Quel spectacle !

dimanche 13 mai 2012
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Quel magnifique moment de télévision que cette présidentielle !.
Le débat Hollande-Sarkozy et les soirées électorales ont généré des audiences formidables, mieux que la redif des « Visiteurs », le dimanche soir.
Ça paie , la qualité !.

A la base de tout, le suspense a été soigné.

Tout pareil que dans la téléréalité quand le nom du vainqueur se fait attendre.

La foule est hilare à Tulle, une scène se monte à la Bastille, la Concorde est vide, et tout le monde pleure à la Mutualité, mais personne n’est au courant de rien et le téléspectateur est prié de marcher.

Pauvres journalistes, dont le métier est de tout savoir et qui là doivent s’enorgueillir de ne rien savoir !

En attendant que le nouveau président se montre, les personnages secondaires sont réquisitionnés pour meubler.

Thomas, le fils du vainqueur, est suivi par une caméra.

Son père l’appelle, une demi-heure avant la victoire.

Sur son iPhone s’affiche « Papa ».

Chez les Sarko, le fils souhaitait « bonne chance » à son papa avant l’élection, chez les Hollande, il le félicite après :

« Bravo, félicitations ! ».

Le camp du vaincu a aussi ses seconds rôles.

Le conseiller du Président, Henri Guaino, est dans sa voiture avec chauffeur, en majesté, droit comme un i , avec à son côté une journaliste de France 2.

Une nouveauté.

Il est beau joueur, mais il a du mal à accepter la défaite.

Ça s’est joué à si peu de voix, dit-il.

1 131 067 suffrages, ce n’est pourtant pas rien, mais Guaino a du mal avec les chiffres et avec la défaite.

Un peu plus tard, il est interrompu par la guest star Bedos, qui est place de la Bastille.

« Bedos, il attendra », dit le conseiller, qui se croit encore important, mais Bedos n’attend pas.

Les guest stars, pièces essentielles de la téléréalité, prennent toujours le pas sur les personnages secondaires.

Et puis il y a la porte du bureau de Hollande à Tulle, devenu, le temps d’une soirée électorale, un lieu de pélerinage.

L’envoyé spécial de France 2 est devant elle comme l’explorateur devant la pyramide de Chéops.

Le suspense est à son comble.

Elle va s’ouvrir dans deux minutes, non, dans cinq.

Plan large.

Le journaliste de France 2 n’est pas seul, toute la presse attend derrière la porte.

Attend quoi ?.

Quand la porte s’ouvre, on découvre un Hollande avec sa Valérie qui prend la pose.

Pas de questions, pas de réponses.

Il parlera plus tard.

Passionnant.

Mais, le comble, c’est la course-poursuite, comme dans toutes les bonnes séries.

N’écoutant que leur courage et au mépris du danger, les journalistes de toutes les chaînes montent sur des motos pour suivre vaincus et vainqueur.

Une course-poursuite pour obtenir quoi ?.

Pour filmer des vitres fumées.

France 2 a lancé la mode en 1995 avec Chirac, maintenant ils s’y sont tous mis.

Résultat, c’est la caravane du Tour de France moins les cyclistes.

Il y a même des chutes, comme à Paris-Roubaix.

Grandiose.

Ah, qu’elle a été belle, cette campagne où la mise en scène télévisée a définitivement pris le pas sur la réalité !

Où les journalistes audiovisuels ont commenté des images de meetings filmées par les caméras complaisantes des candidats.

Où, pendant le débat de l’entre-deux-tours, les deux plantons en faction ce soir-là se sont contentés de jouer les chronométreurs.

Où, le soir des résultats, le moindre prolégomène de débat politique a été interrompu par une porte qui claque ou une voiture qui démarre.

Encore un effort et la politique-spectacle n’aura bientôt plus rien de politique

J.M.TH. dans Le Canard enchaîné du 09/05/2012

Transmis par Linsay



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