Le grand enfumage.

mercredi 20 janvier 2010
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Un article paru qui met le doigt sur le choix des informations que la presse avait choisi de mettre en avant en ce début d’année avant que le tremblement de terre d’Haïti, évènement bien sûr d’une toute autre nature que la narration d’un fait divers, vienne bousculer cette stratégie.

C’EST PARTI ! L’année commence avec des faits divers affreux.

Un homme en instance de divorce égorge ses trois enfants.

Un déséquilibré poignarde à mort un voisin.

Un concurrent du « Dakar » réussit à tuer une spectatrice dès la première étape.

Bonne moisson pour la télé et ses journaux d’actualité.

Lesquels, fascinés, ouvrent tous sur ce sang versé et interrogent longuement les voisins et la famille et le patron du Dakar, qui évidemment rejette la faute sur la « fatalité ».

C’est très pratique, la fatalité.

ça évite bien des soucis.

Pendant qu’on parle de la fatalité, des tueries sans mobile, des tueries sans le faire exprès, on ne parle pas d’autre chose.

Du chômage qui explose et des inégalités qui se creusent et des liens sociaux qui se dissolvent, par exemple.

Effilochage qu’encourage, justement, le récit à répétition, jusqu’à la nausée, chaque soir devant des millions de téléspectateurs (lesquels passent 3h24 par jour devant leur écran), de ces faits affreux.

Quel tableau du monde cela nous renvoie-t-il ?.

Celui d’un monde hanté par la peur de l’autre : celui (votre père !) qui vous assassine pendant votre sommeil, celui (votre voisin !) qui vous poignarde, celui (votre pote sportif !) qui vous écrabouille !

On ne peut avoir confiance en personne.

L’insécurité est partout.

Il faut plus de flics et plus de lois sécuritaires.

Protégez-nous des voisins, des parents et des conducteurs inoffensifs.

Au fond, le fait divers, rien de mieux pour faire diversion.

Et il va en falloir, de la diversion, cette année...

C’est l’année où le chômage va continuer d’augmenter, et aussi l’enfumage.

L’année où Sarkozy va entrer dans le dur, nous expliquer que, étant donné le grand trou dans les caisses (une Grande Conférence sur le déficit est prévue ce mois-ci pour nous faire rentrer la dette dans le crâne), il est urgent de sauver la Secu et les retraites.

D’ailleurs, Sarkozy va s’y mettre avec le volontarisme qu’on lui connaît.

Il a déjà sauvé Gandrange, et sauvé La Poste, et sauvé les infirmières bulgares, et sauvé le climat à Copenhague !.

Suspense : pour sauver les retraites et la Sécu, va-t-il supprimer les exonérations de cotisations accordées principalement aux employeurs (et que l’Acoss vient d’estimer à 31 milliards d’euros) ?.

Mais non, voyons : il va nous expliquer que, pour sauver sa peau, la Sécu doit absolument nous serrer la vis et augmenter le forfait hospitalier.

Et que, pour sauver les retraites, nous allons devoir travailler plus pour cotiser plus.

Quand il se met en tête de sauver quelque chose, sauve qui peut : après, on n’a plus qu’à passer à la caisse.

D’où l’intérêt de l’enfumage...

Par Jean-Luc Porquet dans Le Canard enchaîné du 06/01/2010

Transmis par Linsay



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