociale dans les campagnes chinoises se détériore

C’est un phénomène qui semble prendre de l’ampleur, malgré les tentatives du pouvoir de le camoufler : les manifestations, incidents, émeutes dans les zones rurales se multiplient ; des milliers chaque année, qui vont de la simple protestation aux affrontements meurtriers avec les forces de l’ordre. La semaine dernière, à Zhushan, dans le Hunan, c’est l’augmentation de 50% du prix du ticket de bus qui a mis le feu aux poudres. Plus d’un millier de policiers faisaient face à quelques 20 000 manifestants. Bilan : des voitures calcinées, une soixantaine de blessés, et un mort, selon le South China Morning Post.

En 2004, une révolte dans la région pauvre du Sichuan contre le projet de construction d’un barrage avait fait plusieurs morts. L’année suivante, la police tirait sur des paysans opposés à la saisie de leurs terres dans la province du Guangdong.

Les affrontements de Zhushan ne sont que le reflet du ras-le-bol du monde rural, qui reste le parent (plus que) pauvre du développement fulgurant de la Chine. Les paysans affrontent une bureaucratie tentaculaire qui les impose à souhait, limite la productivité et donc leurs revenus. Sans compter la corruption dans les rangs des cadres locaux du parti... Tandis que les infrastructures de première nécessité, notamment en ce qui concerne la santé, sont souvent obsolètes, ils subissent de plein fouet la pollution. Et puis subsiste la question cruciale du droit inexistant des paysans à la propriété. Même la toute nouvelle législation adoptée le 16 mars, qui reconnaît le droit à la propriété privée, exclut la terre de son champ d’action. On ne compte plus les millions de ruraux expropriés à cause de l’industrialisation galopante. Quand ces derniers choisissent le chemin de l’exode rural, ils viennent gonfler les rangs des travailleurs migrants dans les grandes villes ; des clandestins de fait puisque ne bénéficiant pas du permis de résidence permanent, auquel sont soumis les avantages sociaux.

Ce fossé grandissant entre la Chine qui réussit et celle des 750 millions de ruraux est un défi d’importance. Conscient du déficit des politiques publiques dans les campagnes, Pékin multiplie les initiatives. Lors de l’ouverture de la session annuelle du Parlement, le 5 mars, le Premier ministre Wen Jiabao a plaidé pour une croissance plus sociale et plus écologique, en annonçant une série de mesures à destination du monde rural : développement de la production de céréales, augmentation des investissements dans l’agriculture et des revenus des paysans, sécurité médicale, suppression des frais de scolarité, etc.

Une prise de conscience des plus pragmatiques. A Pékin, on se souvient que, dans l’histoire de la Chine, les « jacqueries » n’ont pas toujours été étrangères à la chute de certaines dynasties.

Le 17/03/2007, par Skander Houidi dans Marianne (Web)

Transmis par Linsay


Photo :
Une voiture calcinée lors des émeutes dans le village de Zhushan (province du Hunan en Chine), le 12 mars 2007



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