La course aux terres arables devient préoccupante

dimanche 25 avril 2010
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Évidemment, si on compte sur la Banque mondiale et l’OCDE pour traiter comme il faut ce problème ce sera comme le note l’auteur de l’article, « difficile à obtenir »...pour ne pas dire impossible. Par contre si les peuples s’en mêlent, ce qu’ils font par endroits , c’est une toute autre histoire...Celle de la souveraineté des peuples.

Depuis 2006, près de 20 millions d’hectares de terres arables auraient fait l’objet de négociations dans le monde, selon Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation. Des transactions correspondant presque à la surface arable française.

L’hectare devient un actif à la mode pour des investisseurs comme le financier George Soros ou le fonds Altima, à l’affût d’une hausse durable des prix des denrées ou d’une volatilité accrue des marchés. Tout comme il est devenu un élément stratégique pour les pays soucieux s’assurer leur sécurité alimentaire.

Car d’ici à 2050, la production agricole doit croître de 70 % pour répondre à l’augmentation de la population, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Mais cette offensive sur les terres ne se fait pas sans dérapages. Il devient nécessaire de cadrer ces investissements, dont certains peuvent déséquilibrer un pays, à l’image des visées du coréen Daewoo à Madagascar. C’est pourquoi, parallèlement aux travaux menés au sein des Nations unies, les Etats-Unis et le Japon organisent, dimanche 25 avril à Washington, une table ronde sur les « principes d’un investissement responsable dans l’agriculture ».

« Il est nécessaire d’investir dans l’agriculture, mais attention, il faut un code de conduite pour les acquisitions, notamment dans les pays pauvres, qui n’ont pas les moyens politiques et économiques de défendre leurs intérêts », lance Jacques Diouf, le directeur général de la FAO, deux ans après avoir pointé les risques d’émergence d’un « néocolonialisme ». La crise des prix des denrées alimentaires en 2008 a précipité vers les terres des investisseurs aux profils différents.

Aux fonds souverains d’Etats soucieux d’assurer leur stratégie d’approvisionnement, parmi lesquels les pays du Golfe ou la Chine, se sont ajoutés des investisseurs privés, locaux ou étrangers. « Les fonds et les investisseurs privés s’intéressent à la terre, car malgré la crise, ils disposent encore de réserves », explique ainsi Carl Atkin, de Bidwells Property, une société britannique de conseil dans le domaine foncier.

Ces acteurs n’en sont souvent qu’à leurs premiers pas, car « il y a un décalage entre les effets d’annonce et les investissements effectivement réalisés », souligne Patrick Caron, directeur scientifique au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

Les acquisitions de terres n’ont pas commencé avec la crise alimentaire de 2008. Mais leur rythme s’accélère, pointe M. de Schutter. L’Arabie saoudite a mis sur pied une société publique pour financer les entreprises privées du royaume qui achètent des terres à l’étranger. Les créations de fonds d’investissement spécialisés se multiplient. Et les élites locales, proches des gouvernements, entendent aussi profiter de l’attrait financier des terres. « En Ukraine, il y a peu d’étrangers sur ce secteur, mais plutôt des Ukrainiens et des Russes », souligne Charles Vilgrain, qui dirige AgroGeneration, une entreprise fondée par Charles Beigbeder pour investir dans la production de céréales et d’oléagineux en Ukraine.

RAPAGES

L’investissement dans les terres arables n’est pas une chose simple et transparente. En Ukraine, les investisseurs étrangers peuvent louer les riches terres céréalières et non les acheter. En Afrique, sur une même terre peuvent se juxtaposer des titres de propriété formels et des droits coutumiers d’usage. « Les accords entre groupes sociaux ne sont pas toujours reconnus par le droit international ou par les acteurs politiques institutionnels », note M. Caron.

Pour éviter les dérapages au cours de ces investissements, l’ONU, la FAO et certains gouvernements essaient de trouver des principes d’encadrement de ces investissements qui protègent les petits producteurs.

« Souvent, tout se passe entre le gouvernement et une grande entreprise, regrette Ajay Vashee, président de la Fédération internationale des producteurs agricoles (IFAP). Il faut un dialogue avec les gens sur le terrain. Par ailleurs, des investissements bien encadrés peuvent apporter des bénéfices aux producteurs, avec des économies d’échelle dues à l’arrivée de sous-traitants des investisseurs, des retombées sociales avec la construction d’écoles ou de centres de santé et la création de contrats qui font travailler les petits fermiers. »

Outre l’encadrement des acquisitions, une autre voie explorée est en effet celle du « contract farming », qui établit un contrat de longue durée et évite l’achat de la terre et la disparition des droits d’usage. « Le rôle des organisations paysannes est important pour l’expression des intérêts et des droits des producteurs auprès des Etats et des investisseurs », note Paul Mathieu, expert des questions foncières au sein de la FAO.

Reste à savoir comment et par qui le respect de ces principes sera assuré. L’implication des pays de l’OCDE, des nations en développement et des bailleurs de fonds, comme la Banque mondiale, paraît indispensable, mais difficile à obtenir.

Par Bertrand d’Armagnac dans l’édition du Monde du 23/04/2010

Transmis par Linsay



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