SIDA : les femmes victimes expiatoires

lundi 1er décembre 2008
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Alita P. Damar est chercheuse à l’université de Pretoria (Afrique du Sud) Elle s’inquiète des non-dits de la lutte contre le VIH et soulève en particulier le problème de l’efficacité des campagnes de prévention ciblant les femmes alors que celles-ci sont très peu responsables de la transmission du virus. Voici son article publié dans « The Jakarta Post »

Nous avons beau avoir fait de grands progrès dans l’étude du VIH, nombre de questions simples demeurent sans réponse. Pourquoi cette épidémie a-t-elle pris des proportions aussi dramatiques en Afrique subsaharienne par exemple alors qu’elle a rapidement reculé dans la plupart des pays développés ? Cette question continue de faire débat. Plusieurs théories ont été proposées, mettant notamment en cause la pratique de « partenaires sexuels concurrents » dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, ce qui n’est pas fréquent dans le reste du monde. Reste une question controversée : les Noirs seraient-ils plus vulnérables au VIH à cause de leur patrimoine génétique ?

Autre question dérangeante : pourquoi recense-t-on si peu de cas de transmission du virus de la femme à l’homme, si ce mode de contamination est aussi fréquent que ce qu’on dit ? Il s’agit d’une épidémie hétérosexuelle mais peut-être a-t-il été « omis » de mentionner que le virus passait surtout de l’homme à la femme. En outre, personne ne peut nier que pratiquement rien n’a été écrit sur le sujet de la transmission femme-homme. Peut-être que les scientifiques évitent de se pencher sur ce sujet politiquement incorrect... Peut-être ignorent-ils délibérément l’éventualité que ce genre de transmission serait en fait hautement improbable sauf sous certaines conditions très spécifiques ? Une « omission » afin de ne pas faire perdre toute crédibilité aux messages de prévention si une telle découverte scientifique était annoncée au public.

D’après les experts, la prostitution est un facteur à risque important dans la propagation du virus du sida. Le taux de séropositivité chez les prostituées est en effet généralement très élevé. Hormis des études au Kenya et en Thaïlande, on ne connaît cependant pas le taux de séropositivité des clients. Par conséquent, un grand nombre de questions portant sur les hommes séropositifs qui disent avoir été contaminés par une femme, notamment par une prostituée, demeurent également sans réponse. Par exemple : ces hommes ont-ils eu des relations sexuelles uniquement avec des femmes ou aussi avec des prostitués ou d’autres hommes ? Leur est-il arrivé au cours de leur vie de s’injecter de la drogue ? Comment vivent-ils leur situation ? Et que savent-ils du VIH ?

Les clients des prostitués sont reconnus comme étant un groupe à risque émergent qui pourrait servir de passerelle à la transmission du VIH vers le reste de la population. Si la nécessité de programmes de prévention à l’intention de ce groupe est communément admise, les experts n’ont pas expliqué comment toucher les clients des prostitués dans des pays où la prostitution est illégale, comme en Indonésie.

Des victimes innocentes

Dans les pays en voie de développement, les femmes payent à la maladie un tribut beaucoup plus lourd que les hommes. En Inde, les épouses sont rendues responsables de la maladie puis de la mort de leur conjoint. Dans de nombreux pays, les femmes sont montrées du doigt et mises en quarantaine. En effet, les femmes sont souvent jugées coupables de la contamination de leur partenaire même si cette affirmation n’est pas étayée scientifiquement.

Les chercheurs reconnaissent que la plupart des femmes dans les pays en développement n’ont que peu de contrôle sur leurs relations sociales et sexuelles avec les hommes. Mais il devient de plus en plus évident que des programmes ne portant que sur les femmes n’amélioreront pas les relations entre les sexes, puisque ces programmes ont tendance à ignorer les besoins des hommes. Par conséquent, si l’objectif final est le « women empowerment » – soit de donner davantage d’autonomie aux femmes –, ces programmes doivent impliquer les hommes, sachant que le comportement de ces derniers vis-à-vis du sexe et de la sexualité reste mal connu.

Sachant que les cas de transmission du VIH de la femme à l’homme sont rares, peut-être faudrait-il commencer par demander aux hommes pourquoi ils disent avoir contracté le VIH à cause d’une femme, prenant en considération le fait que les facteurs à risque liés aux infections par le VIH reposent essentiellement sur des témoignages personnels. Et, même quand ces témoignages sont fondés, ils peuvent également être biaisés, étant sujet à des problèmes de mémoire, d’auto-illusion, de préjugés, de désirabilité sociale, etc. En impliquant les hommes, on pourrait donc développer des méthodes de prévention anti-VIH plus efficaces.

Peut-être serons-nous alors en mesure de mieux comprendre comment résoudre ces énormes inégalités qui représentent une menace pour la santé sexuelle. C’est à cette seule condition que nous pourrons espérer que la société soit capable de comprendre que l’on reproche souvent aux femmes d’être les vecteurs du VIH, alors qu’elles en sont en fait les victimes.

Transmis par Linsay



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