Le chantage à la déloc, nouvelle gestion des hommes

samedi 24 juillet 2010
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La mode est au chantage chez les grands groupes industriels. Soit les salariés français acceptent sans broncher une baisse de leurs salaires comme chez General Motors, soit les usines seront délocalisées dans des pays où la main-d’oeuvre est moins chère.

Les salariés de l’usine General Motors de Strasbourg étaient appelés lundi à se prononcer sur le plan de reprise du site alsacien, qui avait été placé dans la structure dédiée à la revente ou à la fermeture des unités de l’ex numéro un mondial automobile. En jeu, l’avenir du site et de ses 1 150 emplois.

Avec l’espoir de sauver leur emploi, les salariés devaient donc décider lundi par un vote à bulletin secret s’ils étaient prêts à renoncer à certains avantages, comme l’intéressement, les cotisations patronales à la mutuelle de santé, les subventions au restaurant d’entreprise, ou sur les journées de RTT, dont 7 ou 8 (sur 17) disparaîtraient. Objectif de ce plan : se rapprocher du coût de la main d’œuvre au Mexique.

Pourquoi le Mexique ? Parce que la direction du groupe, aux États-Unis, doit décider le mois prochain si elle confie la fabrication de boîtes de vitesse à Strasbourg, ou à une de ses usines au Mexique, où les salaires sont moindres. Et la condition à cette éventuelle poursuite de l’activité du site strasbourgeois est la baisse des coûts de main d’œuvre de 10 %.

Les salariés, en majorité prêts à faire des sacrifices pour conserver leur emploi, ont donc voté « oui » au plan de reprise. Sur 929 votants (sur 957 salariés présents sur le site, taux de participation 97%), 645 ont accepté le plan (70,65%), 268 ont voté contre (29,35%), a indiqué mardi Jean-Marc Ruhland, délégué CFDT (majoritaire), syndicat co-organisateur du vote (avec FO et la CFTC).

Hostile au plan de reprise, la CGT avait appelé à voter « non ». « Nous refusons de signer un chèque en blanc aux dirigeants de GM. Ils ne nous donnent aucune garantie sur l’emploi en contrepartie de ce qu’ils nous demandent », dit Roland Robert, de la CGT. « De toute façon, le rôle des syndicats n’est pas de faire baisser le revenu des salariés. Nous n’avons pas à nous comparer aux travailleurs qu’on exploite au Mexique, en Chine ou je ne sais où. »

Certains grands groupes ont en effet trouvé là un moyen assez pratique pour faire baisser les coûts de production des usines françaises, soi-disant trop élevés pour être compétitifs : le chantage ! Le deal est simple : les salariés acceptent de revenir sur certains avantages, de geler leurs salaires, etc., sinon, c’est la fermeture de l’usine. Et les marchés sont alors confiés à des usines plus « compétitives », généralement situées dans des pays dits « low cost ».

Et General Motors n’est pas le premier a utiliser cette arme ! Une arme qui, si elle permet généralement de sauvegarder des emplois sur le moment, n’est pas toujours une garantie sur le moyen ou long terme :

- Continental négocie actuellement des concessions salariales pour ses usines de Toulouse, Foix et Boussens. Ces sites sont mis en concurrence avec des sites allemands, à qui on a proposé le même « marché ».
- Goodyear a mis en place une nouvelle organisation de la production sur son site d’Amiens Sud. Le site d’Amiens Nord, qui avait refusé cette même réorganisation, a été sanctionné en perdant la fabrication de certains pneus.
- Chez Bosh, les salariés du site de Vénissieux avaient proposé en 2004 de revenir sur les 35 heures pour assurer la pérennité de leur usine. Or aujourd’hui, ces concessions (perte de jours de RTT, gel des salaires, moindre majoration des heures de nuit, etc.) ne semblent plus suffire pour attirer de nouveaux investissements au sein du groupe.
- Le volailler Doux avait proposé le même type de marché que Bosh à ses salariés. A ceci près que le groupe va aujourd’hui mieux, même s’il est passé par de sérieuses restructurations à la suite notamment de la grippe aviaire.
- Chez Hewlett-Packard, pour limiter les effets dévastateurs d’un sévère plan social, les salariés ont renégocié leur accord sur la réduction du temps de travail. Il renoncent à 12 jours de RTT, et sauvent alors 250 emplois. Le plan de retructuration a été mis en place dans le courant de l’année 2006. Et trois ans plus tard, les sites français sont frappés par deux nouveaux plans, soit un total de 1 120 emplois.
- Sous la menace d’une délocalisation à Taiwan, les salariés du dernier fabricant français de scooters, Peugeot Motocycles, ont consenti en 2008 à renégocier l’accord sur le temps de travail signé en 1999. En acceptant de passer de 22 jours de RTT à 11, les syndicats obtiennent de la direction la promesse de confier aux sites français la production d’un nouveau modèle. Ce projet a permis de maintenir les 1 050 emplois menacés.
- En Italie, cette fois, c’est le constructeur Fiat qui a conditionné la relocalisation de la fabrication de sa célèbre Panda à une augmentation de la productivité et de la flexibilité de son usine napolitaine. Le plan proposé a été approuvé à « seulement » 62 % par les salariés, alors que le constructeur avait fixé le seuil à 70 %. Fiat a néanmoins validé, début juillet, la relocalisation de la Panda.

Les exemples se multiplient donc. Il faut dire que les entreprises ont la partie facile. Pétrifiés à l’idée de perdre leur emploi, les salariés sont prêts à faire des concessions et des sacrifices. Et l’industrie française est dans un tel état, que l’idée de perdre une usine de plus tétanise tout le monde. Seuls quelques syndicats osent élever la voix, et dénoncer le chantage à l’emploi qui est pratiqué. Mais souvent en vain. Et souvent contre l’avis des salariés. Ainsi, dans l’usine strasbourgeoise de GM, un tract affiché et signé par des « salariés en colère » s’en prenait non pas à la direction mais à la CGT (hostile au plan de reprise) à laquelle elle adressait « un carton rouge ».

Il y a déjà eu quelques cas scandaleux de reclassements en Roumanie proposés à des salariés licenciés en France. A quand des salaires roumains, mexicains, marocains ou chinois proposés en France en échange du maintien d’une entreprise sur notre territoire ?

L’industrie, oui, mais pas à n’importe quel prix ! Car pour le moment, les négociations ne portent pas sur les salaires proprement dits, mais sur les « à côtés » (RTT, intéressement, majoration des heures de nuit…). Jusqu’à quand ?

Par Hexaconso - Blogueur associé Marianne2 le23 /08/ 2010

Juste un oubli dans cet article et il est de taille : et si pour éviter ce chantage justement dénoncé on utilisait l’arme la nationalisation sous gestion ouvrière ?...

Transmis par Linsay



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