Des Palestiniens face à la barbarie d’Etat

mardi 29 mai 2012
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Personne ne peut prétendre que The Independent est « pro palestinien » (expression dont nous avons déjà dit à Rouge Midi ce que nous en pensions), ni de « gauche » et encore moins antisémite.

Les arguments développés ici devraient faire réfléchir celles et ceux en France, de la droite au PS, qui sont des défenseurs acharnés d’Israël, quitte à nier que les actes fascisants et racistes de cet état.

La grève de la faim des plus de 2000 palestiniens a cessé mais l’oppression demeure...

Thaer Halaleh, 34 ans, a écrit une lettre à sa femme Shireen depuis une prison israélienne en février : « Ma détention a été renouvelée sept fois et je n’ai toujours pas été mis en accusation. Je n’en peux plus. » Puis il a commencé une grève de la faim, comme Bilal Diab. C’était il y a 77 jours. Tous deux sont Palestiniens et pères de famille. Leurs filles sont fouillées au corps et terrifiées quand elles viennent leur rendre visite. David Rose, un journaliste d’investigation exceptionnel qui est lui-même juif, a récemment rendu leur histoire publique. Huit autres détenus ont adopté ce mode de protestation silencieux et dévastateur pour eux. Les yeux de Halaleh saignaient, du sang au lieu de larmes. Comme Diab et les autres, il sera peut-être mort au moment où vous lirez ces lignes [ ils ont cessé leur grève de la faim le 14 mai, après qu’Israël a accepté leurs revendications].

Le 11 mai, les juges de la Cour suprême de cette démocratie à l’orgueil démesuré ont rejeté une requête introduite par des associations de défense des droits de l’Homme demandant leur transfert dans des hôpitaux civils. Peut-être ne voulaient-ils pas que leurs propres citoyens soient témoins de ce genre de chose. Quel effet cela aurait-il sur l’image de ce courageux petit pays entouré de menaces réelles et imaginaires ?

Les fervents sionistes britanniques ne condamneront pas les responsables de cette barbarie d’Etat. Ce n’est pas avec ces hommes qu’on fera une série télé à succès, à l’instar de la série dramatique israélienne, Hatufim (« Prisonniers de guerre »), qui a inspiré la série américaine Homeland. Hatufim est basée sur l’histoire de la détention [du 25 juin 2006 au 18 octobre 2011] par des militants palestiniens du soldat israélien Gilad Shalit. Allez, les producteurs télé, pourquoi ne pas faire un film sur un beau Palestinien détenu par les Israéliens jusqu’à ce qu’il devienne fou ? C’est un « non » collectif que j’entends ?

Les faiseurs d’opinion occidentaux sont indifférents, pour certains en toute connaissance de cause, à ce qui se passe. On n’entend pas de condamnations au Parlement [britannique]. La liberté d’expression est paraît-il essentielle mais ce droit n’est jamais évoqué quand il s’agit d’Israël. Le BNP et l’EDL [deux formations d’extrême-droite] peuvent répandre librement leur poison raciste mais la baronne Jenny Tonge se fait tirer dessus à boulets rouges par les sionistes et par son propre parti quand elle déclare qu’Israël « n’existera pas toujours dans sa forme actuelle. » Elle vient de quitter les libéraux démocrates. Si elle avait tenu les mêmes propos concernant par exemple le Zimbabwe, elle aurait été acclamée.

Un grand nombre de juifs britanniques éclairés sont conscients de ce double standard et désapprouvent l’intransigeance d’Israël. Il doit être bien difficile de faire ce qu’ils font, de se comporter avec intégrité et de compatir avec ceux qu’on leur dit de haïr.

Les Palestiniens détenus sont embarqués dans une protestation pacifique à la Gandhi. Ils veulent que leurs familles puissent venir les voir sans restriction, des soins médicaux décents, ne pas être mis à l’isolement pendant des années et être traduits devant un tribunal et jugés. En quoi est-ce du « terrorisme » ? Pour les grévistes de la faim de l’IRA [armée républicaine irlandaise] en 1981 - et dix d’entre eux en sont morts - même les journaux les plus opposés à leurs idées ont publié des photos et nous ont informé sur leur situation, et la télévision a couvert leur parcours jusqu’à la fin.

Pour ces détenus qui meurent lentement et les 5 000 autres qui sont détenus sans procès, il n’y a rien, nada. Je ne savais pas avant cette semaine que 700 000 Palestiniens avaient été emprisonnés depuis 1967. Ils n’étaient pas tous innocents mais ils n’étaient pas tous coupables non plus. Etre Palestinien, vouloir l’égalité, des droits, la liberté et une terre n’est pas un crime. Sauf pour les Israéliens purs et durs.

Israël est protégé des reproches car on craint que toute critique de ses agissements soit taxée d’antisémite. Certains antisémites se servent effectivement d’Israël comme couverture mais Israël utilise ce fait pour hurler à l’antisémitisme même en cas de critique légitime. Son gouvernement fait ce qu’il veut et revendique perpétuellement l’exception. Ses agissements les plus noirs échappent ainsi à tout examen. Cette fois-ci cependant, certaines personnes importantes commencent à comprendre que ces « martyrs » risquent de déclencher une autre intifada.

Tony Blair, par exemple, le malheureux sauveur du Moyen-Orient, presse les « responsables israéliens de prendre toutes les mesures pour empêcher une issue tragique qui pourrait avoir des implications graves pour la stabilité et la sécurité. » Bon sang, il a même prononcé les mots « droits de l’Homme. » Les Nations Unies et d’autres organismes sont intervenus. Ils se feront tous envoyer promener. D’ailleurs, Nétanyahou et les autres peuvent nous rappeler - et à très juste titre - Guantanamo et nos propres prisonniers détenus sans procès. Ils sont tous dans le même bateau.

Blair a raison d’avoir peur. Chaque fois qu’un gréviste de la faim mourra, de jeunes musulmans furieux se radicaliseront et deviendront meurtriers. Certains grandissent en Occident en étant nourris de discours sur la liberté, la démocratie, l’équité et la justice, puis voient ensuite les Palestiniens se faire trahir. Cette dissonance entre les principes et la réalité les rend peut-être encore plus furieux que les Palestiniens eux-mêmes, qui n’attendent pas grand chose et n’ont que peu d’illusions. Je ne cherche pas à excuser les terroristes, c’est simplement un fait.

Je souhaite vraiment qu’Israël survive et prospère mais il est devenu son pire ennemi. Tom Hurdall, 21 ans, un militant britannique, protégeait un enfant palestinien des balles israéliennes quand il a été tué à Gaza en 2003. Ses carnets personnels viennent d’être publiés. Lisez-les et pleurez ce jeune homme idéaliste et la disparition de tout idéalisme en Israël.

Par Yasmin Alibhai-Brown source The Independent le 14/05/2012

Transmis par Linsay



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