Eva Joly : c’est verte mais juste.

jeudi 5 août 2010
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Woerth la poursuit, Courroye la méprise, l’Islande la courtise, l’ex-juge de l’affaire Elf pourrait faire une candidate à la présidentielle très verte en politique.

Elle brade pitres, élites et corrompus.

A 66 ans, elle dézingue, elle atomise, elle foudroie.

Florence Woerth porte plainte contre elle pour diffamation : la Joly a osé voir un conflit d’intérêts entre son job de gestionnaire de fortune et le poste de ministre du Budget de son époux.

Le procureur Courroye, pris sous ses coups, en perd ses moyens.

Lui, reproche-t-elle de vouloir garder sous contrôle l’affaire Bettencourt pour plaire à l’Elysée, il se réfugie dans les cintres du Châtelet :

« Je suis allé voir »Le lac des cygnes" interprété par le ballet de Novossibirsk.

Face à tant de beauté et de grâce, le fiel de Mme Joly s’est désintégré pour rejoindre « les particules du néant ».

Du Houellebecq.

Faire sortir de ses gonds le procureur « aux ordres » qui dîne avec les Chirac, copine avec Sarko et se rêve ministre de la Justice d’un second quinquennat, relève du grand art.

Eva Joly appuie là où ça chatouille, c’est sa marque de fabrique, son cachet, son sceau :

« Nous sommes très nombreux à être étonnés de l’évolution de Courroye, on pensait du bien de lui, beaucoup de ses collègues magistrats ne comprennent pas son attitude. Ne pas ouvrir une information après garde à vue de Maistre et des autres, c’est incompréhensible », insiste-t-elle.

Le pauvre procureur n’est pas le premier qu’elle torture.

Dans ses grandes heures de juge d’instruction, elle a assassiné plus d’un homme de cour.

« Aller voir Eva Joly, c’était l’enfer », raconta Loïc Le Floch-Prigent, patron écroué dans l’affaire Elf.

« Ma pire ennemie, c’est Eva Joly », confia Roland Dumas, qu’elle contraint a démissionner du Conseil constitutionnel mais finira relaxé.

« Eva Joly, c’est une abrutie complète, connue comme telle, une malade », ajouta Bernard Tapie, qui s’y connaît.

Maintenant qu’elle est écolo et promise peut-être à candidature présidentielle, les compliments continuent à pleuvoir.

Un certain Placé a cru jouer gagnant, il y a quelques mois, en la traitant de « vieille éthique ».

Il y a gagné une réputation de bourrin.

La dame a le cuir épais.

Sa renommée acquise pendant l’affaire Elf lui a valu de vivre pendant des années avec des menaces de mort, une protection rapprochée et les critiques des avocats de ses mis en examen.

Dans leurs dîners en ville, ils ont moqué son moralisme de Scandinave, ses perquisitions à grand spectacle, son organisation bordélique, ses interrogatoires carnavalesques, ses robes rouges trop provocantes, et pour un peu ils lui collaient sur le dos la mort de son mari .

Elle a tenu.

« Il fallait des qualités de fonceuse exceptionnelles et une capacité d’absorption des coups, pour réussir comme elle l’a fait à enfoncer toutes les lignes », savoure encore le magistrat Jean de Maillard.

Avec sa collègue Vichnievsky, qui avait les codes de la bourgeoisie qu’elle ne possédait pas, même si elle avait épousé un fils de bonne famille, elles se sont complétées.

Et cela a débouché sur des condamnations.

Ce n’est pas si fréquent lorsqu’il s’agit de cette délinquance financière qui paraît si naturelle aux élites françaises.

Un ex-patron des Ciments français n’a-t-il pas expliqué un jour à la juge :

« Madame Joly, ce que vous me reprochez-là -délits d’initié, présentation de faux bilans, camouflage de l’endettement -, il n’y a que les juges pour s’en étonner. C’est ça le monde ».

En 2002, elle s’est mise en disponibilité d’une justice française qui ne la voulait plus, mais n’a pas lâché la lutte contre la corruption.

Au contraire.

Sa Norvège natale lui a confié une mission diplomatique : monter un réseau, le Network, pour aider les juges qui, à travers le monde, voient leurs enquêtes entravées.

Cohn-Bendit est venu la tirer des griffes de Bayrou en 2009 pour qu’elle se présente au Parlement européen, sous l’étiquette écolo.

Cheminement logique pour qui veut nettoyer la planète de ses paradis fiscaux sans-lesquels les multinationales ne pourraient pas piller les pays en voie de développement.

A Strasbourg, elle préside la commission de développement durable.

Le gouvernement islandais l’a réclamée pour tenter de récupérer les 100 milliards de dollars volatilisés lors de l’effondrement financier du pays.

Elle s’est plongée avec délice dans cette banqueroute du siècle et termine sa mission cet automne.

Un milliard d’euros aurait été saisi sur les biens des grands actionnaires des banques.

Bjork est devenue une amie.

La chanteuse a tenu une conférence de presse le 19 juillet avec les hommes de Joly pour que le Parlement rouvre les négociations accordant une exclusivité d’exploitation des ressources naturelles d’Islande à la société Magma Energy Sweden pour soixante- cinq ans.

La société civile ne s’en laisse plus...compter...

Ses potes d’Europe Ecologie la poussent pour qu’elle se lance l’an prochain dans une candidature présidentielle.

Elle aurait le mérite d’élargir le champ de vision des Verts.

De mettre l’accent sur le musèlement des juges par Sarko et la lutte contre la corruption financière, qui mériterait un Grenelle au même titre que l’environnement.

Elle est prête.

« L’idée me paraissait incongrue parce que je suis rentrée très tard en politique. Mais c’est un peu à l’image de toute ma vie. Je n’avais pas des qualités exceptionnelles pour instruire l’affaire Elf, mais j’étais là et j’ai fait ce que je devais faire », dit-elle, mégalo ce qu’il faut.

Elle ne forcera rien, mais si elle est « désirée » par l’ensemble des écolos, elle foncera.

Comme d’habitude.

Sinon, elle se contentera d’achever le polar qu’elle écrit et qu’elle rêve aussi goûteux qu’un « Millénium », bien sûr.

Elle s’imagine aujourd’hui une « responsabilité historique ».

Huit ans après son départ de la magistrature, l’affaire Bettencourt donne du crédit à sa dénonciation des élites.

Et elle a pris goût à la liberté de parole du politique.

La magistrate était tenue au devoir de réserve, la candidate serait tenue de se réserver à son devoir d’impertinence.

Comme disait Angelina Jolie, qui n’est pas sa cousine :

« Plus je vieillis, plus je deviens sérieuse ».

Par Jean-Michal Thénard dans Le Canard enchaîné du 04/08/2010

Transmis par Linsay



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