Quand les femmes ne s’en laissent plus conter

jeudi 25 février 2010
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Les femmes burundaises se mobilisent pour obtenir une carte d’identité, nécessaire pour voter. Elles entendent bien faire valoir leurs revendications avant d’accorder leurs voix, raconte l’agence de presse Syfia Grands Lacs.

A l’approche des élections [1], le gouvernement du Burundi a lancé une campagne d’attribution gratuite de la carte nationale d’identité. Seuls les Burundais possédant cette carte pourront être recensés et voter. Les habitants se sont présentés très nombreux, car au moins 1 million d’entre eux [sur 8,6 millions d’habitants] n’avaient pas de carte – et, parmi eux, beaucoup de femmes. De fait, l’obtention de ce précieux document apporte une reconnaissance légale, à laquelle les femmes sont particulièrement attachées, notamment pour pouvoir se faire entendre lors des élections qui auront lieu en mai prochain.

Selon le ministère de l’Intérieur, 80 % des demandeurs de la carte nationale d’identité sont des femmes. “Recluses dans leurs arrière-cours, elles ressentent soudainement le besoin d’en avoir une”, constate Judith Bigirimana, membre d’une association féminine dans la province de Bubanza, dans l’ouest du Burundi.

Le Burundi est un pays d’Afrique de l’Est de la région des Grands Lacs. Entouré par la République démocratique du Congo à l’ouest, le Rwanda au nord et la Tanzanie à l’est et au sud, le Burundi compte 8 millions d’habitants, dont 85 % de Hutus et 14 % de Tutsis, et sa capitale est Bujumbura. Le Rwanda est le pays le plus proche du Burundi ; tous deux sont d’anciennes colonies belges. Le 6 avril 1994, les présidents burundais et
rwandais, tous les deux hutus, sont tués dans l’attaque menée contre leur avion. C’est le début du génocide rwandais et du massacre des Tutsis. Au Burundi, les Tutsis ont le pouvoir et les événements rwandais vont servir de prétexte au massacre de Hutus burundais. La paix est ramenée en septembre 2000 par l’accord d’Arusha, qui tente de garantir l’équilibre ethnique.

Les femmes n’ont pas attendu la campagne de sensibilisation menée par l’administration et les associations féminines. Dans la capitale, où elles font du petit commerce, elles se sont passé l’information. Dans les collines, ce sont les radios et l’administration qui essaient de toucher les gens.

Assise à même le trottoir jouxtant les bâtiments de l’Office national des télécommunications, visiblement harassée par une longue journée d’attente, une maman vendeuse de mangues appelle les derniers clients. Elle se relève péniblement, accablée par la fatigue et le surpoids, pour partir avec son panier à moitié plein. D’une voix vigoureuse, malgré la déception causée par les faibles rentrées du jour, elle interpelle sa compagne, marchande de tomates : “Amida, passons demain à la commune pour la carte d’identité : c’est important pour notre avenir.” Elles sont nombreuses à patienter dans des files interminables devant les bureaux communaux. “Renoncer à la carte, c’est renoncer à la nationalité et à tous les droits auxquels elle donne accès… Le droit de vote, surtout”, insiste Jacqueline Sebahene, du sud de la capitale, Bujumbura. Certaines commerçantes en sont persuadées, la carte leur permettra d’être mieux traitées. “Pas comme des étrangères, des détritus jetés n’importe où et que des policiers indisciplinés piétinent jusqu’à les écraser”, dénonce Eugénie, la gorge serrée.

Les prochaines élections générales [présidentielle, législatives et sénatoriales], qui débuteront le 21 mai pour se terminer le 7 septembre, sont considérées par ces commerçantes comme une urgence pour changer le sort que les gouvernants leur ont façonné en les consultant rarement au cours des cinq dernières années. Inutile d’aller dans les meetings ! Ceux qui auront besoin de leurs voix devront aller les voir au marché. Inutile de brandir son appartenance ethnique ou politique pour être élu ! “Nous sommes nombreuses et n’avons qu’un seul parti politique, une seule ethnie : le commerce qui nourrit nos enfants. Nous voterons en faveur des candidats qui auront formellement promis de créer de meilleures conditions pour l’exercice de notre activité”, explique Fabiola Nzeyimana, vendeuse ambulante de pagnes. La question des droits des femmes nourrit les débats des hommes politiques et des associations féminines. De ces discussions, il ressort que l’égalité des sexes reste un combat à mener au Burundi, tant les femmes y sont encore inféodées à l’autorité masculine.

Si, dans la capitale, des femmes d’affaires ont fini par obtenir un droit de regard sur leurs biens, les femmes rurales dénoncent le fait de ne pouvoir gérer elles-mêmes le fruit de leur dur labeur. Venue de sa province rurale, Gertrude explique ainsi qu’elle votera en faveur des leaders qui leur concéderont cette juste prérogative.

L’association féminine Dushirehamwe vient de publier une étude sur les besoins des femmes. Les 12 000 d’entre elles qui ont été interrogées regrettent de ne pas avoir de biens propres à gérer. Si elles parviennent à se rendre aux urnes – ce qui n’est pas évident, car les hommes les en empêchent parfois –, les Burundaises pourraient faire changer la situation. Avec la carte d’identité, elles disposent en tout cas d’un nouvel atout de poids…

Par Jacques Bukuru dans Syfia Grands Lacs le 09/02/2010

Source : PNUD

Transmis par Linsay


[1La Commission électorale nationale indépendante (CENI) se prépare à organiser 5 élections, à savoir les élections communales, l’élection présidentielle les élections législatives, sénatoriales et collinaires.



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