Les charognards

jeudi 13 novembre 2008
par  Charles Hoareau
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22h, mon téléphone sonne : « Il y a des rats dans mon appartement ! Je n’en peux plus ! Je n’ai pas dormi de la nuit ! »

Pour tromper son angoisse et dire sa colère il a écrit rageusement ces quelques mots qui suivent en attendant qu’une action (laquelle ?) le délivre lui et ses voisins de ce cauchemar et (rêve suprême) fasse condamner ce propriétaire sans scrupules qui a usé et abusé de l’argent public pour "réhabiliter" les appartements, puisque l’immeuble est situe dans lePRI Noailles

Des petits yeux ronds et rouge et une sacrée paire de bacchantes. Non, il ne s’agit pas du fantôme du petit père du peuple venu me rendre une visite de courtoisie pour m’encourager à poursuivre le combat.

L’échange de nos regards ne dure qu’une fraction de seconde ; une fraction de seconde où la terreur est partagée. Il est trois, quatre, cinq heures du matin ? Bref, il fait noir. Cette présence est oppressante. J’allume prestement l’halogène au pied de mon lit. La bête glisse le long de ma main, avant de s’enfuir. Je n’ai que le temps d’apercevoir sa longue queue si caractéristique, avant qu’il ne se glisse sous la porte d’entrée.
Un rat !
Un rat est venu me rendre visite !
Un rat est venu épier mon sommeil !
Un rat a pénétré dans ma chambre !
Un rat a troublé mon intimité !

Bien vivant, il ne risque pas de m’inoculer la peste. Pourtant une vague de dégoût me submerge. Mon fils heureusement n’est pas là. Mais comment pourrais-je encore le recevoir dans ce cloaque, cette poubelle que l’on me loue à prix d’or, ce taudis soit disant réhabilité grâce à l’argent public ?

Ils ont fait des travaux, changé portes et fenêtres, caché la misère sous d’épaisses couches de plâtre… Les ouvriers étaient des sans papier payés au noir. Peut-être même ont-ils fait quelque bénéfice avec l’argent versé pour redonner du lustre à cet immeuble situé en périmètre de réhabilitation immobilière. Ils ont accompli leur “mission”. Les rats quittent le navire et envahissent la cage d’escalier.

Une journée est passée. Je me dirige à tâtons jusqu’à mon appartement situé au quatrième étage. Il n’y a plus de lumière dans l’escalier. Je franchis chaque marche en serrant la rampe branlante d’une main ferme, seul guide de ma lente ascension. Un bruit venu d’en haut me distrait un instant. Je sens une chose molle courir sur ma chaussure puis dévaler l’escalier. Les rats sont là. Ils grouillent. Ils se multiplient, prospèrent, prennent possession de l’immeuble. Omniprésents, ils ont conquis notre espace et se promettent de hanter nos nuits.

Mon petit voisin — il a tout juste huit ans — est venu me rendre visite (il a pris l’habitude de venir me voir depuis que je lui ai fait découvrir les premiers courts métrages de Charlie Chaplin). Il est salement amoché. Une explication confuse me fait comprendre qu’il a fait une chute en réalisant une acrobatie improbable. Son nez et sont front sont surmontés d’une énorme bosse aux tons violets.
_ « — Dis donc, t’as l’air d’un boxeur ! »

Sa cousine, toute petite fille d’à peine trois ans, se tient, peureuse, devant la porte ouverte. Elle n’ose pas rentrer. Issac me parle alors des rats qui ont pris possession de son appartement. Il est si fier de son papa qui a réussi à en capturer un. Il m’avoue cependant qu’il était blessé, peut-être par l’un de ses congénères.

La nuit est de nouveau tombée. Je barricade ma porte, multiplie les pièges et m’apprête à passer une longue nuit blanche à l’affût de “l’ennemi”… Il ne s’agit pas d’une fiction, et encore moins du délire d’un alcoolique en pleine descente. Je les entends déjà gratter contre les parois, tenter d’ouvrir un passage, vouloir s’introduire chez moi, occuper l’espace, chasser les cafards et les souris, trop petits, pour pouvoir affirmer leur suprématie. J’ai peur, j’ai la trouille, j’ai les foies, je me chie dessus, je tremble, je pleure comme une madeleine…
Au secours ! Sauvez-moi, ou filez moi la corde qui me fera passer de vie à trépas !



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