Le droit à la formation

Campagne vive les services publics !
dimanche 5 février 2006
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Interview de Jean Claude Labranche secrétaire régional CGT AFPA

Critère de rentabilité et efficacité sociale :

R.M : Depuis plus de 10 ans, dans l’ensemble du secteur public, le critère de rentabilité a peu à peu pris le pas sur l’objectif d’efficacité sociale qui prévalait à la mise en place des services publics à la Libération. Comment cela s’est-il traduit dans ton secteur d’activité ?

Jean Claude : L’efficacité sociale en matière de formation professionnelle, c’est de pouvoir « tout au long de la vie » bénéficier d’une formation qualifiante, gratuite et rémunérée. L’ensemble des partenaires sociaux ont signé un accord interprofessionnel en 2003, accord unanime qui à donné une loi pour la formation professionnelle tout au long de la vie (FTLV) en 2004. L’AFPA qui est l’acteur historique (Cf. ci-dessous) de la formation des adultes n’est plus financée à 100%.

De ce fait l’association doit conquérir des recettes sur le marché concurrentiel de la formation. Résultat : aujourd’hui sur 12 places en stage : 9 sont pour les chômeurs et 3 pour des salariés en activité dont la formation est financée par l’employeur. Dans les années à venir la proportion risque de s’inverser, les privés d’emploi seront privés de formation aussi. Quant aux formations « non rentables » elles commencent déjà à être fermées au mépris de la demande sociale car pas solvable !

Le service rendu

Quelles conséquences pour le service rendu ? Peut-on encore parler aujourd’hui de service public garant de l’égalité d’accès à un droit fondamental ( énergie, santé, transports, éducation, emploi, communication, logement...) ?

Au moment où le droit la formation professionnelle tout au long de la vie est acquis pour tous, paradoxalement, l’accès à l’AFPA est discriminant : ceux qui paient sont prioritaires sur les chômeurs dont les files d’attente s’allongent. De plus en plus l’ouverture des formations aux salariés dans l’emploi se fait au détriment des Demandeurs d’Emplois qui coûtent (frais de stage et rémunération de ceux qui n’ont pas d’ASSEDIC).

Les plus démunis se retrouvent en concurrence avec les candidats ayant un financement pour leur stage et la rémunération pendant le stage. Le caractère discriminatoire est patent, mais insidieux. Les psychologues chargés de l’orientation, garants de la déontologie du service public, sont souvent sqweesés par des hiérarchiques au profit de recrutements « rentables » !

Statut et conditions de travail

Le statut et les conditions de travail du personnel ont- ils été affectés par cette transformation radicale de la nature de l’entreprise ?

Si le statut (80% de CDI) est sauvegardé par les luttes (dernière en date de 15 mois 2004 - mi 2005) les conditions de travail se dégradent par la multiplicité des objectifs : les agents de l’AFPA doivent conquérir des recettes (Cf. ci-dessus), assurer des prestations annexes (Bilans, évaluations,...) sur des commandes extérieures (ANPE, ASSEDIC,...) en plus du métier de formateur !

Par ailleurs la multiplication des missions augmente la charge de travail des fonctions supports de la formation : secrétaires, comptables, cuisiniers, hébergement, etc.... Bien qu’ayant empêché par la lutte des licenciements, gagner des embauches reste très difficile et à la marge. L’accord scélérat signé pour les 35heures fait aujourd’hui des ravages parmi le personnel. Surcharge mentale, harcèlement des hiérarchiques en cascade (« le management » intermédiaire doit se soumettre ou se démettre) a conduit à 3 suicides en 2005 parmi les agents de l’AFPA ! Indigne d’une association bâtie sur le « plus jamais ça » du CNR (Conseil National de la Résistance)

Une AFPA digne de notre temps ?

Quel contenu donnerais-tu à la notion de « service public digne de notre temps » ?
(NDLR : missions , statut et qualification du personnel, gestion démocratique.)

Dès la Libération, la FPA est crée pour résoudre le problème de manque de maind’oeuvre. Sont ouverts des centres de formation professionnelle. dont la gestion est paritaire (syndicats de salariés et d’employeurs). [En 1946, le nouveau ministre communiste du Travail, Ambroise Croizat (1901-1951 secrétaire de la Fédération Unitaire des Métaux (CGTU), de 1928 à 1936. Membre du bureau confédéral de la CGTU) “fait alors de la CGT un acteur du développement de la FPA. La CGT estime qu’il y a là un instrument de promotion de la classe ouvrière, en permettant une élévation du niveau de la formation des ouvriers et, particulièrement, des plus motivés qui peuvent ainsi monter dans la hiérarchie professionnelle.

Le décret du 9 novembre 1946 va réglementer la formation professionnelle. Le ministre peut accorder des subventions aux organismes gestionnaires des centres collectifs ou d’entreprises. Le recrutement des stagiaires, leur rémunération, les conditions d’agrément, la comptabilité des centres, tout est réglementé. Une circulaire du 21 novembre 1946 définit la méthode de formation, les modalités -d’examen- et la délivrance d’un certificat. Il y a donc une sanction officielle des stages qui permet aux stagiaires d’avoir un salaire garanti à la sortie, en fonction d’une grille de qualification. Les stagiaires sont rémunérés à temps plein, hors du cadre juridique des entreprises, pendant leur stage”.]°in “Cahiers de l’IRT d’Aix - Avril 2002”

Ce qui était possible en 1946, ne le serait plus ? Car bien que la gestion paritaire subsiste les usagers privés d’emplois ne sont pas représentés (ex : Comité de chômeurs CGT, AC, APEIS, MNCP). Même mis à mal (Cf. ci-dessus) le principe de formation gratuite et rémunérée subsiste mais la taille de l’AFPA est minuscule (150 000 places) au regard des besoins (3 Millions de chômeurs) ! Enfin il pèse un risque sur l’outil de politique publique (SPE) avec la décentralisation aux Régions qui peuvent être tentées par la marchandisation de l’AFPA (Cf. rapport du Sénateur Karoutchi - UMP)



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