Travailler tue…pour combien de temps encore

dimanche 31 janvier 2010
par  Charles Hoareau
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A chaud un compte rendu sur le vif de cette initiative qui connut un franc succès comme dira l’un des initiateurs tant par le nombre (une centaine de personnes) que par la qualité du débat…Une initiative en tous cas qui ne restera pas sans lendemain avec un premier rendez vous, le 8 février à 14h à la cour d’appel d’Aix pour le procès de l’accident du travail de Jérôme, salarié de l’entreprise TFN

Ce soir la salle du CRDP est remplie de visages graves car le sujet l’est. Qui peut tolérer cette situation qui veut qu’on rentre en bonne santé dans un emploi et que trop souvent on en sort malade, accidenté, voire même tué sur l’autel du profit ?

Le premier à prendre la parole est Jacques Lerichomme connu ici pour son engagement à la FSU et comme membre de la fondation Copernic, organisatrice de la soirée [1] qui présente le débat qu’il va animer tout au long de ces très riches échanges.

Michel Bianco, qui a tant fait pour que cette soirée ait lieu et réussisse parle le premier. Partant de son histoire il explique avec des mots simples et touchants comment d’une situation personnelle il a fait un combat collectif [2]

C’est ensuite au tour d’Olivier, syndicaliste SUD de France Télécom qui revient sur ce qui a été improprement appelé « vague de suicides » résultat direct de l’organisation du travail suite à la privatisation de 1996. Il y a eu à la fois intensification du travail dans une entreprise qui a largement ouvert son champ d’activité (en particulier à cause d’Internet) et suppression de 60 000 emplois puisqu’on est passé de 160 000 à 100 000 salarié-e-s. De plus on est passé d’une hiérarchie s’adressant à un collectif de travail à une hiérarchie individualisée aboutissant au fait qu’un-e salarié-e se sente seul responsable du contenu de son travail. Cela explique que la majorité des suicidés sont des hommes qui avaient plus de 15 ans d’ancienneté qui se sont sentis niés dans ce qu’ils étaient. Toute la bataille aujourd’hui c’est de faire reconnaitre ces suicides comme des accidents du travail.

L’expérience de La Ciotat

A deux voix, Gilbert Squarcioni médecin et Pierre Bouvier ancien délégué CHSCT [3] du chantier naval et aujourd’hui président de l’association CENTAURE [4] expliquent le long combat démarré dans les années 50, combat face à ceux qui niaient la réalité et démontrer que les maladies observées sur le site du chantier étaient dues au travail et à l’amiante en particulier. Et les intervenants de rappeler que le premier rapport sur les effets négatifs de l’amiante date de…1907 !!

Dans ce combat il a fallu pied à pied démonter les accusations d’alarmistes dont on affublait celles et ceux qui se battaient sur ce terrain. Même la sémantique a été utilisée comme par exemple en nommant bronchite chronique une asbestose due à l’amiante ou pleurésie cardiaque une pleurésie de l’amiante. Des années 8à à aujourd’hui, 30 ans de combat pour « évaluer le risque et le rendre visible », risque qui se traduit par des chiffres impitoyables : 750 décès attendus pour 6 à 7000 ouvriers du chantier naval.

A la fermeture du chantier a été créée l’association Centaure qui compte aujourd’hui 1300 adhérents sur la ville.

Ça suffit !

Vient ensuite Pascal, frère de Jérôme, qui dit ou plutôt lance au travers de son émotion tant sa colère et sa douleur sont grandes un appel à venir nombreux le 8 février à Aix pour dire au patron de son frère mais aussi à tous les autres : « La mort au travail ça suffit ! »

Impossible de retranscrire ici toutes les interventions. On peut juste les signaler dans une improbable synthèse.

Marcel Touati membre de la commission santé PCF qui donne un autre chiffre : 8 morts par jour à cause de l’amiante. Il termine en disant un accident c’est imprévisible, pas un accident du travail.

Arlette PARROLA militante de la FASE revient sur la disparition du soutien collectif d’une équipe de travail et son remplacement par l’isolement du travailleur « On assiste à une remontée spectaculaire des accidents du travail à partir des années 80…2 morts par jour dans le privé soit plus 16%... Il y a un lien entre santé physique et psychique…On n’a jamais autant parlé de qualité et produit autant de merde ! Alors il ne faut pas s’étonner du nombre de suicides :
24 pour 100 000 travailleurs années 50
34 pour 100 000 travailleurs années 80
100 pour 100 000 chômeurs aujourd’hui »

Et de revenir comme plusieurs autres intervenants sur le rôle de l’externalisation des services en particulier au niveau du nettoyage.

Jean Marc Longo (secrétaire de la FSU) parle de la non reconnaissance des maladies professionnelles à l’EN (seulement 0,6%), alors que l’on en est à 6% dans la santé, 8% dans la fonction publique territoriale. Il dit avec gravité et franchise que cette soirée interpelle un syndicat comme la FSU en terminant sur le fait que plus largement, nous sommes souvent incapables de définir le niveau de risques.

On peut lutter

Jean Louis Borie (président du SAF) rappelle que les outils juridiques existent le problème c’est la politique des parquets. Pénalement il y a une volonté d’étouffer la responsabilité des employeurs. L’important c’est d’aller dans les procédures. Forcer le débat en utilisant l’arme juridique. Et pas seulement en terme de répression, ainsi on pourrait utiliser l’arme préventive en obligeant les employeurs à présenter un plan et des mesures de prévention suite à un accident ou à une plainte portant sur le risque encouru par les salarié-e-s..

Jean Marc Coppola : président du groupe communiste au conseil régional souligne que dans un pays qui a la productivité la plus forte du monde on devrait diminuer le temps de travail et les facteurs de risques. Il rappelle la proposition de loi des élus PCF pour renforcer les droits des travailleurs dans l’intervention sur les conditions de travail..

Une intervenante de Béziers revient sur le drame de Jean Michel Rieu ce syndicaliste CGT à la mairie de la ville qui s’est suicidé après avoir tué sa femme et ses deux enfants. C’est le harcèlement qu’il a subi et sur lequel avait alerté non seulement un psychiatre mais le médecin du travail qui a fait 7 interventions pour empêcher une mutation sanction en vain…Situation de harcèlement qu’aujourd’hui encore la justice refuse de reconnaître..

L’avocate de l’UD CGT 06 - partie civile dans le procès TFN – montre concrètement comment ce procès met en lumière des manquements à la sécurité sans lesquels l’accident aurait pu être évité.

Jean Pierre Hippias délégué CGT à France Télécom et membre du comité national hygiène et sécurité explique comment en permanence la direction tente de contourner les directives de la direction du travail

Sophie Camar représentante des verts explique que selon elle il n’y a pas de séparation entre le social et l’environnemental qui sont tous deux vus comme des obstacles à l’emploi. La souffrance au travail n’est pas seulement liée au statut puisque qu’elle traverse tous les secteurs et toutes les catégories.

Face à toute cette politique d’individualisation et de culpabilisation, un intervenant du SNUIPP [5] intervient pour dire que nôtre tâche est de « contruire du collectif. »

Enfin Marc Guyot trésorier mutuelle France sud informe d’une initiative le 4 mars avec un débat intitulé : « Bien vivre au travail »

C’est Willy Pelletier, coordinateur général de la fondation Copernic, qui conclue cette soirée par quelques phrases et idées fortes :

C’’est une première où nous disons tous notre volonté de continuer à travailler ensemble.
Agir ensemble pour ne pas voir se reproduire le hold-up de 2007 sur travailler plus pour gagner plus.
Faire irruption dans ce monde des riches qui ne connaissent même pas le monde du travail.

« Nous sommes le travail
Le travail est politique »


[1et co-organisée par CGT, FSU, SUD, SAF, PCF, Rouge Vif, NPA

[2Michel a perdu son fils, agent de nettoyage à TFN, dans un accident du travail, voir article.

[3comité hygiène et sécurité

[4association de défense des victimes de l’amiante voir rubrique La Ciotat

[5syndicat des instituteurs rattaché à la FSU



Commentaires

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vendredi 22 octobre 2010 à 17h45 - par  Sandra
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vendredi 5 février 2010 à 07h53 - par  Philippe

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