La Sicile, trou noir à subventions

vendredi 22 octobre 2010
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Selon le bilan d’utilisation des fonds européens récemment publié, la Sicile a dépensé jusqu’au dernier centime les milliards reçus. Cette manne n’a pas servi à récupérer le retard de l’île, mais à alimenter le clientélisme. S’il n’y avait que la Sicile...

Pas capable d’utiliser les subventions européennes, la Sicile ? Pas du tout, réplique, pointilleuse, l’administration régionale aux inspecteurs de l’UE venus de Strasbourg. Et pas des clopinettes ! Car, pour les héritiers spirituels du magnifique et prodigue Frédéric II de Souabe, dont le palais orné d’or et de velours est aujourd’hui le siège du Parlement de l’île, les choses se font en grand ou ne se font pas. Ainsi, des 8,5 milliards d’euros versés par l’Union Européenne entre 2000 et 2007 pour combler les retards de développement, il n’est rien resté, pas même les miettes, tient-on à préciser à la Région.

Dommage que dans le rapport qui clôt l’époque de l’Agenda 2000, la pluie de subventions estampillée Bruxelles qui a arrosé l’île entre 2000 et 2006, l’administration admet que cet argent n’a servi à rien. Les 700 millions dépensés pour améliorer la distribution d’eau ? En 2000, l’eau n’arrivait qu’au compte-gouttes dans 33% des foyers. Aujourd’hui ce sont 38,7% qui manquent d’eau.

Les incitations à faire venir les touristes hors saison ? Elles ont coûté 400 millions d’euros, de quoi se payer une ligne aérienne. Et eux, ces ingrats, au lieu de venir en nombre, ont diminué chaque année : ils représentaient 1,2% du total des visiteurs en 2000, 1,1% en 2007. Quant aux 300 millions investis en maxi et macro projets sur les énergies renouvelables, il est vrai que la moindre butte a aujourd’hui son éolienne, mais la production en Sicile ne dépasse pas 5% des besoins en électricité contre 9,1% en moyenne dans le sud de l’Italie.

300 millions d’euros pour trier 6% des déchets

Et ainsi de suite, avec ces 230 millions d’euros - une montagne ! - dépensés pour améliorer les chemins de fer, et qui ont accouché d’une souris : huit kilomètres de ligne rénovés, et tant pis si les Siciliens doivent prévoir quatre heures et demie pour parcourir les 400 km qui séparent Palerme de Messine, sur une voie unique, sans compter les arrêts imprévus.

De perles en perles, on apprend ainsi que 300 millions d’euros destinés à la gestion intégrée des déchets ont été jetés par les fenêtres alors que des montagnes d’ordures assiègent les villes. Les financements pour construire 260 déchetteries et 64 décharges et centres de tri et de traitement des ordures n’ont pas réussi à faire franchir à la Sicile le seuil de 6% des déchets triés, alors qu’elle s’était fixée un objectif de 35%.

Ecrit noir sur blanc, le paradoxe saute aux yeux. Pourtant, les Siciliens ne devraient pas s’inquiéter, habitués qu’ils sont à ne plus s’étonner de rien, voire à considérer que derrière les nobles intentions, les acronymes ronflants, le mythe de l’Europe il y ait toujours, ou presque, le même film. Aujourd’hui, certes, le roi est nu, mais s’il s’était déjà déshabillé tout au long de ces sept années de subventions, émiettées sur 43 000 projets ; distribuées au rythme des clientèles et des dérogations ; accordées dans les antichambres feutrées des présidents de commission.

Une nouvelle classe de « pêcheurs aux subventions » a surgi.

Elles ont même été utilisées pour payer 29 000 gardes forestiers ou des milliers de recenseurs du patrimoine ; dépensées pour des projets de « marketing territorial » et autres « promotion de l’image ». Inutile de préciser que pas même une pierre de ces grands chantiers - front de mer, autoroutes, ports de plaisance - qui ont transformé le visage de certains pays comme l’Espagne et le Portugal, n’a été posée. Exception faite pour les musées et monuments de l’île, qui ont été rénovés.

Ce colossal gâteau a mis l’eau à la bouche a des centaines de sociétés, entreprises et autres centres crées et développés uniquement pour monter des projets à partir de fonds européens. Ils se démènent entre mesures, directives, et projets divers, manipulant des sigles ésotériques comme FED, FEDER, FEAGA ou IFOP et puisant dans les programmes Equal, Urban, Leader ou Interreg. Une nouvelle classe de cols blancs a ainsi surgi, choyée par des entreprises et des organismes publics pour leur précieux talent : la pêche miraculeuse aux subventions dans le vaste océan de l’Agenda 2000.

Ce gigantesque amortisseur social a vu le jour en 1994 avec le précédent programme européen et il s’active à présent sur la nouvelle manne, les 6,6 milliards du programme 2007-2013, qui a changé de nom (le sigle est maintenant PO, pour Plan opérationnel) mais pas de substance. Et puis, il y a les 4 milliards des FAS, les financements pour le développement que le gouverneur de la Région, Raffaele Lombardo, a promis à la Sicile - sans que le chef du gouvernement Silvio Berlusconi ne lui ait jusqu’à maintenant accordé le moindre euro. Ce sera la dernière pluie d’or, car ensuite l’Europe déplacera le barycentre des aides sur les pays de l’Est, les derniers arrivés dans l’Union.

Par Laura Anello dans La Stampa Turin le 08/10/2010

Transmis par Linsay



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