Christine Lagarde : L’augure qui se gourre.

jeudi 2 octobre 2008
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Incurable optimiste, la ministre de l’Economie et de l’Emploi est une spécialiste du propos lénifiant qui ne rassure pas.

Elle n’a pas pu s’en empêcher.

Au jour du renversement de tendance à la Bourse, la grande argentière Christine Lagarde l’a clamé très fort, avant d’en rajouter dimanche matin 21/9 sur Europe1 : « Le plus gros de la crise financière est derrière nous. »
Cependant que « notre système bancaire est solide et fonctionne bien ».

Comme on dit chez Natixis ?

Deux propos au moins téméraires et en tout cas prématurés.

La plus élémentaire charité laïque amène à souhaiter qu’ils ne reviennent pas comme un boomerang à la ministre. Ce ne serait pas non plus très bon pour le pays.

Qu’y faire ?

En moins d’une année et demie de fonction, Christine, ex-patronne du plus gros cabinet (d’affaires) américain, Baker & Mc Kenzie, n’a cessé de plaider pour le plus conquérant optimisme.

En début d’année, elle est formelle : c’est aux States qu’il convient de parler d’« affaissement » (économique).

Une situation aux antipodes de la nôtre : « Les Américains vont recevoir des bons du Trésor, les Français, eux, vont voir leur feuille de paie augmenter. »

A bon !

La croissance ? « Autour de 2% » et peut-être même entre 2 et 2,5%, n’en déplaise aux esprits moroses et même nocifs du FMI et de l’Insee réunis.

Aujourd’hui, un seul vrai bon point ne serait pas négligeable ; pas sûr qu’on en fasse autant l’an prochain.

« D’une certaine façon, Christine anticipe les espérances de Sarko », veulent croire quelques observateurs bienveillants.

A la veille des vacances, davantage alarmée sans doute, la ministre de l’Economie et de l’Emploi n’est pas beaucoup plus prospective. Et tient en substance ce discours à quelques journalistes : ou bien le pétrole et le cours des matières premières continuent à augmenter et on va droit à la catastrophe, ou bien ils baissent et tout ira mieux.

Pas de pot : les cours ont bien baissé, mais la crise financière s’est pointée.

C’est là trop d’injustice.

D’une certaine façon aussi - relayé par quelques médias pas trop rebelles, son cabinet ne cesse de le claironner - Christine a sauvé le système bancaire américain et donc planétaire.

En symposium avec ses collègues européens, elle les convainc d’une initiative spectaculaire : joindre leur homologue US Henry Paulson pour le persuader d’injecter de l’argent public dans ses mastodontes financiers déliquescents.

L’initiative a bien eu lieu, mais rien n’interdit de penser que le secrétaire du Trésor et ses pragmatiques collègues avaient déjà gambergé par eux-mêmes.

Autre idée de génie, concoctée, sous l’égide de Christine par les grands argentiers de l’Union : une ouverture de 30 milliards de crédits (15 incessamment) au PME.

Bienvenu, si, au vu d’une consommation e d’une construction languissante, il prend l’envie à ces entrepreneurs d’investir.

« Il nous manque déjà le moral », se lamentait déjà Juppé en 1996.

Il était le dernier à pouvoir en insuffler.

Médaille de bronze, à 15 ans, du championnat de France de natation synchronisée ( de danse sous l’eau, si l’on préfère), Christine, elle, veut y croire.

Elle l’explique d’ailleurs dans le dernier numéro de « Gala », auquel elle présente son conjoint, « un chef d’entreprise [qui] a conçu la zone franche à l’Ouest du Vieux-Port » de Marseille : « un compagnon de route et de vie attentivement choisi est une véritable source d’équilibre » Pourvu qu’il soit additionné d’« un peu de yoga »quotidien.

Curieux, au passage, comme cette réputée gaffeuse (ce vélo qui dit remplacer l’auto pour aller au boulot, cet ISF qui doit disparaître, etc ) aime à causer : pas moins de deux grandes émissions de radio cette quinzaine.

Mais pour si peu dire et annoncer, il est vrai.

"Marre que la patronne passe dans la presse pour une grande bourgeoise, râle de son côté un de ses collaborateurs de Bercy.

Bien sûr, elle gagnait 600 000 euros par an quand elle dirigeait sa société d’avocats, mais, à 16 ans, quand son père (un universitaire) est mort, elle écaillait le poisson sur les marchés.

Et puis sa situation de non-élue la met à l’abri de bien des pressions".

Objection, Votre Erreur !

Si, Christine n’est pas une élue, ce n’est pas faute de l’avoir cherché.

Au Havre tout d’abord (inquiet de ses ambitions, le maire UMP Antoine Rufenacht l’éconduit) ; à Paris ensuite, dans le XIIe arrondissement, ou, deuxième de liste, elle est victime de la catastrophe Cavada.

Troisième avatar : candidate à la présidence de la fédération UMP de la capitale, elle est à ce point neutralisée par Rachida Dati que le titulaire du poste, le maire du XVe Philippe Goujon, a toute chance de conserver le poste.

La déveine.

A Bercy, toujours, son entourage balaie bien sûr d’un revers de main les rumeurs récurrentes - et un temps alimentées par l’entreprenant Xavier Bertrand - d’une éjection prochaine de Christine : Mme Lagarde est le quatrième personnage du gouvernement".

Des esprits plus critiques ou mieux informés voient, en tout cas, une raison plus solide à sa pérennité au gouvernement, sinon aux Finances : sa pratique exceptionnelle de l’anglais, rarissime dans le monde politique.

A moins que, ému par ses efforts salvateurs, le vainqueur de la présidentielle américaine ne l’embauche pour sa pratique exceptionnelle du français.

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard Enchaîné du 24/09/2008

Transmis par Linsay



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