Plan D, rapports cachés et croisade anticommuniste.

mercredi 15 février 2006
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Le plan D de la commission européenne

En octobre 2005, la Commission européenne a lancé une initiative appelée « Plan D comme démocratie, dialogue et débat » destiné à combler le fossé entre les citoyens et la construction européenne. Ce plan D était conçu comme un contre-feu après le rejet du projet de Constitution européenne en France et aux Pays-Bas. Cette initiative vient d’être complétée par un Livre blanc sur une stratégie d’information et de communication. Dans ces documents, la Commission multiplie les belles déclarations : « aller à la rencontre et être à l’écoute des citoyens européens », « le point de départ, ce sera le citoyen lui-même », « les citoyens ont droit à une information équitable, juste et pertinente sur les enjeux européens », « nous avons trop communiqué de haut en bas sans écouter assez ».....La Commission veut lancer une large consultation sur l’élaboration d’une « Charte européenne de l’information et de la communication » dont « l’écriture devra constituer en soi un exemple de démocratie participative ». Ces grandes références à la démocratie, au dialogue et à la transparence ne sont pas les premières dans l’histoire de la construction européenne. Elles ne seront sûrement pas les dernières car elles ne sont jamais mises en application.

Le récent débat sur les services portuaires a mis en évidence la véritable conception de la démocratie et du dialogue des institutions européennes. La Commission a refusé de tenir compte du rejet en novembre 2003 de la première directive sur les services portuaires obtenue grâce à la mobilisation des travailleurs des ports de toute l’Europe. Elle a repris, quelques mois plus tard, sans modification fondamentale, la même directive comme si rien ne s’était passé. Une nouvelle fois, les travailleurs des ports, avec les dockers en première ligne, ont manifesté et fait grève contre cette nouvelle tentative de libéraliser les services portuaires qui ouvrait notamment la voie à « l’auto-assistance » (principe qui permet aux armateurs de faire charger et décharger les bateaux par leurs propres équipages à la place des dockers). Les parlementaires européens ont rejeté ce nouveau projet de directive par 532 voix contre 120 et 25 abstentions. Ce rejet massif n’a pas amené le commissaire aux transports Jacques Barrot, qui avait hérité du dossier, à retirer sa proposition. Dans un plaidoyer pitoyable, il s’est prononcé pour son réexamen avec tous les acteurs concernés pour « accroître la compétitivité européenne »(...) et « rassurer les investisseurs ». Sans dire un mot sur la situation des salariés...C’est ce même commissaire Barrot qui avait livré dans « le Figaro » du 24 janvier 2006, une analyse « percutante » du rejet de la Constitution européenne par le peuple français : « Ce non relève d’un mouvement d’humeur... » !

En réalité, la directive « ports » de même que la directive « Bolkestein » (qui suscite une forte opposition dans toute l’Union européenne) montrent que, ni la Commission européenne, ni le Conseil (c’est-à-dire les gouvernements des Etats membres), n’ont l’intention de prendre en compte l’opinion des populations ou de répondre à leurs revendications en matière de pouvoir d’achat, de conditions de travail, de droits sociaux. Leur seul objectif, à travers leurs initiatives, déclarations et plans, est de mieux faire avaliser leur politique par les citoyens et les convaincre comme l’a déclaré le président de la Commission européenne M.Barroso que :« L’Union européenne est un immense succès. Elle est sur la bonne voie ». Comme l’a reconnu le rapporteur du Parlement européen sur la stratégie d’information : « Nous devons savoir quelle idée nous voulons vendre aux citoyens ». La commissaire suédoise Margot Wallström avait même suggéré d’inviter les organismes médiatiques à souscrire à une charte sur l’information des citoyens concernant les institutions européennes. Devant le tollé suscité par cette attaque contre l’indépendance de la presse, elle a été contrainte de retirer son projet. La Commission compte également sur les partis politiques européens pour « aider au développement d’une culture politique européenne » et insiste sur la nécessité d’améliorer l’enseignement des affaires européennes.

Une des premières initiatives du service « Dialogue avec les citoyens », mis en place au sein de la Commission, a été de créer un portail destiné à faciliter la vie des entreprises. Il a été baptisé « l’Europe est à vous ». Tout un symbole !

Les rapports cachés à Bruxelles

De nombreux médias ont rendu compte du rapport rédigé par des diplomates de l’Union européenne en Palestine que la Commission et le Conseil ont refusé de publier pour ne pas froisser le gouvernement israélien. Effectivement ce rapport démontait et dénonçait la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens, ses violations répétées du droit international, notamment avec la construction du mur (condamné par la Cour internationale de Justice) et des colonies illégales. Dans son édition du 28 décembre, l’Humanité a publié les principaux extraits de ce rapport que l’on retrouve également sur de nombreux sites d’organisations solidaires de la lutte du peuple palestinien.

Cette mise au placard n’est pas la première dans les instances européennes. Il n’est pas rare que des rapports d’experts, dont les conclusions ne répondent pas aux souhaits de la Commission, ne soient pas publiés, par exemple sur les conséquences sociales des libéralisations ou des délocalisations.

Récemment, un nouveau rapport n’a pas été publié par la Commission. Cette fois, il n’a pas été mis au placard mais il a été refusé car « il ne répondait pas à ce qui avait été demandé » d’après les services de la Commission. Ce rapport concerne la filière cacao en Côte d’Ivoire. La Commission a jugé ce rapport peu sérieux car il commence avec « des remerciements aux officiers français qui, en mettant en sécurité les experts, ont permis que ce rapport soit établi ». N’est-ce pas un prétexte pour empêcher la publication des accusations contre le régime ivoirien qui détournerait une partie de l’argent de la filière cacao pour financer l’achat d’armes ? Le refus de ce rapport n’est-il pas également lié à la dénonciation des conséquences de la libéralisation de la filière mise en oeuvre à la fin des années 90 sous la pression de la Banque mondiale et des bailleurs de fonds internationaux. Libéralisation qui a largement profité aux multinationales des Etats-Unis et des Pays-Bas qui n’ont sans doute pas envie de se voir désigner à la vindicte publique dans un rapport officiel !

Si la Commission a pris l’habitude de « cacher » des rapports qui la dérangent, il lui arrive de sortir de leur « cache » les ex-commissaires quand ils n’ont pas pu être casés dans des entreprises publiques ou privées qui sont souvent en relation directe avec les services de la Commission. L’ex-commissaire Michel Barnier n’a pas pu bénéficier de ce « pantouflage » et, après avoir été ministre des Affaires étrangères, il s’est retrouvé « sans emploi ». Pas très longtemps puisque la Commission et la présidence autrichienne de l’Union européenne lui ont confié une mission...de la plus haute importance : préparer un rapport sur « les moyens de développer les capacités européennes de gestions des crises civiles dans les pays tiers ». Commissaire puis ministre et enfin chargé de mission, la promotion n’est pas évidente !

Croisade anticommuniste au conseil de l’Europe

Créé en 1949, le Conseil de l’Europe (ne pas confondre avec le Conseil européen qui concerne les 25 Etats membres de l’Union européenne) regroupe 46 pays. Son assemblée parlementaire, composée de parlementaires nationaux, a lancé une véritable croisade anticommuniste à partir d’un rapport d’un député suédois démocrate-chrétien sur « les crimes commis par les régimes communistes totalitaires ». S’inscrivant dans la démarche du sénateur McCarthy, qui avait sévi aux Etats-Unis dans les années 50 (voir le film « Good Night and good Luck »), il vise à stigmatiser et condamner l’idéologie communiste, les organisations qui s’y réfèrent, ses militants. Refusant de faire une distinction entre l’idéologie communiste et la pratique de certains régimes se proclamant communistes, le rapport est porteur d’une criminalisation du communisme dans sa globalité. Il va jusqu’à mettre sur le même plan communisme et nazisme, ce qui revient à dédouaner le nazisme et à nier le rôle déterminant de l’Union soviétique et du mouvement communiste dans la lutte contre le nazisme.

Cette offensive n’est pas due au hasard ; elle surgit au moment où monte, en Europe et dans le monde, un mouvement de contestation des politiques néolibérales et de construction d’alternatives. C’est ainsi que le rapport, au-delà de la condamnation du communisme, stigmatise tout projet de transformation sociale : il prétend trouver les sources du totalitarisme dans la théorie de la lutte des classes et dans des éléments de l’idéologie communiste comme l’égalité et la justice sociale. Ce rapport a suscité de vives réactions dans toute l’Europe. Des pétitions ont été lancées pour dire « Non au McCarthysme européen ». Le 21 janvier à Bruxelles et le 24 janvier à Strasbourg, des militants de partis communistes et progressistes ont manifesté pour dénoncer ce rapport qui « conduit tout droit à une attaque majeure contre les droits démocratiques et à de nouvelles mesures réactionnaires ». Le compositeur grec Mikis Theodorakis a fustigé ceux qui veulent « assimiler les victimes aux bourreaux, les héros aux criminels et les communistes au nazis ».

Cette protestation n’a pas été sans effet. Elle n’a pas permis d’empêcher le vote par les parlementaires d’une résolution sur la nécessité d’une « condamnation des crimes des régimes communistes totalitaires » (99 voix contre 42 et 12 abstentions), mais elle a contribué au rejet d’une recommandation plus contraignante adressée au Conseil des ministres pour qu’il adopte une déclaration officielle en faveur de la condamnation internationale de ces crimes et organise une conférence internationale à ce sujet.

La vigilance la plus extrême s’impose pour empêcher la chasse aux sorcières visant tous ceux qui s’opposent aux politiques néolibérales. Aujourd’hui, les communistes, demain les syndicalistes et les anti-mondialistes, après-demain ? D’ailleurs, certains gouvernements n’ont pas attendu le Conseil de l’Europe pour interdire la promotion des idéaux communistes et les symboles du mouvement ouvrier international. En Hongrie, l’article 269/B du code pénal stipule que toute personne qui distribue, exhibe en public, ou utilise devant un large public une swastika, un insigne SS, une croix fléchée, une faucille et un marteau, une étoile rouge à cinq branches ou un symbole les représentant, commet un délit passible d’une amende. En Lituanie, le président du Parti communiste est en prison pour raisons politiques. Dans d’autres pays, les partis communistes sont interdits. En République Tchèque, l’organisation des jeunes communistes (KSM) est menacée d’interdiction sous prétexte qu’elle « développe des activités normalement réservées à des partis politiques ».

Plus de 15 ans après avoir été déclaré mort, le spectre du communisme hante de nouveau l’Europe.....



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