Tony Blair : l’homme que l’Europe ne peut pas blairer.

jeudi 19 novembre 2009
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Les 27 se cherchent un président. Sarko avait promis à son ami anglais, mais les petits pays ont dégaîné leurs armes de dissuasion massive contre l’ex-« caniche » de Bush.

L’AMERIQUE a son Obama, la Russie son Poutine, l’Inde sa Tata, la Chine son PC, l’UE n’a personne.

Pas de gueule, pas de visage, pas de sourire pour la représenter hors de ses frontières, hors la "Joconde", qui commence à dater.

Le traité de Lisbonne est supposé combler ce vide et doter d’un président et d’un ministre des Affaires étrangères un Vieux Continent en mal de Lumières.

En dépit des Irlandais, qui ont dû s’y reprendre à deux fois, et des radoteries du Tchèque europhobe Vaclav Klaus, à qui personne n’avait dit que Margaret Thatcher a la maladie d’Alzheimer, le traité est enfin en passe d’être ratifié.

Le favori, au sortir du Conseil européen de la fin de la semaine dernière, est Peter Balkenende, un chrétien-démocrate de 53 ans.

Il est si lisse que même Fillon à côté fait profond.

Son atout, il a hérité du surnom d’Harry Potter grâce à son opticien et son visage juvénile.

Comme le note un observateur, ce peut être utile pour une Europe qui a bien besoin d’un peu de magie, à défaut de pouvoir être menée à la baguette.

La place de premier président était pourtant promise à une vedette, un certain Tony Blair, dix années Premier ministre au service de Sa Majesté.

Sarko, dans l’une de ses illuminations politiques, l’avait élu candidat en 2007, quand il avait besoin de ml’amitié du Britannique pour être introduit sur la scène mondiale.

Trop heureux de cette main tendue à l’heure de sa sortie de scène, Blair s’est laissé embobiner.

Sans s’apercevoir que ses meilleurs soutiens étaient aussi ses meilleurs ennemis.

Sarko, un ami très "énergique" ?

Certes, les deux hommes n’ont cessé de jouer de leurs affinités supposées.

"Vous me dîtes que certains appellent Sarkosy le nouveau Blair

Le pauvre !.

C’est un lourd fardeau à porter", plaisantait l’ex-Premier ministre en mai 2007, enivré par la flatterie.

Les deux hommes ont le même âge à deux ans près, le même désir de postérité et surtout le même goût pour l’argent.

A peine parti de Downing Street, Blair s’est converti au catholicisme, religion indulgente sur le pognon.

Il s’est enrôlé ensuite comme conseiller à temps partiel de la banque américaine JP Morgan (1 million d’euros par an) et de la compagnie d’assurances Zurich Financial Service ; il a signé un gros contrat pour ses Mémoires avec un éditeur américain, donné des conférences à 200 000 euros pièces, pris un poste de prof à l’université Yale, tout en exerçant les fonctions d’émissaire du Quartet (USA, UE, ONU et Russie) au Proche-Orient.

"M. Blair sera sans doute suffisamment scrupuleux pour ne pas mélanger les appels à la paix et au compromis, lors de la réunion des dirigeants du Golfe et les appels d’offres pour JP Morgan", ironisait le "Financial Times".

Il n’a pas mélangé les genres, en effet : la paix n’a pas avancé d’un pouce,au contraire, mais son portefeuille, lui, a grossi de plusieurs millions de livres : 13 millions d’euros, à peine un an après son départ de Downing Street.

Quelle aubaine de voir un homme aussi désintéressé prêt à faire un quat-temps à la tête de l’Europe !.

Mais Blair n’a pas que des qualités.

D’abord, il a un français déplorable, ce qui n’est pour plaire aux Wallons.

Un ministre britannique francophile rapporte cette anecdote : « Un jour, alors qu’il voulait expliquer qu’il partageait beaucoup de positions de Lionel Jospin, Blair a dit qu’il désirait Jospin dans beaucoup de positions ».

On comprend pourquoi l’Austère qui se marre a eu des réserves sur la « troisième voie » !.

Blair n’est pas technophile non plus.

Le jour de son départ de Downing Street, il se dote d’un téléphone portable et essaie d’envoyer un texto.

Il reçoit en retour une question : « Pardon, mais qui êtes-vous ? »

« Je me suis dit : incroyable, ils m’ont déjà oublié ! ».

Ennuyeux pour qui ambitionne de devenir le numéro de téléphone de l’Europe !.

Il a d’autres inconvénients plus sérieux encore.

Son pays est plus europhobe que phile, il n’est ni dans la zone euro ni dans l’espace Schengen et, cerise sur le cake, Blair a soutenu Bush pendant la guerre en Irak jusqu ‘à hériter de deux méchants surnoms :

« caniche » de l’impérialisme américain et « Bliar », contraction de Blair et de liar (menteur), pour ses mensonges sur les armes de Saddam.

Un candidat de consensus un peu clivant…

Une pétition « Stop Blair » a été initiée sur le Net outre-Manche et les petits pays européens ont sonné la révolte contre le chéri de Cherie.

Sarko, la semaine dernière, a senti le vent et a lâché son poulain : « Les noms de la première vague ne sont pas forcément les vainqueurs de la dernière ».

Il a prétexté qu’il ne pouvait pas être plus royaliste que la Queen, les socialistes de l’Union ne soutenant même pas Blair.

En réalité, ni lui, ni Angela Merkel, ni Gordon Brown, ni les conservateurs britanniques ne voulaient se voir voler la vedette par un président de l’Union presque à la taille d’Obama.

A quoi tient l’amitié…

Le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui rêve du poste depuis une décennie, a aussitôt expliqué que, si on appelait à sa candidature, il répondrait présent.

Personne n’a encore appelé, l’Europe serait sûre d’être au paradis… fiscal et au secret…bancaire.

A la mi-novembre, un conseil extraordinaire donnera à l’UE son premier président : sans doute inconnu qui ne fera de l’ombre à personne, sauf à l’Europe, ce qui, pour certains, vaut toujours mieux que de la délocaliser à Londres.

« Face à Obama, tout ça n’est pas exceptionnel », admet un ancien ministre français.

Mais, comme disait Churchill, si « le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme », l’Europe, alors, n’est pas loin du triomphe…

Par Jean - Michel Thénard dans Le Canard enchaîné du 04/11/2009

Transmis par Linsay



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