Stéphane Richard : le charme et le chèque.

samedi 13 mars 2010
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Vite enrichi chez Messier, cet ancien de Bercy a mené son putsch sur France Télécom sans heurts et sans traîner.

Ne lui chercher pas d’ennemis, vous ne lui en trouverez pas.

Ou si peu.

C’est que le « beau Stéphane », comme l’appelait affectueusement Christine Lagarde dont il fut directeur de cabinet jusqu’à septembre 2008 avant d’être nommé à la tête de France Télécom, n’est pas un violent.

« Ouvert et très urbain », jugent unanimement ceux qui le côtoient.

"Il est toujours dans la séduction, ajoutent les critiques.

Comme il a horreur des situations de conflit, il dit facilement oui.

Mais ne tient pas toujours.« Ce »relationnel" a un sens aigu de son image.

De quoi énerver les inspecteurs des Finances - dont il est, Sarko lui-même peste de tomber sur la messagerie de son portable quand il est en week-end dans sa somptueuse maison de Miami.

Ou dans celle d’Ibiza.

Car notre ami a de l’argent.

Et même beaucoup.

Une belle histoire de réussite qui remonte aux grandes heures de l’empire Messier et qui montre un solide sens de l’opportunité.

En 1991, Stéphane Richard frais émoulu de l’ENA et d’HEC, conseiller municipal (centre-gauche) de Bandol, intègre comme conseiller le cabinet de son ami Dominique Strauss-Kahn.

Mais il ne lui faut pas plus de six mois pour rebondir vers le privé chez Vivendi.

Pas de temps à perdre, ce faux nonchalant est un rapide.

Entré le 9 avril 1992 comme simple chargé de mission chez Messier, il est, vingt-trois mois plus tard, patron du secteur immobilier du groupe.

Trois ans de plus, et le voilà à la tête de la CGIS, qui, sous le nom de Nexity, va quitter l’orbite de Vivendi en emportant quelques pépites.

C’est que, tout à ses rêves de communication, Messier a largué tout son béton à prix cassé.

Richard s’allie alors à un fortiche de l’immobilier, Alain Dinin, qui concocte un montage aux petits oignons.

Avec une mise de fonds négligeable, Richard se retrouve, après le redémarrage de l’immobilier, à la tête d’une plus-value de près de 100 millions d’euros lors de l’entrée en Bourse de Nexity.

En juillet 2006, Sarko le décorant de la Légion d’honneur, lâchera, admiratif :
« Tu es riche, tu as une belle maison, tu as fait fortune. Peut-être y parviendrai-je moi-même ».

Le multimillionnaire change alors de braquet.

« Maintenant qu’il a l’argent, il lui manque le pouvoir », explique un promoteur qui l’a côtoyé à cette époque.

En 2003, Henri Proglio, nouveau patron de Veolia-ex-Vivendi Environnement -, le nomme directeur adjoint du groupe.

C’est là que Borloo viendra le chercher en mai 2007 pour être son directeur de cabinet au ministère de l’Economie.

Pas par hasard : Richard, depuis des années, met un soin particulier à cultiver en même temps que sa fortune ses relations avec des personnalités, entre politique et bizness.

Borloo est un de ses proches depuis le début des années 90.

Le futur ministre était alors l’avocat qui avait initié Bernard Tapie aux joies de la reprise d’entreprises bradées dans les tribunaux de commerce.

Nanard était « bon copain » avec Richard.

Lequel n’a pas mégoté pour aider Sarkozy dans sa traversée du désert.

Il l’a ainsi pris comme avocat pour sa société, qui n’en avait pas un besoin évident.

Le Président n’est pas un homme à oublier cette main tendue.

Sarko, Tapie, Bercy : tiens, justement, voici les trois acteurs du fameux arbitrage qui, à l’été 2008, va accorder une fabuleuse indemnité de 285 millions à Nanard dans l’affaire Adidas.

Simple coïncidence, sans doute, si le ministère des Finances -où Richard est resté dircab’ de Christine Lagarde, qui a succédé à Borloo - a renoncé à faire appel de cette décision qui soulève la polémique.

Rien ne semble devoir troubler la quiétude de Richard à Bercy.
Le redressement fiscal - portant sur 16 millions d’euros - que lui réclamait le fisc lors de la belle opération Nexity va finalement se régler par un « petit » chèque de 660 000 euros.

Il a également été entendu par la juge de Nanterre qui instruit l’affaire des « mètres carrés fantômes » de la Défense.

Environ 10% de la surface d’au moins une demi-douzaine de tours n’ont pas été déclarés, permettent ainsi à leurs promoteurs d’échapper à plusieurs centaines de millions de taxes diverses.

Et si la signature de Richard figure sur plusieurs demandes de permis de construire.

Heureusement, le dossier semble ensablé à Nanterre.

Mais Richard n’est pas pleinement heureux pour autant.

Il voulait le pouvoir.

Une fois à Bercy, il s’aperçoit que tout se décide à l’Elysée.

« Il n’avait plus qu’une idée en tête : obtenir la direction d’un grand groupe », commente un de ses proches auxFinances.

Son rêve : EDF.

Pas possible, réservée à Proglio.

Alors il postule partout.

Un jour il appelle Jean Cyril Spinetta pour prendre sa suite à Air France.

Un autre jour c’est la SNCF.

Ou La Poste.

François Pérol lui souffle les Banques populaires, et le scandale qui s’ensuit le fait redouter de devoir rester scotché à Bercy.

Il obtient finalement France Télécom.

Un lot de consolation.

Surtout qu’il devra attendre jusqu’en 2011 le départ du patron, Didier Lombard.

Il arrive le 1er septembre 2009.

Le 11 la « crise des suicides » devient une affaire nationale.

Lombard est dans le déni, évoquant un jour la « mode des suicides », dénonçant le lendemain une campagne syndicale.

Le groupe s’enfonce dans la crise.

Richard va en profiter pour hâter sa prise de pouvoir totale.

Celui qui se proclame « libéral en économie, social pour tout le reste », conseillé par Stéphane Fouks, fait un tour des provinces pour recueuillir les doléances du personnel.

Il reçoit ensemble les six syndicats du groupe, ce que n’avait jamais fait Lombard en cinq ans de présidence.

Bref, il la joue social, expliquant même qu’il « voyage en première pour ses déplacements personnels, mais en seconde pour ses voyages professionnels ».

Et pour rasséréner une boîte qui doute d’elle-même, il annonce qu’il investira sa première année de rémunération (1,5 million) en actions France Télécom.

Les syndicats se mettent à croire en lui.

Mais Lombard s’accroche toujours.

C’est alors que parvient miraculeusement à l’AFP un document interne annonçant que Richard demande à être nommé directeur général et que Lombard soit relégué au poste honorifique de président.

La presse répercute la tentative de putsch.

Coup de tonnerre à Matignon, où Fillon prend tout à coup conscience que l’incendie de France Télécom a gagné la direction.

Il faut agir vite.

Quelques jours plus tard, Lombard est éjecté de son poste de directeur général.

Richard a obtenu avec un an d’avance la totalité du pouvoir exécutif.

Un rapide, on vous dit.

Par Hervé Martin dans Le Canard enchaîné du 10/03/2010

Transmis par Linsay.



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