Entretien avec deux Fralib

mardi 14 juin 2011
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A la veille d’un nouveau rendez-vous judiciaire dans le combat qui oppose les salarié-e-s de Fralib à Unilever, Rouge Midi a rencontré Olivier et Gérard, les deux animateurs les plus connus de la lutte pour l’emploi et le maintien du site à Gémenos.

RM : Vous repassez au tribunal : pourquoi ? Sur la question juridique où en est-on ?

Olivier : La première fois UNILEVER s’est fait envoyer dans les cordes par le tribunal parce qu’il n’avait pas donné tous les éléments économiques nécessaire à la bonne information du Comité d’Entreprise, afin que celui-ci puisse donner un avis éclairer sur le projet qui lui était soumis. On peut dire que cette fois-ci c’est pareil. UNILEVER dit qu’il doit partir, que l’usine de Gémenos n’est pas rentable mais il ne le prouve pas ni ne donne les éléments qui pourraient le prouver, comme le juge lui a ordonné le 4 février 2011 et pour cause ! Donc on l’assigne à nouveau.
A l’audience les débats vont à nouveau porter sur cet aspect du manque de transparence qui masque une décision qui n’est pas inéluctable économiquement mais est guidée par la seule volonté de faire encore plus de profit.

Gérard : le juge tranchera. Soit il estime comme nous que le groupe ne donne pas tous les éléments nécessaire à la bonne information du Comité d’Entreprise, qu’il ne respecte toujours pas les dispositions du code du travail, continue à être déloyal et donc ne justifie pas la nécessité économique de fermer l’usine et alors UNILEVER devra une nouvelle fois repartir à zéro, l’usine ne pourra pas fermer, soit il estime qu’UNILEVER a rempli ses obligations légales et alors la procédure sera validée.

Olivier : on ne sait pas comment ça va se terminer devant les tribunaux, mais quelle que soit la décision et l’attitude d’UNILEVER on est prêts. Le groupe devra assumer ses responsabilités et nous sommes décidés à l’obliger à le faire.

RM : Et si UNILEVER s’en va ?

Olivier Leberquier

OL : S’ils veulent partir, il va falloir qu’ils payent. Soit ils achètent les bâtiments et ils nous les rétrocèdent, soit ils financent le loyer pendant x années. On veut qu’ils nous cèdent le parc technologique pour l’euro symbolique ainsi que la marque Eléphant
Tout cela représente un capital. Ce capital, contrairement à ce qui se passe ailleurs dans ce type d’opérations avec un repreneur, on veut qu’il soit donné au collectif de salariés et que ca lui appartienne. On dit que le capital à l’instant T doit représenter 182 parts avec 1/182° par salarié

GC : c’est la conception de fond de notre projet alternatif : le capital serait constitué d’une somme de 182 parts, non transportables. Ce n’est pas un salarié qui a sa part et peut la revendre, les parts appartiennent au collectif et chaque salarié en bénéficie tant qu’il travaille. Le jour où il s’en va c’est celui ou celle qui le remplace sur le poste qui récupère la part.

RM : Des parts non transférables c’est tout le contraire que d’être actionnaire…

GC : Cela permet de maintenir l’emploi et le droit d’intervenir dans la gestion.

O L : Ce montage peut se faire avec un repreneur ou un investisseur, ou sans eux mais ce qui est sûr c’est que le capital appartient aux salaries

RM : Cela renvoie à d’autres questions et en particulier l’expérience française des nationalisations [1]. Appropriation sociale et autres critères de gestion sont indissociables sinon on entend des réflexions du genre « quand ma boite a été nationalisée on a simplement changé de couleur de casquette ». Mais comment vous comptez imposer cela ?

OL : Unilever dit il n’est pas question que vous achetiez les murs, qu’on vous donne de la sous traitance. Pourtant dans les alternatives qu’ils étudient, il est évoqué de la sous traitance en particulier pour diversifier les provenances.
En ce qui nous concerne on a pensé à des filières courtes avec les producteurs locaux d’infusion, ils ne pourront pas dire qu’ils ne sont pas intéressés. On a des idées très précises au niveau de l’organisation de la production et nous voulons démontrer la faisabilité de nos propositions.

RM : D’où l’enjeu de l’expertise…

Gérard Cazorla

GC : Effectivement la Région à accepté de financer cette étude et c’est évidemment une première étape incontournable. Il faut bien comprendre qu’à un moment donné l’action syndicale ne suffira pas. Il faut que les politiques aillent plus loin que la solidarité mais posent des actes qui nous permettent de reprendre la production. Avec ou sans repreneur, l’usine est à nous et on veut gérer son avenir. Il faut que les politiques nous suivent sur ce point et qu’ils fassent eux aussi des propositions qui vont dans ce sens.

OL : concernant les politiques on veut aussi qu’ils s’engagent à abroger cette loi qui permet d’exporter les bénéfices et à changer la fiscalité.

RM : Quel est l’état d’esprit des salarié-e-s ?

O L : c’est de plus en plus tendu, les salariés, plus tu avances dans le temps plus ça devient dur. Ils s’interrogent et nous interrogent. Ça discute beaucoup mais ils tiennent. Il y en a bien qui évoquent la question de la prime à la valise (comme toujours dans ce type de conflit), mais la majorité est sur la lutte pour l’emploi. Il pourrait y avoir de l’affolement parce qu’on va repartir en justice, on a fait le tour pour leur expliquer et ça tient.

G C : il faut qu’on accélère au niveau du projet alternatif, ils l’ont dans la tête et ils y croient, il va falloir qu’on avance plus vite. Ce n’est pas vraiment l’impatience, en fait ils attendent qu’on leur dise comment on avance, mais ils croient au projet.

OL : On a vu le 1° jet du film de Claude [2], on le ressent. A un moment donné un copain qui a déjà quitté Le Havre pour garder son emploi dit « qu’ils se tirent, nous on sait faire, » tu sens le mec qui est partant même s’il ne sait pas comment.

GC : On peut faire tourner l’usine, mais pour l’instant on n’a plus la maitrise de l’achat des matières premières et on n’a pas la maitrise de la vente. Il manque le début et la fin de la chaine.

Il y a aussi les salariés de la sous traitance qui jouent leur emploi. On en estime le nombre à une cinquantaine, ils nous soutiennent mais ils ne peuvent rien dire.

RM : Une organisation politique comme ROUGE VIF 13, qui est petite, sans élus ni beaucoup de moyens peut elle aider ?

O L : Oui bien sûr en faisant ce que vous faites depuis le début… Le soutien a chaque fois qu’on fait des choses, la médiatisation, les articles dans Rouge Midi, l’aide à la réflexion quand on débat, les échanges qu’on a eu, les tracts que vous avez faits au plan local…
Pour que notre conflit gagne il ne suffit pas de le médiatiser il faut avoir l’appui de la population locale. Les éléments qu’on a au niveau du boycott, on sait que là où c’est le + suivi, c’est Auchan Aubagne, parce que on est à côté de l’usine, les gens sont informés et sensibilisés.

G C : Si on met en parallèle ce que ça va couter à la nation et à la collectivité de fermer l’usine et d’envoyer plus de 200 personnes au chômage…

La masse salariale annuelle est de 10 millions d’euros. Quand on sait que la durée moyenne du chômage en France pour un salarié licencié est de 13 mois [3] cela veut dire que rien qu’en allocations chômage la fermeture coûterait plus de 6 millions d’euros !! Et bien sûr cela c’est hors plan de licenciements (ce qu’ils appellent les mesures sociales).

OL : Il faut compter qu’en plus la tranche d’âge de FRALIB est élevée, les femmes ne sont pas jeunes, elles ne sont pas encore à la retraite, elles ne vont pas retrouver du boulot
Pour certaines elles sont déjà venues du Havre... Pour elles c’est terminé. Et dans ce calcul on ne compte pas les conséquences sur les emplois de la région, les traumatismes, la perte pour la sécurité sociale…

GC : Nous on a une solution, ça ne coute pas et ça permet de développer l’emploi.

O L : Tu sais depuis le mois de septembre on tourne sans eux on peut tout à fait continuer…

Rendez-vous le mercredi 15 juin au tribunal !


[2un camarade qui fait un film sur la lutte

[3statistiques OCDE 2009



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