Les vandales bis repetita

mercredi 26 août 2009
par  Charles Hoareau
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On connaissait à Marseille les vandales de l’immobilier qui cassaient les maisons pour aboutir à leurs fins, on n’avait pas encore vu à l’œuvre les vandales de l’emploi : c’est chose faite. Ce mardi 25 août, en voulant faire visiter l’usine à la presse, aux militants CGT et à la population venue les soutenir, les salariés de LEGRE MANTE découvrent des ateliers (normalement fermés sous alarme et gardés de plus par des vigiles), qui sont ouverts et vandalisés…Pour comprendre comment cela est possible et quelles peuvent être les motivations des commanditaires d’une telle opération , il est nécessaire de faire un petit retour en arrière.

Une longue histoire

Fondée en 1784, l’usine produit depuis plus de 200 ans de l’acide tartrique (et elle est aujourd’hui la seule usine à le faire). Cet acide naturel issu du mout de raisin est employé non seulement dans l’œnologie, mais aussi dans l’agro-alimentaire où il aide à la conservation des aliments, en pharmacie et même dans le bâtiment où l’acide est utilisé comme retardateur de la prise des ciments et des plâtres et dans la métallurgie où, combiné à d’autres produits il aide au polissage des métaux.

Chaque année cette usine profondément ancrée dans l’histoire de la ville produit plus de 5000 tonnes d’acide tartrique et de sels dérivés. 75 % de son activité est réalisée à l’exportation dans plus de 40 pays du monde et elle détient 10/12 % de parts du marché mondial : ce n’est donc pas un petit poucet, bien au contraire puisque certains affirmant même qu’elle serait le numéro 1 mondial du secteur.

Rachetée par le groupe Margnat, groupe propriétaire du « vin le plus vendu de France » l’usine LEGRE MANTE semblait promise à un bel avenir du moins si on en croit son site officiel qui explique en page accueil « Ce groupe facilite, par sa propre activité, les relations avec les fournisseurs de matières premières. » [1]

Une usine mal placée

Mais ce que ne dit pas le site c’est que l’usine a un défaut, un gros défaut même : elle occupe 17 ha d’un terrain situé face à la mer. Si maintenant les ouvriers n’ont qu’à traverser la rue pour aller se baigner où va-t-on ?

Dans une ville où ceux qui la gouvernent ont un projet bien arrêté sur la ville en général et sur la zone littorale en particulier (ce qui explique bien sûr le silence assourdissant de l’équipe Gaudin depuis l’annonce de fermeture) cela ne pardonne pas : 17ha en bord de mer vous vous rendez compte ?

Et hop oublié le temps où LEGRE MANTE a épongé une partie des dettes d’autres entités du groupe comme Beuchat, [2], oublié le temps où elle a même payé des factures pour d’autres sociétés du groupe, oubliée « l’équipe de soixante personnes hautement qualifiées : ingénieurs chimistes, techniciens, commerciaux expérimentés. » [3], oubliée « l’appartenance au Groupe Margnat [qui] ajoute à cette compétence professionnelle une parfaite connaissance du commerce international dans divers secteurs industriels. », [4], LEGRE MANTE est d’un coup accusée de tous les maux. Comme le dit MF PALLOIX, l’élue communiste du secteur, seule élue présente [5] sur le conflit au côté des salariés : « le chien a la rage, le chien doit mourir. »

Le temps presse

C’est qu’il faut la comprendre la famille Margnat, elle a des arguments qui, à défaut de répondre aux besoins des salariés et de la population, répondent aux appétits de ses portefeuilles. L’usine a un chiffre d’affaire annuel de 11 millions d’euros, or la vente du terrain a été estimée à 42 millions d’euros, près de 4 fois plus : de quoi attendrir plus d’un actionnaire. D’autant qu’un autre élément est à prendre en compte.

Suite aux luttes de la population marseillaise, en 2010, sera créé le parc national des calanques de Marseille dont les contours ne sont pas encore déterminés avec certitude. Si la vente du terrain (qui de toute façon doit être au préalable dépollué), n’intervient pas rapidement et si les permis de construire ne sont pas délivrés avant l’ouverture officielle du parc, il deviendra plus difficile de bâtir des « marinas pieds dans l’eau » que le site se trouve dans la « zone d’adhésion » ou pire encore, dans la zone « cœur de parc ».

On le voit nos spéculateurs doivent agir sans tarder. Et c’est ce qu’ils font.

Dès 2007, dans le plus grand secret, Gilles Margnat écrit à un actionnaire [6] pour lui indiquer qu’il a pris contact avec un cabinet d’avocats, afin d’étudier les possibilités de cessation d’activité.

La machine à faire travailler moins pour spéculer plus est en marche : le 6 juillet annonce de fermeture et le 23 mise en liquidation judiciaire. Evidemment les salariés, soutenus par la CGT et nombre d’habitants résistent. Ils demandent à défaut de repreneur, un plan social digne de ce nom et le 24 occupent l’usine. Le préfet qui refuse obstinément de mettre en place toute concertation sur l’emploi sur l’ensemble du département, là comme ailleurs, fait la sourde oreille. Sa réponse aux salariés c’est l’envoi de 2 compagnies de CRS le 13 août…

M. Margnat et ses frères peuvent reprendre l’usine et ils font appel pour la surveillance à la société de gardiennage SPI….autre société du groupe Margnat : on n’est jamais si bien servi que par soi même.

Une terre ouvrière

Tout irait pour le mieux pour nos spéculateurs si un grain de sable (et quel grain !) ne venait se coincer dans la mécanique. Avec 3 semaines de retard les salariés apprennent qu’un repreneur, ORRION CHIMIE, s’est signalé au mandataire judiciaire… qui devait être très occupé puisqu’il n’en a parlé à personne…Pourtant le repreneur, par la voix de son directeur général Jacques Lerhé a indiqué « la nature de l’activité de cette société nous a paru très intéressante (…) Dans le cas de l’entreprise marseillaise, ce qui nous paraît intéressant, c’est le fait que sa production soit élaborée à partir de matières résiduelles. Ce que nous appelons de la chimie d’avenir. (…) Nous avons pleinement conscience du désarroi des 48 salariés et que leurs représentants seront à nos côtés mercredi prochain. Nous serons donc pleinement attentifs à ce qu’ils auront à nous dire. »

Le repreneur insistant, il réussit enfin à prendre contact avec les salariés et une rencontre est prévue ce mercredi 26 août. C’est en prévision de celle-ci qu’avait lieu l’initiative de ce jour.

Un préfet qui se tait, un mandataire qui n’a à ce jour fourni aucun document au candidat à la reprise, des gardiens qui ne gardent rien du tout, des locaux ouverts aux 4 vents et pour finir des ateliers saccagés, ça commence à faire beaucoup…On voudrait décourager ORRION CHIMIE et encourager les spéculateurs qu’on ne s’y prendrait pas autrement !

Mais bien sûr c’est complètement impossible dans un pays où le président lui-même a dit qu’il allait agir contre les patrons voyous, mettre la priorité à l’emploi, lutter contre les délocalisations et bla bla bli et bla bla bla…

Les ouvriers de LEGRE MANTE ne se nourrissent pas de paroles mais exigent des actes. Tout doit être mis en œuvre pour la réouverture de l’usine, et les saboteurs de l’emploi doivent être punis afin, que comme l’a dit Patrice, ici la terre reste une terre ouvrière.

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[2entreprise spécialisée dans les activités sous marine

[3site legré mante

[4idem

[5même pas un élu vert : faut croire que les marinas polluent moins que l’emploi...

[6ce courrier ainsi que d’autres pièces montrant que la décision de fermeture venait de loin et n’était guidée que par un projet spéculatif, ont été remis au tribunal de commerce chargé de statuer sur la liquidation



Documents joints

Intervention de Patrice lors du rassemblement

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dimanche 27 décembre 2009 à 18h10 - par  DEDOU15NORD

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