Michel Barnier : En fat majeur.

jeudi 28 mai 2009
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Tête de liste UMP en Ile-de-France, le toujours ministre de l’Agriculture cultive de hautes ambitions européennes. Il faut croire que rien ne suffit à sa suffisance.

Un magnifique avenir attend sûrement le ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Michel Barnier, tête de liste UMP pour les européennes en Ile-de-France.

Le tout est de savoir quel avenir, ce qui alimente la rumeur : président du Parlement européen ?.

Commissaire européen (il l’a déjà été de 1999 à 2004), si du moins Sarkosy ne lui préfère pas Lagarde ou Juppé, et de préférence à un portefeuille de choix ?

Ou bien encore successeur de Javier Solana aux fonctions de ministre des Affaires étrangères de l’Union, comme le bruit en court aussi ?

Formidable - pour les apparences - de n’avoir qu’à choisir entre ces prestigieux fauteuils.

Périlleux cependant de trop jouer à Perrette et le pot aux excédents laitiers.

Initialement, c’est un tandem Rama Yade-Luc Ferry que le Président avait pensé pour mener cette liste.

Constater qu’on est jamais qu’un second choix est toujours humiliant.

Le savoyard Barnier y avait cependant un peu prêté le flanc en jurant qu’il ne se présenterait jamais ailleurs que dans sa région natale de Rhône-Alpes.

L’immense passion européenne de Barnier, 58 piges depuis janvier, lui serait venue à l’en croire, voilà quelque 45 années, à la vue, sur l’écran de télé familial, de la poignée de main De Gaulle-Adenauer.

C’est une histoire pour « Point de vue ».

Ou « Gala ».

Des gens qui pratiquent le ministre depuis longtemps et ont suivi ses premiers pas à Bruxelles comme à Strasbourg certifient que son initiation à la vie de l’Union s’est surtout faite après sa désignation ministérielle - dans le gouvernement Juppé - aux Affaires européennes.

Sous la tutelle d’un homologue dans l’ordre de la franche rigolade, le très oublié Hervé de Charette.

« L’humour est un domaine ou je suis encore perfectible », a bien voulu, avec beaucoup d’humilité, convenir un jour notre homme.

Parfois flagorneur, il faut bien le dire, Barnier aime aujourd’hui reprendre l’antienne de Sarko selon laquelle il n’y a aucun mal, pour un politique, à faire la navette entre public et privé.

Ce doit être une version, alpine, du « Faîtes ce que je dis, pas ce que je fais ».

Hormis un bref passage à la direction internationale des labos pharmaceutiques Mérieux (2006-2007), notre éminence ne s’est jamais nourrie que de politique.

Dès ses 22 ans,jeune militant gaulliste, il est appelé au cabinet du grognard ultra Robert Poujade, à l’Environnement.
Un ministère que lui confiera Balladur vingt ans plus tard.

Entre-temps, Michou a évolué, si l’on ose dire, dans un jardin de roses électorales : « Plus jeune conseiller général de France, plus jeune député, plus jeune président de Conseil général ».

Et même, en son temps, « plus jeune bébé de France », ironisent ceux à qui, à droite, se gaussent de sa « suffisance », de la « très haute conscience de sa valeur », abritées - c’est aimable ! - dans « un physique de mannequin suédois » ! Ou de moniteur de ski" !

Plus suiviste et techno qu’idéologue et visionnaire dans son parcours politique, le ministre quasiment de profession Barnier a définitivement basculé dans le camp de Nicolas quand Villepin et Chirac l’ont éjecté des Affaires étrangères, histoire de lui faire payer, et à lui seul, le « non » au référendum européen.

Blessure d’autant plus douloureuse qu’un an plus tôt le chef de l’Etat l’avait fait démissionner de la Commission européenne, pour prendre en main le Quai d’Orsay !

Détail encore, au printemps 2007, c’est au départ de Juppé, défait à Bordeaux, que Barnier, au terme d’un jeu de chaises musicales, doit d’être revenu au gouvernement.

Dans la toute première équipe Fillon, l’Agriculture avait échu à Christine Lagarde.

"Sarkosy, qui ne lui a pas toujours facilité la tâche [1], s’en sert un peu comme d’un médiateur (pas au Guilvinec, en tout cas) avec un monde qu’il ne connaît pas et qu’il sent hostile.

Il n’est resté, souvenez-vous, que trois quarts d’heure au dernier Salon de l’agriculture, rappelle un bon connaisseur de la majorité.

Et puis Barnier joue aussi un peu les conseillers pour ces histoires de « ruralité » et de défense des services oublics dans la ruralité qui agitent un peu le gouvernement".

Dans un premier temps, le médiateur-animateur pensait quitter ses fonctions ministérielles dès le début de ce mois pour impulser, façon tornade, une campagne un peu languissante (dans les 35 personnes à la première réunion publique, des foucades à répétition de Rachida, etc).

« Pas question, a en substance décrété Sarko. Tu partiras après le 7 juin. Tu dois être là pour traîter toutes ces mini-jacqueries qui la fichent mal en période électorale » (pêcheurs apaisés pour un petit moment, céréaliers comblés, quoi qu’ils en disent, au-delà de leurs espérances, producteurs de lait qui, depuis quelques jours, donnent de la voix, du geste et du bidon).

Contraint, donc, de se déployer sur deux fronts,Barnier, en campagne précisément, développe un bien étrange argument : le scrutin du 7 juin, répète-t-il, doit se traduire par « une sanction du PS ».

Parceque les socialos gouvernent mal en ce moment ?

Ou que notre ami a de trop grand desseins pour l’Europe ?

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 20/05/2009

Transmis par Linsay


[1Et notamment lorsque, l’an dernier, Sarko se prit à estimer qu’il fallait en finir avec les quotas de pêche.



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