Liberté : ces temps ci le mot a tendance à se vider de sens...

...mais la résistance s’affirme.
mercredi 18 avril 2007
par  Charles Hoareau
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L’affaire Guimard et les autres.

Plusieurs affaires inquiétantes d’attaques aux libertés font en ce moment la une de l’actualité sociale des Bouches du Rhône. Reprenons les une par une.

L’affaire Guimard

Le 20 avril à Aix vient en procès Florimond Guimard, instituteur, membre de RESF accusé d’avoir utilisé sa voiture comme arme par destination (rien que ça !) contre des policiers qui tentaient d’expulser un sans papier. Les faits incriminés remontent au 11 novembre 2006, en principe jour de repos en raison de la commémoration de l’armistice. Il faut croire que pour les sans papiers la guerre n’a jamais cessé puisque c’est ce jour-là qu’à nouveau la police tentait d’expulser Lahcène après avoir été mise en échec deux jours plus tôt sur le port grâce à l’intervention des marins de la SNCM.

Peine perdue dès la nouvelle connue c’est la mobilisation générale des militants politiques, associatifs, syndicaux et 200 personnes se retrouvent dans l’aéroport de Marseille-Marignane, manifestent, alertent les passagers et finalement, une nouvelle fois Lahcène n’est pas expulsé. Nouveau camouflet pour les expulseurs et alors ils cherchent leur revanche.

Ils la cherchent d’autant plus que la mobilisation les a mis en échec plusieurs fois et qu’à chaque tentative, RESF, la CGT, le comité sans papiers bref tout un tas d’organisations se mobilisent et se rassemblent contre les mauvais coups avec une détermination à toute épreuve comme le prouve l’histoire ci-après.

L’incroyable histoire de Sédat

Le cauchemar de Sedat TASTAN, jeune kurde de 19 ans, commence le 28 février, jour de son arrestation. Aussitôt RESF appelle à la mobilisation et comme à chaque fois les mêmes se retrouvent de jour comme de nuit, dimanche comme jour de semaine, devant le centre de rétention, à l’aéroport, bref dans chaque lieu que la mobilisation exige. Bien sûr tout le monde n’est pas présent à chaque fois, mais suffisamment nombreux et déterminé pour empêcher l’expulsion. La famille de Sédat, ses amis sont eux aussi partie prenante de la mobilisation. Sédat lui-même fait dix jours de grève de la faim sur les 20 qu’il passe en détention.

Il y aura 3 tentatives d’expulsion par avion avec violences policières avérées. Au cours d’une de ces tentatives et sans en dire plus pour ne pas gêner la réussite d’actions ultérieures 4 personnes sont allées jusqu’à prendre un billet d’avion pour elles mêmes !! Au final après une nuit en prison à Meaux (78) Sedat est ressorti libre le lundi 19 mars du Tribunal de Bobigny.

Comme l’indique le communiqué de RESF du même jour, il s’agit bien d’une « Condamnation implicite des méthodes de la Préfecture des Bouches du Rhône et du Ministre de l’Intérieur

L’acharnement et les violences que lui [Sedat] ont fait subir la préfecture des Bouches du Rhône et ses policiers zélés n’auront pas réussi à venir à bout de la résistance physique et mentale de Sedat ni de la solidarité active de tous les soutiens que le RESF, aussi bien à Marseille qu’en Ile de France, a su mobiliser.

Le tribunal correctionnel de Bobigny, où comparaissait Sedat TASTAN ce lundi 19 mars a logiquement ajourné le procès de Sedat au 10 septembre 2007. La procureur, censée poursuivre Sedat pour « refus d’embarquement » a elle-même laisser entendre qu’il n’avait rien à faire ici en ne s’opposant pas à l’ajournement du procès. C’est un désaveu des méthodes et de l’entêtement de la préfecture des Bouches du Rhône.

L’avocate de Sedat, Maître Terrel a elle axé sa plaidoirie sur les risques avérés qu’encourait Sedat si il était expulsé vers la Turquie (prison), sur l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (droit à la vie privée et familiale), les garanties de représentation devant la justice qu’apportait Sedat...
Au regard de la législation fluctuante (réformes du Ceseda, circulaires de régularisation...), Maître Terrel a demandé d’ajourner le procès d’un an pour permettre à Sedat de régulariser sa situation administrative et de mieux préparer ce procès difficile et douloureux.

Cette demande a été entendu par le juge qui a ajourné la procédure d’environ 6 mois.

Derrière cette décision juste, c’est évidemment le courage de Sedat et la mobilisation citoyenne qui sont récompensés.
Les nouveaux éléments de ce dossier doivent maintenant permettre la régularisation de Sedat. »

C’est évidemment cette mobilisation, ces réussites, ces camouflets à la répression que l’on veut faire payer à Florimond. D’où la manif à 10h à Aix et les diverses initiatives qui la précèdent.

Les délégués CGT Mac Do

Les lecteurs de Rouge Midi se souviennent peut être de la grève victorieuse de l’été dernier des salariés de Mac Do Marseille Blancarde. Victoire sur les salaires, sur les embauches, les classifications et dans la foulée victoire aux élections professionnelles.

Là aussi la revanche est de mise et la direction de Mac Do n’y va pas par quatre chemins ni ne lésine sur les moyens. Avant toute chose il faut savoir qu’à Marseille les magasins Mac Do ont été franchisés pour 20 ans et qu’un conflit d’intérêt oppose Mac Do France à Francesco Brescia son associé marseillais sur les conditions de fin de franchise. Ce dernier veut faire monter les enchères des parts de l’entreprise que Mac Do France veut récupérer. Un administrateur judiciaire a même été nommé dans l’attente de la résolution du conflit. Bref une histoire de gros sous entre gens du commerce de la mal bouffe et dont les salariés font les frais. Il est clair que dans l’esprit des entrepreneurs dynamiques dont la France regorge une forte CGT dans l’entreprise cela peut occasionner une moins value sur le cours des ventes.

Donc pour conclure le marché aux meilleures conditions il faut se débarrasser de la CGT et du coup les menaces à l’encontre des militant-e-s et élu-e-s CGT se multiplient.

Fin février Francesco Brescia n’a pas eu le renouvellement de son mandat de PDG lors de l’assemblée générale et quatre jours plus tard c’est plus d’une vingtaine de personnes très connues dans le milieu marseillais et au sein de la police, qui se sont rendues dans le Mac Do de la Blancarde pour mettre la pression aux salariés et leurs demander de démissionner. En présence de la direction, il y a eu menaces, coups, insultes, sans que la direction n’intervienne ni n’appelle la police.

Le lundi 5 mars 2007, une forte délégation policière s’est rendue dans le restaurant et au domicile des militants C.G.T pour les convoquer le lendemain 9 h 30 au commissariat central. Là ils ont été mis en garde à vue, ont subi des auditions interminables dont toutes les questions tournaient autour des conditions de la grève d’août et une perquisition à leur domicile a même eu lieu.
Il est à noter que les policiers chargés de ces auditions sont de la brigade criminelle, c’est-à-dire des policiers qui ont pour habitude de traiter des affaires de grand banditisme et qu’ils ont clairement dit que c’était du jamais vu. Au passage on observe que les 6 délégués mis en garde à vue sont tous d’origine magrébine, un hasard sans doute...

Le soir les militants ont été libérés sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux ni qu’ils sachent clairement ce qui leur était reproché puisqu’ils n’auront accès au dossier qu’une fois celui-ci classé sans suite et avec les délais de la justice cela peut prendre du temps....

Bien plus de temps qu’il en a fallu à la direction pour entamer une procédure de licenciement contre tous les salariés protégés CGT, procédure qui s’appuie sur cette garde à vue...infructueuse.

Evidemment la CGT ne laissera pas faire et les Mac Do seront à Aix avec leur banderole.

Les militants syndicaux d’EDF

A EDF aussi on a le sens de la revanche contre les empêcheurs de privatiser en rond. Un peu partout en France se multiplient les procédures contre les militant-e-s attachés au service public. Marseille n’échappe pas à la règle. Jeudi 12 avril 4 militants étaient convoqués au tribunal pour être entendus par un juge d’instruction pour atteinte à la liberté du travail et coupures de courant intempestives.

Pour les coupures on a une solution : pourquoi désormais les salariés ne feraient pas grève en disant : « je suis en grève » comme ça il n’y aurait aucun arrêt de la production...

Par contre en ce qui concerne l’atteinte à la liberté du travail, si le motif était retenu, dans un pays qui compte près de 6 millions de chômeurs, cela pourrait nous donner quelques idées...Les 4 d’EDF et leurs collègues aussi seront là le 20.

La porte parole des sans papiers Aminata DIOUF

C’est peut être l’affaire la plus révoltante, en tous cas une de ces histoires dans lesquelles on se sent sali et meurtri, meurtrissure dont on se dit que l’on aura du mal à totalement se défaire quelle que soit l’issue de l’affaire. Aminata sénégalaise, arrivée en France en 1990 suite à la mort de son mari qui la laissait seule avec 6 enfants, a été longtemps sans papiers.

Dès 1993 elle s’engage dans la lutte du comité chômeurs CGT et participe à la création du collectif sans papiers dont elle devient quelques années plus tard la porte parole connue et respectée. En 17 ans de luttes elle en a vu des actions, des marches, des manifestations, des grèves de la faim, des occupations, des délégations en préfecture....et dans tout cela des régularisations arrachées par la lutte incessante.

Florimond et Aminata

Septembre 2005 avec l’arrivée de la nouvelle équipe préfectorale la situation se bloque et plus aucune régularisation n’intervient. Les contacts sont rompus. La nouvelle sous préfète ne répond à aucun courrier et la lutte se poursuit dans des conditions encore plus dures puisque l’état d’urgence est déclaré - avec tout ce que cela veut dire pour des sans papiers - les contrôles, les arrestations se multiplient.

C’est dans ce contexte de doute général sur l’issue de la lutte et les moyens de celle-ci qu’il se trouve providentiellement une dizaine de sans papiers qui portent plainte contre Aminata (ils n’ont donc pas eu peur, eux, de se présenter spontanément à la police qui ne leur a étrangement pas demandé leurs papiers !!!). Plainte pour escroquerie que l’on peut résumer à ceci : Aminata leur aurait demandé de l’argent et obligé à se syndiquer en échange de leur régularisation...Ce n’est pas la première fois en France que ce type d’attaque contre des dirigeants de comite de sans papiers est menée. Quand on est à court d’argument tout est bon pour discréditer une lutte et ses animateurs ou animatrices.

Miraculeusement tous les plaignants ont été régularisés depuis et le moins que l’on puisse dire c’est que la sous préfète dans ses déclarations s’est montré complaisante tant à leur égard que vis-à-vis de rumeurs dont pas l’ombre d’une preuve n’a été avancée et pour cause. La justice n’a pourtant pas lésiné là aussi sur les moyens : auditions, perquisition, examen du compte en banque d’Aminata (remarquez pour ce dernier point cela a du être rapide !) il n’y a rien. N’empêche Aminata est assignée à résidence et sous contrôle judiciaire jusqu’à la fin d’une procédure qui ne repose que sur des rumeurs et qui pourrait bien se retourner contre ses instigateurs et leurs soutiens.

Criminalisation quand tu nous tiens.

Non seulement Aminata sera là à Aix, mais comme tant d’autres fois c’est elle qui prendra la parole au nom du collectif de sans papiers, au nom de tous ceux et celles, anciens ou nouveaux qui sont révoltés par de telles méthodes.

A Aix nous dirons que s’il y a une identité nationale que nous revendiquons c’est celle de la lutte, celle des idéaux de la révolution française, celle de la résistance à la barbarie nazie et aux tenants de l’eugénisme dont les fils spirituels s’attaquent aujourd’hui à ce qu’ils nomment avec mépris les « droits de l’hommistes ». S’il y a une identité nationale c’est celle qui a refusé les guerres coloniales et a fait, avec les autres peuples du monde, du 1er mai la journée de la solidarité internationale.

Florimond, Najib, Michel, Aminata et les autres, le 20 avec vous nous ferons de cette journée la journée des libertés et célèbrerons avec quelques jours d’avance la journée de toutes les solidarités.



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