One, twoo, three viva L’Algérie ! un, deux trois Vive la République Française

jeudi 21 janvier 2010
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Le drapeau algérien en accusation et la visibilité d’une grande partie de marseillais identifiés comme des musulmans. Marseille, ville cosmopolite qui ne « digère » pas l’immigration maghrébine dans son passé comme dans son présent.

Monsieur le Maire de tous les marseillais,

Votre déclaration du vendredi 15 janvier à la préfecture de Marseille où vous avez reçu Eric Besson pour une étape de son tour de France sur l’identité nationale . Vous continuez malgré les mobilisations qui s’organisent contre ce débat et le boycottent. Vous avez dit qu’il y a eu « un déferlement et un débordement ce soir là, par les musulmans… ». Si j’en crois vos propos, c’est l’absence de drapeaux français qui vous navrait. Il y avait tous les drapeaux (Français, tunisiens, turcs, palestiniens, marocains, kurdes…), Certes les drapeaux algériens ont été plus nombreux ce soir là pour la simple raison qu’ils célèbrent la victoire d’une équipe nationale algérienne de football.

Voulez-vous qu’on célèbre cette victoire seulement avec des drapeaux Français ? Je vous rappelle que l’Algérie a payé un lourd tribut, par 1 million et demi de morts, pour son indépendance. Chaque famille algérienne immigrée a perdu des membres durant cette guerre, comme le dit Benjamin Stora, « une guerre qui ne portait pas son nom ». Vous évoquez les musulmans comme un déferlement, un débordement sur la Canebière et le vieux port ? Nous ne sommes pas tous des musulmans pratiquants et vous le savez bien. Vous nous qualifiez de la sorte pour montrer aux marseillais et aux citoyens que nous ne devenions plus que des musulmans ce soir là. Vous utilisez l’islam pour faire peur aux marseillais et vous continuez à diviser alors que vous prônez l’unité dans le discours.

L’identité nationale est un objet de discussion pour continuer à diviser les citoyens entre eux, nous ne sommes pas dupes. Et vous en êtes la preuve vivante. Nous sommes non « souchiens »c’est-à-dire que nous ne sommes pas français de souche. Nous sommes issus de l’immigration de pays colonisés et les drapeaux sont l’un des symboles pour rappeler notre histoire et non pas une appartenance comme vous voulez le faire croire. Etre français c’est surtout connaître son histoire, c’est par cette démarche éprouvante que nous construisons notre identité individuelle et collective. Vous devriez lire le livre, l’un et le multiple ,ou ce passage à lui seul exprime mon sentiment sur la diversité que vous refusez de voir ; « Etrange sentiment d’appartenance à un monde varié mais dans lequel on me Refuse la diversité. Nous sommes des clichés, enfermés dans une trop étroite identité. Mais je ne peux m’enfermer dans celui qu’on me désigne, aucune définition réductrice ne m’agrippe…je ne peux m’empêcher d’être l’Un…et le Multiple »

Le programme scolaire de notre chère école de la république a occulté l’enseignement de l’histoire de la France et de ses colonies et de l’immigration de mains d’œuvre dont elle est issue. Alors ce qui n’a pas été fait hier revient en force aujourd’hui. Cette manifestation festive qui ne devrait pas vous faire peur ou du moins que vous ne devriez pas l’utiliser comme un danger potentiel pour l’identité nationale. Ne vous trompez pas de sujet monsieur le professeur d’histoire. Notre ville de Marseille était le point de départ pour être français dans les faits et pas uniquement dans les textes en 1983 à partir de la Marche contre le racisme et pour l’égalité des droits. Nous sommes toujours dans cette démarche après 35 ans de lutte pour être reconnu comme français à part entière.

Le rassemblement des marseillais en novembre, ne doit pas donner lieu à une récupération politique de quelque bord que ce soit et surtout pas dans le faux débat sur l’identité nationale. C’était un moment de joie et de bonheur. Ces drapeaux représentent autant un symbole des nations qui sont les origines de nos parents. Les gens exprimaient leur joie et une reconnaissance certes éphémère mais une reconnaissance.

Vous mélangez les problèmes de sécurité liés au sport et les questions de l’identité nationale que vous utilisez sciemment pour démontrer que nous ne sommes pas « intégrés ». J’ai défilé sur une moto avec le drapeau algérien sur mon dos, afin de mieux circuler et de saisir les moments de bonheur ce soir là. J’ai goûté à cette joie de voir autant de personnes françaises ou non, sans papiers ou en cours de régularisation, une joie sur les visages, un plaisir partagé avec des chants, des danses sur les rythmes de la derbouka, avec des « slogans » qui ne sont pas tout à fait français « One, twoo, three ! VIVAAA ! l’Algérie J’ai vu des « CHIBANIS », des personnes âgées fières et je les ai embrassés des yeux

Cette photo montre à elle seule le plaisir. C’est comme une « libération »face à la misère quotidienne que nous subissons chaque jour. Le drapeau ne symbolise pas seulement la nation mais aussi la dignité ; La reconnaissance de ce que nous sommes, des françaises et français fiers de voir le pays de nos parents gagner. Oui c’est par ce symbole que nous pouvons exprimer notre combat contre la soumission, les préjugés, le racisme à l’emploi, au logement, au contrôle aux faciès etc. Vous devriez être heureux de voir dans notre ville des marseillais s’organiser sans aucun problème de sécurité alors que nous étions plus de 20 000 personnes dans ce type de rassemblement. .

Cette mise au point me semble importante et vous ne devez pas vous égarer dans ce débat, ce n’est pas un simple dérapage de propos ou une absence de vocabulaire ou un lapsus que l’on veut bien nous faire croire ! Ne vous perdez pas, s’il vous plait nous avons une bonne mémoire de la guerre d’Algérie à aujourd’hui. Tout revient, sans haine, mais tout nous revient en mémoire.. .

Vous instrumentalisez le football et vous nous montrez du doigt comme des citoyens « non intégrables » et non « solubles » » dans une ville qui a « ingéré » toutes les origines confondues. Nous ne voulons pas être « mangés » Le besoin de reconnaissance est tellement fort que nous attendons des réponses politiques et sociales avant d’accepter d’être « intégrés » par la force Nous sommes plus que visible avec nos drapeaux, nos foulards, nos djellabas, nos voiles, nos chiffres de chômage dans nos quartiers et les territoires de la politique de la ville qui rament seul pour amener un semblant de paix sociale.

Posez-vous la question pourquoi tous cette « insoumission » ? Avant de vous arrêter seulement sur le refus « d’intégration »comme si c’était une simple affaire de volonté personnelle ? Vous avez inlassablement répété que vous auriez préféré voir un drapeau français, il y en avait. Ils étaient été portés par des enfants dans certains quartiers. Ils avaient compris que ce sont des « arabes » de France qui ont gagné le match pour la France. Et puis quel mal y a t-il a porter le drapeau algérien à ce moment là. !? Le drapeau français a flotté durant 132 ans en Algérie, le drapeau algérien a bien le droit de circuler quelques heures à Marseille pour un événement sportif.

Madame Chenana Formatrice et intervenante à l’université. Etudiante en science politique et chercheuse en science sociale

Marseille le19 Janvier 2010



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