Boris Boillon : le sliplomate.

mercredi 6 avril 2011
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Moins de vingt-quatre heures pour se mettre l’opinion tunisienne à dos : ce mini-Sarko s’est très vite dévoilé, à tous les sens du terme.

« EMCHI ! », « Dégage ! » en arabe : un même slogan martelé dans la rue à Tunis les visait tous les deux.

Mais, si Mohamed Ghannouchi, Premier ministre hérité du régime Ben Ali, a fini par démissionner le 27 février, le nouvel ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, 41 ans, est lui, toujours en poste.

Mieux, il survit paradoxalement à MAM, virée le même jour du Quai d’Orsay.

Or c’est justement en refusant de répondre à une question sur "[sa] ministre que cet ambassadeur arabisant distingué a pété les plombs, dès le lendemain de son entrée en fonctions, le 17 février, enguirlandant comme on sait les journalistes tunisiens :

« N’essayez pas de me faire tomber sur des trucs débiles. Franchement, vous croyez que j’ai ce niveau-là (...) ?. »

Avant de couper court à une interview en arabe d’un cinglant « Khalass ! », « C’est fini ! ».

Des manières « néocolonialistes », ont enragé les manifestants tunisiens deux jours plus tard devant l’ambassade.

Jusqu’à ce que Boillon s’excuse platement le soir même, au JT de vingt heures, comme un gosse.

Or, le même 17 février, Boillon, interviewé sur France 24 par un journaliste, bien français celui-là, avait répondu sans s’énerver à propos d’Alliot-Marie :

« La France a tardé à condamner la répression tunisienne.Mais le président Sarkozy m’a demandé d’ouvrir une nouvelle page ».

« Une page d’amour, s’entend ».

Désormais, ce n’est plus de l’amour, c’est de la rage !.

A preuve, le bâtiment de l’ambassade est dorénavant « bunkérisé », protégé par des barbelés et gardé par de nombreux flics en uniforme et en civil.

Pour un ambassadeur qui voulait « [s’]ouvrir à la Tunisie », c’est réussi !.

A croire que cet adepte de la diplomatie commando regrette les postes à risque où il a dû vivre dans des enclaves sécurisées : conseiller à Alger juste après la guerre civile, entre 2001 et 2004, puis bombardé plus jeune ambassadeur par Sarkozy en 2009 à Bagdad.

Accueilli en Irak par une tentative d’attentat, Boillon n’y a jamais fait une sortie sans ses gardes du GIGN, et y a même pris la pose, fusil d’assaut en main, dans l’émission spéciale « 66 minutes » de M6 (22/11/09)...

Tout en se montrant fan du bilan US en Irak.

Ce fana mili devrait mieux s’entendre avec Longuet qu’avec Juppé !.

Il semble s’être construit contre ses parents « pieds-rouges », un couple de profs de gauche revenus enseigner dans l’Algérie indépendante.

Boris Boillon a ainsi vécu jusqu’à ses dix ans à Béjaia, en Kabylie.

« Le monde arabe, je suis tombé dedans quand j’étais petit ! ».

Après une prépa HEC sans conviction, il entre en hypokhâgne scientifique, au lycée Henri-IV, à Paris.

Déjà le cheveu bien dégagé derrière les oreilles, en blazer et Dr. Martens :

« Il était proche des cyrards (élèves préparant Saint-Cyr) arborait parfois le calot, jouait du nunchaku, et ça ne le dérangeait pas d’être étiqueté facho », raconte un ancien.

Un autre se souvient qu’il avait traité un élève d’origine vietnamienne de « face de citron », mais « c’était par jeu, pour se donner un rôle ».

Un troisième rapporte qu’à l’internat d’Henri-IV, en pleine guerre du Golfe de 1991, il réveillait ses camarades à chaque fois qu’un Scud irakien atteignait Tel-Aviv, « pour s’en féliciter ».

« Il voulait qu’on prononce Boi-lon, mais on le surnommait »la Bouaille", rigole le même.

Après deux khâgnes, le fringant Boris se réoriente vers Sciences-Po et les langues O, étudiant à fond l’arabe classique, qu’il perfectionne en coopération dans le sultanat d’Oman puis lors de séjours au Caire et à Damas.

Il réussit en 1998 le concours le plus prestigieux du Quai d’Orsay : celui du cadre d’Orient.

Néanmoins, à la rubrique « Etudes » du « Whos’ Who », il fait figurer l’« Ecole normale de Paris ».

Normale Sup’ ?.

Il n’y est pas entré, contrairement à son épouse, rencontrée en khâgne, agrégée de philo et plutôt de gauche, elle, puisqu’elle a été conseillère du Radical François Huwart, sous-ministre au Commerce extérieur sous Jospin.

Au Quai d’Orsay, Boillon laisse le souvenir d’un « très bon diplo » à un ministre actuel, qui espère que ses « maladresses » présentes lui mettront « du plomb dans la tête ».

C’est en Agérie en 2004 que Sarko, en visite, le repère.

A son retour de Jérusalem, où il a été consul adjoint, il le fait venir à son cabinet en 2006, comme petite main puis remplaçant de David Martinon, autre Sarko boy diplomate carbonisé depuis.

Boillon suit Sarko à l’Elysée en tant que conseiller Afrique du Nord et Moyen-Orient : corresponsable, à ce titre, de l’aveuglement élyséen sur l’évolution des pays arabes ?.

Dans l’ombre de Cécilia, il participe à la rocambolesque libération des infirmières bulgares par Kadhafi, en juillet 2007, et se gargarise d’avoir été « l’une des trois seules personnes du gouvernement totalement dans la boucle », d’après un télégramme diplomatique US ironique révélé par Wiki-Leaks.

C’est aussi lui qui gère les caprices invraisemblables de Kadhafi lors de sa visite d’Etat à Paris trois mois plus tard : le dictateur, envers lequel il se montre indulgent, lui donne du « mon fils »...

De son côté, Sarko appelle Boillon « mon petit Arabe » - « affectueusement », s’enorgueillit ce Sarko miniature.

Rien ne manque au portrait : mêmes nervosité, rhétorique agressive, goût de la confrontation, manque de self-control.

Mais aussi costard ajusté, lunettes de soleil (y compris pour signer des parapheurs !" et Rolex au poignet.

Frimeur comme son mentor, l’intéressé se vante de la ressemblance :

« Quand on a vécu quatre ans de sa vie complètement rythmés par un homme comme ça, on est forcément influencé par son style, sa manière d’agir et de penser ».

Un ex-camarade de khâgne nuance :

« En fait, il était déjà exactement pareil il y a vingt ans, martelant ses propos de son poing sur la table ».

Ce serait plutôt une affinité élective qui fait qu’ils se sont reconnus l’un dans l’autre...

Mais, depuis qu’a circulé sur Internet sa photo en slip, il ne faut plus l’appeler « Son Excellence », mais « Son Eminence » !.

Par David Fontaine dans Le Canard Enchaîné du 02/03/2011

Transmis par Linsay



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