Comment éviter de nouveaux drames ?

samedi 3 septembre 2005
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Libération du 31 août 2005

Associations, région, préfecture, mairie et gouvernement proposent leurs mesures pour le logement social.

Par Jacqueline COIGNARD et Marc PIVOIS

C’est à l’Etat de faire son boulot. C’est à lui d’enclencher une véritable politique du logement. D’où qu’elles viennent, les suggestions se tournent toutes vers le gouvernement. Ce dernier devrait d’ailleurs, a dit hier le président de la République, « annoncer très prochainement des initiatives fortes ». Il serait temps, rétorque implicitement le PS, qui estime que, depuis « trois ans, le gouvernement a démantelé méticuleusement les outils et les financements de la politique du logement social ». Mais quand « le PCF demande la réquisition de tous les immeubles et bâtiments vides à Paris », le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, préconise, lui, « la fermeture de tous les squats et immeubles vétustes ». Quelles solutions avancent les décisionnaires et les responsables d’association en matière de logement social ?

Les mesures d’urgence

Nicole Maestracci, présidente de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars)
« Qu’on ne nous parle pas de mesures d’urgence : dans l’incendie du XIIIe, on voit clairement que ces gens vivaient dans le provisoire depuis dix ans. Les gens n’ont pas besoin d’un logement seulement quand il fait trop chaud ou trop froid ou quand leur famille a péri dans un incendie. Les solutions d’urgence se pérennisent d’année en année, alors qu’elles coûtent plus cher que du logement social normal. On estime que 30 % des accueillis en centres d’hébergement pourraient accéder à un logement HLM car ils n’ont pas, ou plus, besoin d’un accompagnement social intensif. »

Jean-Baptiste Eyraud, président de Droit au logement (DAL)
« Un : que l’Etat cesse de mettre des immeubles en vente au plus offrant, pour renflouer les caisses et financer des baisses d’impôts. Qu’il donne l’exemple en les confiant à des bailleurs sociaux ou des associations. Deux : suspendre le programme de démolitions. Il s’agit de plusieurs milliers de logements sociaux qui mériteraient peut-être d’être réhabilités. Trois : geler les expulsions pour ne pas alimenter la précarité. Quatre : développer les réquisitions de logements vacants, en améliorant la loi si besoin est. Cinq : sécuriser les immeubles dont on n’a pu reloger les occupants. »

Serge Incerti, secrétaire confédéral de la Confédération nationale du logement (CNL)

« Il faudrait déjà que certains, comme Nicolas Sarkozy, cessent de jouer les vierges effarouchées. La situation est connue depuis des années, et quelqu’un comme lui qui envisage de vendre 4 000 logements sociaux dans les Hauts-de-Seine et refuse de construire pour les familles modestes ne contribue pas à améliorer la situation. Il faut arrêter les expulsions locatives, bloquer les loyers HLM, revaloriser les aides à la personne, geler le programme de démolition. »

Jean-Luc Laurent, vice-président (MRC) de la région Ile-de-France, chargé du logement

« Construire du logement social, et même du logement très social. L’Etat doit s’engager de toute urgence dans une grande politique du logement. Or c’est exactement l’inverse qui se produit : 315 000 demandes de logement sur la région, 50 000 de plus qu’il y a cinq ans, le droit au logement n’est plus assuré. Certes, il faut réhabiliter ce qui est réparable, démolir ce qui ne peut l’être, mais, avant tout, il faut construire un parc qui prenne en compte les grandes familles.
Le ministère de la Cohésion sociale promet, lui, demain, un « certain nombre de mesures d’urgence ».

Jean-Yves Mano, adjoint au maire de Paris, chargé du logement
« Il faut que l’Etat et les autres communes de la région parisienne s’engagent pour aider la capitale à faire face au problème des logements insalubres. »

Les mesures à long terme ?

Nicole Maestracci : « Il faut une vraie politique publique pérenne, détachée des compassions momentanées ou saisonnières, et qui se poursuive au-delà des alternances politiques. La crise du logement est une situation archiconnue et les associations n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics sur sa gravité. On peut réquisitionner, racheter des logements vides, imaginer des systèmes de baux glissants, gérés par des associations. Mais on se heurtera toujours à un problème de nombre : il faut construire massivement du logement social et s’interroger sur notre incapacité à faire respecter la loi SRU par toutes les communes. »

Jean-Baptiste Eyraud : « Avec la hausse vertigineuse des loyers, tout le monde est plus que jamais d’accord sur le constat : il faut construire des logements sociaux pour les ménages modestes, ceux qui habitent dans ces torches potentielles, hôtels meublés, foyers de travailleurs migrants, bidonvilles. Y compris en régularisant les sans-papiers. Pourquoi ne pas utiliser les terrains qui étaient prévus pour les jeux Olympiques ? »

Serge Incerti : « Il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités et construise massivement. »

Jean-Luc Laurent : « Pour contrer le problème du coût des terrains, la région a proposé, il y a plus d’un an, la création d’une agence foncière régionale qui pourrait préempter afin de ne pas être systématiquement doublée par le privé. »

Ministère de la Cohésion sociale : « L’union sacrée doit se faire avec tous, non seulement pour accélérer et amplifier l’action de tous les partenaires et acteurs du logement social, mais aussi dans la condamnation sans faille et la lutte contre toutes les discriminations, notamment en matière de logement. En 2005, plus de 390 000 logements seront mis en chantier, un niveau qui n’a jamais été aussi élevé depuis vingt ans. L’objectif sur les cinq ans du plan de cohésion sociale est de 100 000 logements par an, soit un doublement du niveau de 2000. »

Jean-Yves Mano : « La solidarité régionale et nationale doit s’exercer pour que, sur l’ensemble du territoire d’Ile-de-France, un certain nombre de maisons soient construites qui puissent accueillir ces personnes de façon décente et sans risque. »

Pourquoi cela n’a pas été fait avant ? Qui est responsable ?

Nicole Maestracci : « On ne voit pas ce qu’on ne veut pas regarder. En outre, lorsqu’il s’agit d’étrangers, la peur de donner des voix au Front national fait perdre le sens commun. Mais qu’on ne se trompe pas : pour l’essentiel, les mal-logés sont en situation régulière. »

Jean-Baptiste Eyraud : « Tous les responsables politiques ont failli, Martine Aubry l’a reconnu pour le PS, en oubliant la vocation sociale du logement. L’Etat et les collectivités territoriales se renvoient la balle. C’est à l’Etat de reprendre la main, en imposant des mesures sans états d’âme, comme ce fut le cas dans les années 60-70. »

Serge Incerti : « Ces dernières années, l’Etat s’est désengagé du logement social et s’est lancé dans une politique du "tout privé" avec des exonérations fiscales sans efficacité sociale et économique. On voit à qui tout cela profite. »

Jean-Luc Laurent : « L’Etat se désengage du terrain du logement. Sur notre proposition de création d’agence foncière, il fait le sourd. Pourquoi ? Nicolas Sarkozy, représentant des élus des Hauts-de-Seine et des autres départements UMP d’Ile-de-France, est hostile à toute forme de remise en cause de leurs pouvoirs. »

Jean-Yves Mano : « Le 25 avril, nous avons demandé, dans un courrier, au ministre de la Cohésion sociale d’organiser une conférence associant l’Etat, la ville et le monde associatif afin de traiter de la question du relogement d’urgence, dont les structures d’accueil sont concentrées à Paris. Plus de quatre mois plus tard, cette proposition est restée sans réponse. La ville de Paris a aussi demandé il y a plus de six mois une réunion interrégionale, sans succès. »



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