Alain Minc : le conseiller du Couac 40.

vendredi 30 juillet 2010
popularité : 4%

Il se rêve l’inspirateur en chef du « système » Sarkozy, mais ses poulains voient les postes leur passer sous le nez. L’homme d’influence ploie sous les coups de Guéant.

S’il n’en reste qu’un, il sera celui-là.

Il faut le voir dans « France Soir », la semaine dernière , défendre son président :

« Les gens se trompent sur Sarkozy ».

Et sur une page entière jouer en contre pour convaincre que Sarko « n’est pas fasciné par l’argent », que Sarko a été très bon l’autre soir à la télévision, que Sarko marie « maîtrise de soi, calme, présidentialisation », que Sarko demeure grand quand sa popularité rétrécit au sondage.

« On ne réussit point sans un peu d’art flatteur », disait Voltaire, mais de là à en faire des tonnes...

Comme si Alain Minc avait besoin de rentrer en grâce auprès de saint Nicolas.

Il est vrai que la liste de ses insuccès s’allonge, ces derniers mois.

Il avait cinq poulains revendiqués en mars 2009 dans « L »Express" qu’il destinait aux plus hautes fonctions, aucun n’a décroché le gros lot promis.

Jacques Veyrat, le DG de Louis-Dreyfus, n’a pas obtenu France Télécom, Bruno Patino, l’ancien petit génie du « Monde » a manqué Radio France, Stéphane Courbit, le producteur qui sait gagner des millions, a loupé la Régie de France Télévisions et Alexandre Bompard a vu la télé lui passer sous le nez.

Sans parler de la reprise du « Monde » qui a échappé à l’espagnol Prisa, que Minc conseillait, pour se donner au triumvirat BNP (Bergé-Niel-Pigasse), que Sarko abominait.

Pour un conseiller dont le chiffre d’affaires (en millions d’euros) est indexé sur l’influence qu’il exerce sur les puissants, voilà une série qui pourrait finir par lui coûter.

A quoi ça sert de rétribuer un visiteur du soir qui doit se lever tôt pour être entendu du Président ?

Minc est trop bavard et pâtit d’avoir promu avant d’avoir obtenu.

Qu’il relise Montherlant : « Si vous exercez une influence, feignez de l’ignorer ».

Il a une excuse : il a un ennemi dans la place.

A l’Elysée, un préfet à la retraite s’amuse à lui glisser des peaux de banane.

Un certain Claude Guéant, dont le vice est d’aimer son surnom de vice-président.

Un secrétaire général qui, avec le temps, ne veut plus partager son Sarko avec quiconque.

Il a bataillé comme jamais pour barrer la route au jeune Bompard, que Minc avait assis un peu vite à la tête de France Télévisions, et ça s’est vu dans tout Paris.

Guéant lui a mis Carolis dans les roues puis Pflimlin.

Et Sarko lui a cédé.

Officiellement, le Président s’est « rangé au contexte », qui, en pleine période de Woerth-gate, n’autorisait guère un copinage trop évident dans la nomination du patron de l’audiovisuel public.

Mais le contexte n’est qu’un prétexte pour Guéant.

Son conflit d’intérêts avec Minc est ancien.

Ses partisans à l’Elysée moquent le conseiller qui fait du « trafic d’influence », et a choisi une « mauvaise stratégie » en cherchant à placer des hommes plutôt que des idées.

Ses faits d’armes sont minorés.

On lui dénie ses coups d’éclat, comme avoir convaincu Sarko d’interdire de pub l’audiovisuel public.

On lui conteste sa proximité avec le suzerain : il n’aurait pas Sarko deux fois par jour au téléphone, mais au mieux une fois par mois.

Quand à le voir, ce ne serait jamais qu’une fois tous les trois mois...

Enfantillage de cour...

En face, on moque ces secrétaires généraux de la Ve qui se défient toujours des « visiteurs du soir », et on observe que celui-là est plus méfiant, pus inquiet, plus ombrageux que ses prédécesseurs, comme s’il manquait un peu d’étoffe.

Il est temps que Guéant soit promu ministre si Minc veut recouvrer de l’air.

En attendant, fidèle à sa politique, il achète à la baisse.

Plus Sarko plonge, plus il le défend.

Au rayon des flatteurs il entend demeurer en tête de gondole.

Il connait les ennemis du Président - ils ont souvent les mêmes.

Il dézingue donc ceux que Sarko ne peut taper.

Il rappelle les ratés de carrière d’Edwy Plennel pour déconsidérer le travail de Médiapart, dans l’affaire Bettencourt, il mitraille Ségolène Royal pour rehausser son vainqueur, il vole au secours des invités du Fouquet’s pour minimiser le poids de l’argent dans le quinquennat :

« Etre un ami du Président de la République, quand vous êtes un homme d’affaires, est un inconvénient majeur ».

Il déboulonne Obama, coupable de faire de l’ombre à Sarko :« Je trouve qu’il a un côté Carter noir » (décembre 2009).

Avant de se raviser : « En politique, ça va, ça vient... »

Il y a trois mois Obama était comparé à Carter, aujourd’hui on le compare à « Franklin Roosevelt » (avril 2010).

Le Minc est plastique sauf pour Sarko.

« La bourgeoisie est lâche », clame-t-il , dans « Marianne », à l’adresse de la droite qui critique le Président.

Minc ose même chatouiller les puissants.

Il a écrit une « Lettre ouverte à ses amis de la classe dirigeante » pour moquer leur cécité -« ignorez-vous que 1789 se joue en 1788 ? » -, mais il se garde d’attaquer leur bouclier fiscal.

Il se rêve Voltaire, mais n’est que le Fréron du sarkozysme.

Après une « Histoire de France » très personnelle, il sort en septembre son « Histoire politique des intellectuels ».

Il conclut par un truisme, « la société française ne fabrique plus d’intellectuels à l’ancienne », et par son cas personnel :

« Le sort des touche-à-tout est enviable - Jacques Attali ou moi en savons quelque chose -, mais leur influence est tellement diffractée qu’elle en devient marginale ».

« Marginale », c’est lui qui le dit.

Heureusement qu’il y a Jean-François Kahn pour le décrire encore comme l’inspirateur en chef du « système Sarkozy ».

Mais que celui-là finisse par le trouver sans intérêt et Minc sera définitivement en mal d’influence.

Par Jean-Michel Thénard dans Le Canard enchaîné du 28/07/2010

Transmis par Linsay



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