Crise alimentaire : quelques éléments d’analyse

dimanche 11 mai 2008
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Face à ce que d’aucuns dans la presse en mal d’expressions fortes appellent le tsunami alimentaire, des éléments tirés de 3 documents différents et qui se complètent…

Si les auteurs des 3 écrits mettent en avant des causes communes (politique du FMI, agrocarburants, réchauffement climatique…), Cuba y rajoute les effets de la guerre en Irak tout en soulignant le caractère ancien de l’inégale répartition des richesses, cause de la crise actuelle, Eric De Ruest met l’accent sur la désinformation sur les vraies raisons de la crise et Danielle donne un éclairage géopolitique sur la situation mondiale d’aujourd’hui avec les contradictions de la politique américaine face en particulier au poids et au rôle de la Chine.

Intervention de Cuba à Managua [1]

(…)Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2005, nous payions la tonne de riz 250 dollars ; aujourd’hui, nous la payons 1 050, le quadruple. Nous payions la tonne de blé 132 dollars ; aujourd’hui, nous la payons 330, deux fois et demie plus. Nous payions la tonne de maïs 82 dollars ; aujourd’hui, nous la payons 230, quasiment le triple. Nous payions la tonne de lait en poudre 2 200 dollars ; aujourd’hui, nous la payons 4 800, presque le double. C’est là une situation perverse et intenable.

Cette réalité a des retombées internes sur les marchés de la plupart des pays de notre région et du monde, touchant directement la populaire, en particulier les plus pauvres, et poussant à l’indigence des millions de personnes. Certains pays, voilà à peine quelques décennies, se suffisaient à eux-mêmes en riz et en maïs, mais les recettes néolibérales du FMI les ont incités à libéraliser leur marché et à importer des USA et d’Europe des céréales subventionnées, ce qui a abouti à la suppression de la production nationale. Compte tenu de la flambée des cours susmentionnée, toujours plus de personnes ne peuvent plus se nourrir de ces aliments de base. Il n’est donc pas surprenant qu’elles protestent, qu’elles descendent dans la rue afin de trouver le moyen de donner à manger à leurs enfants.(…)

La crise alimentaire qui nous convoque aujourd’hui est aggravée par les cours élevés du pétrole sur lesquels influe l’aventure militaire en Iraq et par leurs retombées sur la production et le transport des aliments ; par les changements climatiques ; par le fait que les USA et l’Union européenne consacrent toujours plus de grains et de céréales à la production de biocarburants ; et par les pratiques spéculatives du grand capital international qui mise sur les stocks d’aliments sans s’inquiéter de la faim des pauvres.

Mais l’essence même de cette crise ne gît pas dans ces phénomènes récents : elle se trouve dans la distribution inégale et injuste des richesses mondiales et dans le modèle économique néolibéral insoutenable imposé ces vingt dernières années au monde avec un fanatisme irresponsable.

Les pays pauvres qui dépendent des importations d’aliments ne sont pas en mesure de supporter ce coup. Leurs populations n’ont aucune protection. Et le fameux marché n’a, bien entendu, ni la capacité ni le sens des responsabilités nécessaires pour la leur procurer. Nous ne sommes pas face à un problème de nature économique, mais devant un drame humanitaire aux conséquences incalculables qui met même en danger la sécurité nationale de nos pays.

Faire retomber la crise sur une consommation accrue d’importants secteurs de la population dans des pays en développement à croissance économique accélérée, telles la Chine et l’Inde, constitue non seulement une prise de position insuffisamment fondée, mais encore une vision raciste et discriminatoire dans la mesure où elle considère comme un problème que des millions de personnes puissent accéder pour la première fois à une alimentation décente et saine !

Le problème, tel qu’il se traduit dans notre région, est lié essentiellement à la situation précaire des petits agriculteurs et de la population rurale dans les pays sous-développés, ainsi qu’au rôle oligopolistique des grandes sociétés transnationales de l’industrie agro-alimentaire.
Celles-ci contrôlent les cours, les technologies, les normes, les certifications, les réseaux de distribution et les sources de financement de la production alimentaire dans le monde. Elles contrôlent aussi le transport, la recherche scientifique, les fonds génétiques, l’industrie de fertilisants et de pesticides. Leurs gouvernements, en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs, imposent les règles internationales qui régissent le commerce des aliments, ainsi que celui des technologies et des intrants permettant de les produire.

Les subventions agricoles aux USA et en Union européenne ne font pas qu’enchérir les aliments que vendent ces pays ; elles imposent en plus un obstacle infranchissable à la vente sur leurs marchés des produits des pays en développement, ce qui a une incidence directe sur la situation de l’agriculture et des producteurs du Sud.

Il s’agit bel et bien d’un problème structurel de l’0rdre économique international en place, non d’une crise conjoncturelle qui peut se régler par des palliatifs ou des mesures d’urgence. La récente promesse de la Banque mondiale d’allouer 500 millions de dollars dévalués pour faire face à cette situation n’est pas seulement ridicule : c’est une plaisanterie de mauvais goût.

Pour s’attaquer à ce problème dans son essence et ses causes mêmes, il faut analyser et transformer les règles écrites et non écrites, les règles accordées et les règles imposées qui régissent auj0urd’hui l’ordre économique mondial, ainsi que la création et la distribution des richesses, notamment en ce qui concerne la production et la distribution d’aliments.

Ce qui est décisif aujourd’hui, c’est envisager un changement profond et structurel de l’0rdre économique et politique international en vigueur, parce qu’antidémocratique, injuste, exclusif et intenable. Un ordre prédateur, responsable de situations telles que celles que Fidel dénonçait voilà douze ans : « Les eaux se polluent, l’atmosphère s’empoisonne, la nature se détruit. Ce n’est pas seulement la rareté des investissements, le manque d’éducation et de technologies, la croissance démographique accélérée, c’est aussi que l’environnement se dégrade et que l’avenir est toujours plus hypothéqué. »

Par ailleurs, la coopération internationale nécessaire pour faire face à ce moment de crise s’avère indispensable. Des mesures d’urgence doivent permettre d’alléger rapidement la situation des pays où des émeutes sociales ont déjà éclaté. Il faut aussi promouvoir sur le moyen terme des plans de coopération et d’échanges, accompagnés d’investissements conjoints qui accéléreront dans notre région la production agricole et la distribution d’aliments, et assortis d’un engagement résolu et d’une forte participation de l’Etat. Cuba est disposée à contribuer modestement à un effort de ce genre.

Le Programme que nous propose aujourd’hui le compañero Daniel en vue de concerter les efforts, les volontés et les ressources des membres de l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) et des pays centraméricains et caribéens mérite tout notre appui. Il présuppose que nous comprenions clairement que la situation alimentaire mondiale n’est pas une opportunité, comme le pensent certains, mais une crise très dangereuse. Il implique que nous reconnaissions expressément que nous devons orienter nos efforts à la défense du droit à l’alimentation pour tous et à une vie digne pour les millions de familles paysannes jusqu’ici spoliées, et non que nous saisissions l’occasion pour favoriser des intérêts corporatifs ou de mesquines opportunités commerciales.

Nous avons longuement discuté ce point. Il nous faut maintenant agir unis, avec audace, en faisant preuve de solidarité et d’esprit pratique.
Si tel est l’0bjectif commun, alors on peut compter sur Cuba.
Je conclus en rappelant les paroles prévoyantes de Fidel en 1996, toujours aussi actuelles par leur profondeur : « Les cloches qui sonnent aujourd’hui le glas pour ceux qui meurent de faim tous les jours sonneront demain pour l’humanité entière si celle-ci ne veut pas, ou ne sait pas ou ne peut pas être assez sage pour se sauver elle-même. »

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Les fausses explications de la crise alimentaire dans la presse. [2]

Les PAS (plans d’ajustement structurel) ont été imposés par les institutions de Bretton Woods aux pays du Sud dans le contexte de la crise de la dette du début des années 1980 . Ces mécanismes, tout droit issus de l’idéologie néolibérale, englobent l’ensemble des secteurs des sociétés visées. En effet, pour les théoriciens du néolibéralisme, la mondialisation déploiera l’ensemble de ses bienfaits quand chaque région produira ce en quoi elle excelle et laissera donc le soin aux autres régions de produire la majorité de ce dont elle a besoin. C’est en substance la théorie des avantages comparatifs datant de 1817.

Plus simplement, un pays reconnu comme étant particulièrement adapté à la culture du cacao doit renoncer à produire les céréales, les huiles végétales, les légumineuses nécessaires à l’alimentation de base de ses habitant(e)s et doit échanger sur le marché mondial sa production contre tout ce qui lui manque. Il s’agit donc de se couper des cultures vivrières séculaires et essentielles à la souveraineté alimentaire des peuples pour se plier aux jeux des économistes. Jeux dangereux qui ont montré leurs limites très rapidement et dont on peut contempler toute la déraison à travers les échecs observés dans de nombreux pays ( Haïti, le Sénégal, le Burkina Faso, etc.).

Dangereux car ignorants la destruction de la biodiversité au profit des monocultures d’exportations, ignorants aussi les impacts écologiques désastreux des transports nécessaires pour toutes ces marchandises. De plus, comment imaginer, sans une politique volontariste de contrôle des prix, qu’un pays qui exporte l’arachide dont les cours restent bas pendant 20 ans sur le marché mondial pourra importer les tracteurs et le pétrole nécessaires à son maintien sur ce marché ? (…)

Une stratégie délibérée de transformation sociale à l’échelle mondiale

Dans son premier rapport de 1999 consacré aux PAS, M. Fantu CHERU [3] explique que l’ajustement structurel va « au delà de la simple imposition d’un ensemble de mesures macroéconomiques au niveau interne. Il est l’expression d’un projet politique, d’une stratégie délibérée de transformation sociale à l’échelle mondiale, dont l’objectif principal est de faire de la planète un champ d’action où les sociétés transnationales pourront opérer en toute sécurité. Bref, les PAS jouent un rôle de ’courroies de transmission’ pour faciliter le processus de mondialisation qui passe par la libéralisation, la déréglementation et la réduction du rôle de l’Etat dans le développement national. »

Réduction du rôle de l’Etat. [4]Et cela vient d’un rapporteur spécial des Nations-Unies. M. CHERU n’est d’ailleurs pas le seul rapporteur des Nations-Unies à avoir évoqué dans ses travaux les conséquences néfastes des PAS(…) Les IFI (Institutions Financières Internationales) imposent la privatisation et ouvrent une voie royale à l’appétit gargantuesque des multinationales. C’est à cause d’une dette trop souvent issue de dictatures ou d’emprunts réalisés par les puissances coloniales (l’un n’empêchant pas l’autre) et transférés aux états nouvellement indépendants, que les gouvernements des pays du Sud (d’Afrique en particulier) [5] ont été contraints d’accepter les PAS et ainsi concéder une part importante de leur souveraineté. Si bien qu’avancer aujourd’hui que les choix stratégiques pour l’alimentation seraient encore dans les mains des gouvernements du Sud relève de l’escroquerie intellectuelle à moins d’un manque d’information indigne du journalisme que l’on est en droit d’attendre en démocratie. Entendons par là que fustiger à tort les Africains est une contre-vérité lourde de sens et qui n’aide en rien à créer un climat fraternel entre les peuples.

Un exemple pour mieux comprendre les impacts négatifs des PAS : Haïti

Les émeutes qui se sont déclenchées la semaine dernière à Port-au-Prince [6], mais aussi dans d’autres villes haïtiennes, ont été réprimées dans le sang. Une quarantaine de blessés au total dont quatorze par balles et au moins 5 morts. Pourtant, ces manifestations n’étaient que le résultat prévisible d’une flambée subite du prix du riz (de l’ordre de 200%). Quand on sait qu’aujourd’hui 82% de la population vit dans une précarité absolue avec moins de 2$ par jour, on comprend facilement de telles réactions face à cette augmentation. Haïti utilise 80% de ces recettes d’exportations uniquement pour couvrir les importations nécessaires à ses besoins alimentaires. Cependant, il n’en a pas toujours été comme cela. Avant la chape de plomb dictatoriale des Duvalier père et fils (de 1954 à 1986), l’île connaissait l’autosuffisance alimentaire. Mais la tendance qu’ont les IFI’s à soutenir les dictatures s’est encore confirmée ici et le peuple haïtien, en plus des blessures personnelles (tortures, exécutions sommaires, climat de terreur permanent instauré par les tontons macoutes), se voit réclamer le remboursement de la dette externe qui culminait en septembre 2007 à 1,54 milliard de dollars [7] Le secteur agricole aura été le plus durement touché par les exigences des prêteurs et puisque la population était majoritairement rurale, l’ampleur des dégâts n’en a été que plus importante. (…)

Un tsunami d’origine bien humaine

Quand les pompiers pyromanes communiquent, partout la presse y fait écho. Le (pas très bon) mot de L.Michel est cité par tous les journalistes de la place européenne : « un tsunami économique et humanitaire ». On pourrait croire par là que la crise a une cause extra-humaine, comme le fruit d’une catastrophe naturelle. Pourtant, comme nous l’avons développé plus haut, les causes de la crise sont par trop le résultat de politiques dictées par les milieux financiers aux gouvernements du Sud. C’est aussi à notre voracité énergétique qu’il faut imputer une des causes de cette crise ; Les agrocarburants rentrent bien en concurrence, sur le marché, avec les denrées alimentaires. La spéculation qui se fait autour de cette nourriture changée en carburant tire le prix des céréales et du sucre vers de nouveaux plafonds. Même Peter Brabeck, patron de la multinationale Nestlé, s’inquiète de la situation [8]

Il est donc plus que temps d’abandonner ce modèle de (sous-)développement néfaste et de laisser le choix aux populations de cultiver prioritairement pour leur marché intérieur. (…)

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Le marché ou le paroxysme de la contradiction impérialiste [9]

La crise dite des subprimes a coûté 700 milliards de dollars aux banques, la question est qui va payer la note ? Et au-delà qui va enrayer la machine folle ?

(...) Ainsi alors que l’on parle de la crise des subprimes depuis des mois, il est toujours difficile, vu de France, de se rendre compte de son importance. Cette récente étude du Boston Consulting Group sur les banques, parue en mars, et relevée mercredi 7 mai 2008 par l’AFP, permet de quantifier l’ampleur du phénomène.

1- Le rapport du boston Consulting group sur les banques.

L’AFP a rendu public un rapport de cet organisme. La situation montre à quel point "le marché", le capitalisme à son stade néo-libéral oblige selon le mot de John Lipsky (directeur adjoint du FMI) à penser l’impensable, le retournement en son contraire dont le symptôme est la recapitalisation des banques avec l’argent public mais il en est de même avec toutes les institutions dont on nous disait qu’elles accompagnaient le "marché". La seule vraie question est "qui va payer ?"

"Un chiffre à retenir : 695 milliards de dollars. Soit le montant de la baisse de capitalisation boursière des banques européennes et américaines en 2007. La capitalisation boursière est –on le rappelle- la valeur des entreprises cotées, qu’on obtient en multipliant le cours de l’action par le nombre de titres émis. Cette baisse veut dire que, aux yeux des investisseurs, la valeur des banques de ces deux continents, a baissé de 700 milliards. C’est un chiffre qui traduit et résume la perte de confiance sur les marchés."

"Autre enseignement de cette étude, avec les subprimes, les banques chinoises passent devant les banques américaines. Le classement des capitalisations boursières a été chamboulé suite à la crise financière. Citigroup, premier établissement en 2006, a baissé de cinq places et a laissé sa place à ICBC (L’Industrial and Commercial Bank of China), introduite en bourse en 2006 (il s’agissait alors de la plus grosse mise sur le marché jamais réalisée). ICBC a une capitalisation boursière de 340 milliards de dollars. Voici le classement 2007 des dix premiers établissements :

1. ICBC (n°2 en 2006)
2. China Construction Bank (n°7 en 2006)
3. HSBC (n°4 en 2006)
4. Bank of China (n°6 en 2006)
5. Bank of America (n°3 en 2006)
6. Citigroup (n°1 en 2006)
7. JPMorganChase (n°5 en 2006)
8. Banco Santander (n°12 en 2006)
9. Unicredit (n°15 en 2006)
10. Mitsubishi UFJ (n°8 en 2006) [10]

Cette étude n’a pas provoqué énormément de réaction. Pourtant, la perte de 700 milliards et l’intronisation d’ICBC comme leader, pourraient augurer d’une réorganisation profonde de la finance mondiale dans lequel les subprimes n’auraient été qu’un élément accélérateur, à savoir la prise de pouvoir de la finance chinoise". conclut la dépêche d’agence. Et voilà éclairé tout à coup la folie des jeux olympiques, le crédit accordé à cet histrion de Ménard...

Que s’est-il passé depuis la crise de cet été dit crise des subprimes ? Essentiellement les banques centrales ont injecté plusieurs centaines de milliards de dollars entre août 2007 et février 2008 sur les marchés d’argent à court terme pour inciter à prêter de l’argent. Chaque injection n’a eu qu’un effet temporaire. Et comme la FED privilégiait la lutte contre la récession tandis que la BCE se protégeait de l’inflation, cela a accéléré la chute du dollar.

Il ne reste plus qu’une solution c’est que la FED rachète les crédits risqués, bref que selon le modèle anglais il y ait consolidation des banques avec l’argent public, c’est à dire la nationalisation des pertes. Les banques en question à la recherche de fronts propres ont fait appel aux fonds souverains en particulier chinois. Ils en ont besoin mais ils ont peur, ce sont des fonds étatiques, l’économie chinoise est bien dirigiste, serait-elle restée un peu socialiste ? En Chine les banques sont nationalisées, la propriété collective demeure première comme la planification... Va-t-elle aller vers la liberté, le capitalisme, celle du libre renard dans le poulailler ou faut-il s’en méfier ? Les fonds souverains des émirats du golfe ne font pas peur, ceux de la Chine oui !

2.La Chine n’est pas un modèle mais on peut interroger son expérience de croissance

Car cette montée en puissance de la Chine n’est pas seulement financière. Albert Montero, un économiste espagnol, dans un article (Rebelion du 20 avril 2008), résumait un rapport paru le 19 avril 2008 de l’Organisation mondiale du Commerce sur l’évolution du commerce international en 2007 ..

a) Pour la première fois, la Chine dépasse les Etats-Unis comme exportateur mondial de marchandises et s’approche de plus en plus rapidement de l’Allemagne, le principal exportateur de marchandises du monde.

b) Pour la première fois, la Chine se substitue au Canada comme principal pourvoyeur des Etats-Unis. Les importations en provenance de Chine ont augmenté de 12%, plus du double des importations totales et ceci malgré la chute de la demande interne étasunienne.

c) Pour la première fois, le volume du commerce chinois (exportations et importations) a dépassé le volume du commerce du japon et de la répûblique de Corée réunis, second et troisième plus importants marchés d’Asie.

d) Depuis 2001, année où a été approuvée la candidature olympique pour Pékin et la Chine a adhéré à l’OMC, ses exportations et importations ont augmenté en moyenne annuellement de 25%, le double du commerce mondial. Depuis 2004, le commerce de marchandises de Chine (exportations et importations) a dépassé le Japon et en 2007, comme nous l’avons dit, il a dépassé les Etats-Unis.

Peut-être faudra-t-il bien s’interroger sur la manière dont la propriété étatique, la planification sont désormais non seulement la voie du développement pour bien des économies du Tiers-monde, mais apparaissent de plus en plus comme apportant des résultats qu’un Occident sur le déclin n’assure plus qu’à coup de crises répétées, de violences et même de remise en cause de son modèle dit démocratique, en fait “libéral”en jouant sur la polysémie de ce terme, la seule liberté devenant celle du “marché”, celle que l’on défend y compris en propageant guerre, famine… Il est bien temps d’en appeler à l’universalité des droits de l’homme quand ceux-ci apparaissent de plus en plus comme la seule défense des droits des patrons de presse et de télévision (selon Saint Robert Ménard) et la négation du droit à la survie alimentaire, sans parler du droit à la santé et à l’éducation de la majorité de la population.

Ainsi face au gigantesque racket financier, si non seulement la Chine paraît comme d’autres pays émergents être le grand bénéficiaire “financier” de la crise dite des subprimes et si de surcroît son économie résiste à la crise qui au contraire frappe les Etats-Unis et même l’Europe, ne serait-il pas temps de considérer pour une fois ce qu’un contrôle étatique, voir un capitalisme d’Etat (prudemment nous ne parlons même pas de socialisme fut-il de marché) apporte de solutions au développement, à l’économie ? Il serait temps non pas de retrouver le modèle, mais de considérer la Chine autrement qu’à travers la manière où la publicité négative de concurrents mécontents la dépeint.

Ainsi dans l’entreprise de publicité négative, il est fait référence non seulement aux droits de l’homme, à la critique systématique de la production chinoise, de ses conditions de travail, de son non respect de l’environnement, toutes choses qui ne sont jamais reprochées aux autres pays asiatiques en voie de développement, ni surtout aux multinationales occidentales qui en sont pourtant l’origine de ces formes d’exploitation. Les rébellions ouvrières qui sont sans doute une chance pour ce pays sont mises en relation avec le gouvernement et jamais les conditions imposées par les multinationales. Jamais il n’est fait état de la réduction importante de la pauvreté dans ce pays.

Aujourd’hui face aux émeutes de la faim la même publicité négative attribue à la Chine et à l’Inde le renchérissement du prix de la nourriture. Cet argument est largement répandu et dans l’antipathie récente à l’égard de la Chine, il y a y compris à gauche cette idée que la Chine, sa croissance, son appétit, bref son “matérialisme” consumériste serait à l’origine de la crise. Il y a ceux qui cèdent à la propagande du type c’est la faute à la consommation chinoise ou indienne. Non seulement, la Chine assure de fait à 95% sa consommation céréalière mais en plus elle n’est pas l’origine première de cette hausse des prix.
Quant à l’Inde le ministre des finances de ce pays vient d’annoncer qu’il veut exclure les produits alimentaires du mécanisme spéculatif sur les produits dérivés. Il estime à juste raison que tout le monde mesure bien que ces titrisations spéculatives sont à l’origine de la montée des prix alimentaires et des émeutes de la faim.

Il faut également lier bien sûr nos propres subventions agricoles dans les pays du nord et la manière dont ont été ruinées les économies agricoles du tiers-monde. On ne peut pas isoler un facteur fut-il aussi important que les bioénergies., c’est tout l’ordre international injuste qu’il faut dénoncer comme l’a dit Cuba à la rencontre de Managua et à la réunion de l’OMC. Cette prise de position est d’autant plus importante qu’elle est de plus en plus entendue par les pays du sud qui sont en train de chercher un autre mode de développement qui peut aller jusqu’à l’endiguement de l’impérialisme US et de leurs alliés.

3- Ils ne peuvent plus diriger mais ne cèdent sur rien

L’inquiétude dépasse les rangs des révolutionnaires, les bases du rassemblement s’élargissent mais cela ne signifie pas au contraire une baisse des exigences. Il s’agit de repenser la question de l’impérialisme. Aux Etats-Unis des voix s’élèvent pour un changement radical de politique étasunienne, elles ont peu de chances hélas d’être entendues. Actuellement non seulement l’économie nord-américaine est entrée en récession mais en plus le dollar est menacé. Cette monnaie devenant de plus en plus monnaie de singe, cela contribue largement à la montée des prix des matières premières et des produits alimentaires, provoquant de surcroît des vagues de spéculation, en chaîne [11].

Bush qui n’en est pas à un ridicule prêt a accusé les classes moyennes indiennes d’être à l’origine du déséquilibre alimentaire, ce qui a provoqué la colère des Indiens qui se sont contentés de comparer les 44,5 kilos de viande de volaille consommés annuellement par un nord-américain alors qu’un indien en consomme 23 fois moins.Les Indiens ont dénoncé les bioénergies [12]. Mais il est évident que la faiblesse du dollar, le fait que la monnaie d’échange planétaire perde sa valeur impose à terme des mesures drastiques y compris l’abandon du dollar. Si cette monnaie était abandonnée les conséquences seraient dramatiques sur l’économie nord-américaine [13]et aboutirait à la perte d’influence des Etats-Unis sur les institutions financières. Donc toute la question pour les Etats-Unis est comment maintenir une situation de suprématie ? Peut-on ignorer ce contexte qui est celui de l’aggravation du danger de l’entrée de la plus grande puissance, (bras armé de la finance internationale) dans une crise profonde ?

Déjà, le monde celui de la finance, comme celui des marchés de production de matière première est en train de s’organiser face à une telle éventualité. Aujourd’hui non seulement c’est l’effondrement du dollar et le déclin de la base industrielle, mais c’est aussi la chute continue même si elle est plus lente dans l’enseignement scientifique, la santé...

Des économistes posent le problème : "comment faire pour que l’économie mondiale continue à rouler pour les Etats-Unis ? " [14]L’exemple de ce qu’a été le plan Marshall en son temps peut-il être étendu aujourd’hui pour sauver le dollar ? Au lendemain de la deuxième guerre mondiale le plan Marshall a créé un marché pour les exportations américaines. Aujourd’hui sauver l’Amérique c’est continuer à entretenir sa principale force l’innovation technologique, celle-ci étant très dépendante de l’industrie militaire, il faudrait en outre accepter les capitaux internationaux en particulier asiatiques pour que l’innovation nord-américaine reste à la pointe.

Est-ce que vous mesurez la contradiction ? Pour que les capitaux viennent, pour que la mondialisation continue à bénéficier aux nord-américains, il faudrait une politique de détente y compris avec des pays comme le Venezuela, l’Iran, et surtout la Chine, alors que dans le même temps l’économie nord-américaine est complètement subordonnée au "complexe-militaro-industriel" et va vers toujours plus d’agressivité !!

D’où l’aspect totalement chaotique de la politique nord-américaine et le fait que l’hypothèse d’un véritable conservateur d’extrême-droite comme Mac Cain soit la solution la plus "rationnelle" du système. Après de nombreuses années où l’on nous a raconté que le marché certes accroissait les inégalités mais qu’il assurait le développement général et la paix, là encore nous aboutissons à son contraire, le marché est devenue une machine folle qui non seulement creuse les inégalités mais débouche sur les émeutes de la faim et ne peut maintenir sa logique que par la guerre généralisée.

N’est-ce pas parce que le "marché" est une fiction sociale, celle d’une égalité fictive entre l’offre et la demande qui nie le rapport social capitaliste d’exploitation et son extension planétaire l’impérialisme ?

Quand le rapport social a fait son temps et qu’il devient une entrave, nous assistons à un formidable ébranlement avec une résistance à la transformation et une volonté de plus en plus nocive de perpétuation du système.

4- Notre combat ici

A ce moment historique rien n’est tranché. Le mouvement général va vers le contraire du néo-libéralisme à l’oeuvre depuis un vingtaine d’années, cette dialectique, ce moment de négation de la négation, devrait réjouir Hegel et les marxistes si ce n’est que vu la manière dont cela risque d’être fait les coûts budgétaires, donc pour nous braves lampistes, peuvent être énormes(...] La socialisation des pertes sera alors l’occasion d’un nouveau démantèlement des droits sociaux. Comme durant le même temps, il y a une hausse dramatique des frais quotidiens des ménages, on conçoit bien à quel point le problème de trouver des mesures politiques anti-démocratiques, de limiter les choix citoyens est une urgence pour imposer la survie du capital financier. On ne voit vraiment pas pourquoi le capital irait vers plus de démocratie, plus de droits sociaux tant au plan interne qu’externe. Que ce soit aux Etats-Unis ou ici, entre des conservateurs modérés et un vrai conservateur d’extrême-droite, le système de propagande, la machine électorale financiarisée n’hésitera pas face à la montée des tensions sociales.

Aucun parti de gauche n’est crédible s’il ne se situe pas dans cette perspective, par exemple s’il ne pose pas la question des nationalisations dans d’autres termes que celles qui vont probablement fondre sur nous (y compris durant la présidence européenne de Sarkozy ce qui n’a rien de rassurant). Un parti communiste voire anti-capitaliste qui ne poserait pas la question des MOYENS de la transformation sociale n’aurait aucun intérêt, et ces moyens sont économiques autant qu’institutionnels. Arrêtons de rêver à un programme communiste auquel il ne manquerait pas un bouton de guêtre et enclenchons la dynamique de vraies nationalisations.

Actuellement en Europe, en France singulièrement il n’y a pas une force de gauche, pas un parti communiste pour oser penser autrement les nationalisations. Aucun parti ne s’interroge sur les moyens d’une transformation de la société, de la fin du marché, des spéculations financières, la reprise en main par la nation et par les travailleurs de “la régulation financière” que tout le monde prône y compris les capitalistes eux-mêmes, sans parler des institutions financières.

Deuxièmement nul ne s’interroge réellement sur l’évolution de la mondialisation dont témoigne ce rapport avec le rôle nouveau là encore du contrôle étatique ou celui des collectivités sur les secteurs financiers, comme ceux des matières premières. Est-ce que la situation ne pose pas plus que jamais des interventions en faveur d’un nouvel ordre international basé sur la justice, des SOLIDARITES ACTIVES, au lieu des campagnes menées soi disant au nom des droits de l’homme et qui ne sont en fait que des prétextes aux interventions impérialistes ?

A l’instar de Lazo Hernandez déclarons que "Ce qui est décisif aujourd’hui, c’est envisager un changement profond et structurel de l’0rdre économique et politique international en vigueur, parce qu’antidémocratique, injuste, exclusif et intenable."


[1Prononcée par Esteban Lazo Hernandez vice président du conseil d’Etat lors du sommet « souveraineté et sécurité alimentaire, aliments pour la vie » le 7 mai 2008

[2Eric de Ruest CADTM 13 avril 2008

[3Expert indépendant auprès de l’ancienne commission des droits de l’homme des Nations-Unies (sur les effets des PAS sur la jouissance effective des droits humains - rapport E/CN.4/1999/50 du 24 février 1999)

[4On est bien dans la stratégie du groupe Bilderberg voir entre autres articles sur ce sujet la citation de Rockfeller à la trilatérale NDR

[5Pour le Congo par exemple, au 30 juin 1960, jour de l’indépendance, la dette directe s’élève à un total de 921 096 301,44 US$ » (Tiré de l’article de Dieudonné Ekowana )

[6début avril NDR

[7Selon la Banque mondiale et l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) Bébé Doc. aurait détourné au total entre 300 et 800 millions de dollars.

[8voir brève

[9d’après Danielle Bleitrach

[10Pour les banques françaises, deux établissements font partie du classement : BNP Paribas, 12e (13e en 2006), et Société générale, 25e (position inchangée).

[11La commission européenne dans une étude récente a montré que « quand le prix des matières premières s’accroît toute la chaîne en profite pour améliorer ses marges ». Ainsi la hausse de 84% du cours du blé aurait dû se traduire par une augmentation de 3% chez le boulanger, en pratique les prix se sont alourdis de 10%. La spéculation est contagieuse, elle est un système qui engendre le fait que chacun cherche de nouvelles marges. Cette étude permet d’apprécier les divers facteurs de hausse des prix par exemple le prix du maïs en Europe est dépendant de deux facteurs les bioénergies et les nouveaux besoins de l’Asie (inde et Chine) en matière de consommation de viande blanche (élevée au maïs), il a augmenté de 28% entre février 2007 et 2008). C’est une hausse limitée par rapport à celle de blé (+ 84%) : en ce qui concerne cette dernière hausse les deux facteurs déterminants sont la médiocre récolte européenne liée à des facteurs climatiques (pour la première fois l’Europe a importé du blé), et surtout la spéculation sur les céréales sur les Bourses d’échange comme celle de Chicago. Le riz et le blé sont thésaurisées par les spéculateurs qui espèrent des bénéfices et surtout face à la crise financière, celle du dollar cherchent dans les produits alimentaires et les matières premières des valeurs refuges. Les echos. lundi 28 avril 2008, p.8

[12Cf. article de Ria novosti du 5 mai 2008.

[13Entre autres les Etats-Unis perdraient le privilège exhorbitant de pouvoir bénéficier de rendements plus élevés de leurs avoirs étrangers que les taux payés aux étrangers qui s’investissent chez eux.

[14C’est la question posée par le politologue Parag Khanna dans le new York Times sous le titre « la guerre des trois pôles » traduit pour le courrier international n°910 du 10 au 16 avril 2008. Il propose une solution d’entente qui paraît d’ailleurs parfaitement utopique mais on peut toujours espérer.



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