Didier Migaud : un président très socialisse.

mardi 9 mars 2010
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Nouvelle « ouverture » ? Ce député PS dit oui, pour la Cour des comptes, à Sarko qui apprécie son profil consensuel d’opposant ouvert... à ses propositions.

C’est sous les applaudissements du groupe socialiste à l’Assemblée qu’a été accueilli le 23 février Didier Migaud, 57 ans, tout juste nommé Premier président de la cour des Comptes.

Depuis, c’est un déluge consensuel d’éloges dans la presse, un torrent de louanges dans la bouche de ses camarades PS, qui le trouvent tour à tour « compétent », « travailleur », « rigoureux », « pondéré », « courtois », « agréable », « il le méritait »...

Tant de fleurs qu’on se croirait à un enterrement, après celui bien réel de son prédécesseur, Philippe Seguin.

Jusqu’ici, Migaud avait une trajectoire rectiligne de parlementaire modèle (plusieurs fois distingué comme le plus actif) : député PS en 1988, sans cesse réelu depuis, y compris lors de la débâcle socialiste de 1993, rapporteur général du Buget en 1997 sous Jospin, questeur en 2002, et, enfin, depuis 2007, président de la commission des Finances, dévolue pour la première fois à l’opposition, sur une idée originale de Sarko...

Ce grand spécialiste des comptes publics, incarnation de l’anti-bling-bling et acharné de boulot, qu’un collègue socialiste juge en privé « terne » et « ennuyeux », ne commet-il pas aujourd’hui un « abandon de poste » caractérisé ?.

Alors qu’il occupait un rôle clé à la commission des Finances, épinglant le gouvernement sur le bouclier fiscal ou le coût des heures supplémentaires, et alimentant les ténors socialistes en argumentaires budgétaires...

Seul Henri Emmanuelli a jeté un froid, au groupe PS, le 24 février, en condamnant l’acceptation de sa nomination par ce fils prodigue fabusien parti pantoufler en abandonnant tous ses mandats.

« François Mitterrand n’aurait pas désapprouvé cette nomination », le défend l’ancien intime du défunt président Maurice Benassayag, qui a remarqué le « brillant étudiant » Migaut à Sciences-Po Lyon en 1976 et l’a présenté dans la foulée à Louis Mermaz.

Lequel l’a alors embauché au conseil général de l’Isère comme conseiller puis dircab’ et, enfin, directeur général des services.

Or Migaud, fils d’un notaire de Château-Chinon, connaissait déjà Mitterrand, intime de ses parents, depuis son enfance.

Fabius, qu’il a finalement suivi après Mitterrand, se dit publiquement enchanté du choix de carrière de Migaud.

Mais un autre député fabusien historique nuance :

« A notre dernier déjeuner du mardi, Laurent paraissait surtout embarrassé... ».

L’économiste proche du PS Thomas Piketty, qui a pratiqué Migaud à la commission des Finances, y voit quant à lui « un aveu d’échec dramatique sur le peu de pouvoir du Parlement dans ce pays ».

Alors qu’il s’était engagé pour cette cause, Migaud part pour prendre la tête d’un organisme de contrôle qui représente peu de chose..."

Et de se faire une comparaison internationale éloquente :
« Jamais le président de la commission des Finances du Congrès américain n’aurait lâché son poste qui lui permet de réécrire le Budget et de tenir tête à Obama ! ».

Migaud a depuis longtemps le goût du consensus : c’est avec l’ancien ministre UMP du Budget Alain Lambert qu’il a conçu, en parfaite entente, entre 1999 et 2001, la fameuse loi organique des lois de Finances (Lolf) qui a révolutionné l’architecture et le suivi du Budget, mais qui leur avait valu ce jugement de Chirac :
« C’est très bien, votre truc, mais on n’y comprend rien ! ».

Concernant sa candidature à la Cour des comptes, Migaud a finalement reconnu, dans « Le Monde » (27/2), avoir de lui-même sollicité Sarkosy, qu’il tutoie, à l’Elysée.

Ce qui se passe très mal au PS.

Fort de ses amitiés diverses, Migaud, qui a moins de caractère que Seguin, gardera-t-il une certaine liberté de parole, malgré le poids institutionnel de la fonction ?.

A voir.

Car, durant les deux ans et demi qu’il vient de passer à la tête de la commission des Finances, il s’est montré un opposant de moins en moins farouche : ce grand pourfendeur de la dette publique ne s’est pas battu avec férocité pour décrocher une commission d’enquête sur le remboursement à Tapie de près de 100 millions d’euros (dette fiscale déduite), avec l’approbation de Sarko.

Et il s’est laissé balader par Woerth, auquel il réclamait depuis 2007 les données fiscales qui auraient enfin permis au Parlement de faire ses propres calculs budgétaires sans dépendre du bon vouloir de Bercy...

C’est en fait au rugby qu’il s’est montré le plus offensif, dans l’équipe des députés.

Lors d’un match en 2007 contre les parlementaires néo-zélandais (dont deux anciens ALL Blacks...), il s’est même fait une déchirure à la cuisse qui lui a valu de boiter pendant six mois !.

Malgré son excellente réputation de technicien des finances publiques, Migaud, président depuis 1995 de la « Métro », l’agglomération grenobloise, n’est pas non plus un gestionnaire irréprochable.

Un rapport de la chambre régionale des comptes qui vient de sortir lui donne quitus sur de nombreux points, mais l’épingle sur l’explosion de la dette de la Métro : de 218 à 327 millions entre 2003 et 2007, soit une augmentation de 54,5% en seulement quatre ans !

« Une situation financière catastrophique », estime en privé Michel Destot, le député-maire PS de Grenoble, qui brigue sa succession à la Métro...

Voilà qui qualifie Migaud pour prendre la tête de la Cour des comptes et pour faire la leçon à l’Etat sur sa dette record !.

Les magistrats sourcilleux de la Cour des comptes voient d’ailleurs d’un oeil dubitatif arriver ce politique de gauche qui n’est pas originaire de leur corps (contrairement à Joxe ou Seguin avant lui) pour au moins douze ans.

Et ils s’arrachent les cheveux en calculant sa longévité à son poste : il est inamovible jusqu’à 68 ans, plus une année par enfant (il en a trois !).

Sachant que leur carrière sera entre ses mains pendant tout ce temps...

Mais, malgré sa démission de tous ses mandats, il n’est pas certain que Migaud, frustré de n’avoir jamais été ministre, ait renoncé à toute ambition politique.

Il explique avoir manqué de peu, en 2000, le poste de sous-ministre du Budget ; et Royal, si jamais elle avait été élue en 2007, lui avait promis les Finances.

Le fabiusien juge désormais que DSK ferait « le meilleur candidat en 2012 » (et plus Fabius ?).

Rien ne dit que, dans l’hypothèse où Strauss-Kahn reviendrait, le magistrat Migaud ne serait pas repris du rêve d’aller à Bercy.

Par David Fontaine dans Le Canard enchaîné du 03/03/2010

Transmis par Linsay.



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