800 000 illégaux bientôt légalisés aux Etats-Unis, mais à quel prix ?

mardi 26 juin 2012
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Surnommé « Deporter President » par les défenseurs de l’immigration, Obama a annoncé que 800 000 jeunes illégaux vont pouvoir être régularisés. Mais à quel prix ?

La manoeuvre, qui vise à rattraper un électorat hispanique qui a payé le prix fort pour la politique la plus dure de l’Histoire des Etats-Unis, risque d’engendrer un nombre incalculable de nouveaux drames humains.

La mesure était prête depuis plusieurs semaines mais elle ne devait servir qu’en cas d’extrême nécessité. C’est dire si les conseillers de Barack Obama ont pris la mesure des effets, dévastateurs dans l’opinion, de l’avalanche de révélations peu reluisantes et de mauvaises nouvelles pour le président, lancé dans sa campagne électorale pour être réélu en novembre 2012.

Comme le note ce matin le Washington Post, « il n’ya pas grand chose que le président américain Barack Obama peut faire pour stimuler l’économie au cours des cinq prochains mois, et celà seul pourrait lui coûter l’élection de novembre. Mais sur un éventail de questions sociales, Obama contourne avec agressivité le Congrès en utilisant ses pouvoirs exécutifs pour rendre plus facile l’accession au mariage pour les gays, pour que les femmes puissent bénéficier de la contraception et de l’avortement, et, maintenant, pour que les jeunes immigrants illégaux puissent éviter la déportation. » Le quotidien souligne que « c’est un pari politique qui pourrait attirer jusqu’aux conservateurs, dont beaucoup restent froids vis à vis du candidat républicain Mitt Romney. Les Démocrates pensent qu’il est plus susceptible de susciter l’enthousiasme parmi les groupes qui étaient cruciaux pour Obama en 2008 pour la victoire - les jeunes électeurs, les femmes et les Hispaniques. »

Depuis plusieurs jours, les envoyés du parti Démocrate faisaient le siège de la Maison Blanche pour obtenir un mouvement significatif du candidat. Le motif de leur inquiétude : au moment où l’électorat noir américain montre des signes de faiblesses dans son soutien jusque-là plutôt solide, un affaissement de l’électorat hispanique serait catastrophique.

Or, des millions d’illégaux, en particulier d’origine mexicaine, ont vécu depuis l’arrivée du président, il y a quatre ans, dans la peur de la plus grande vague de déportation jamais connue aux Etats-Unis et des raids terrifiants des brigades ICE, ces agents fédéraux qui à travers tout le pays les traquent et les arrêtent sans aucun ménagement, de tous âges, malmenant leurs droits élémentaires la plupart du temps. Une situation qui pourrait pousser les électeurs hispaniques, en particulier en Floride, dans le Nevada et dans le Colorado, à basculer contre la candidature Obama.

Le "président déportateur" comme le surnomment les organisations de droits de l’homme en lutte pour la réforme du système d’immigration, n’avait donc plus guère de marge de manœuvre et ne pouvait se contenter de promettre cette réforme pour son second mandat comme il l’avait fait jusque-là, n’en ayant tenu véritablement aucune durant le premier.

C’est donc par la voix de la toute puissante Janet Napolitano, l’un des plus durs éléments de son gouvernement et Secrétaire d’ Etat à la Sécurité Intérieure, que l’annonce a été faite ce vendredi à la mi-journée, avec des trémolos dans la voix. Soudain, la Torquemada d’Obama découvre l’injustive vécue par les enfants d’illégaux.

Selon le plan annoncé, le DREAM Act, la loi par laquelle une partie des immigrants illégaux présents sur le territoire américain pourraient accéder sous certaines conditions à la régularisation de leur situation et à l’obtention d’un permis de travail, une loi proposée en 2001 et qui, depuis, fait du sur-place, connaîtrait enfin une avancée relativement significative puisqu’elle pourrait concerner 800 000 personnes.

L’annonce a été accueillie avec une émotion palpable aux quatre coins du pays, mais aussi avec une extrême prudence. En effet, il faudra encore un certain temps avant que les personnes concernées puissent sortir du bois pour ne plus vivre, selon l’expression usuelle "sous le radar". Actuellement, 290 000 déportations sont en attente d’exécution après les vagues spectaculaires d’arrestation par les ICE, et personne ne sait si celles-ci feront ou non l’objet d’une amnistie. Les pratiques de ces brigades sont à tel point violentes qu’aucun immigrant ne prendra le risque de se signaler tant qu’une amnistie pour toutes les personnes concernées, en attente de déportation ou pas, ne sera pas clairement annoncée.

Tout cela dépendra bien sûr du calcul d’Obama : passer en force et prendre le risque d’ouvrir prématurément pour lui la grande bataille de l’immigration sur laquelle les Républicains le guettent, ou jouer le temps et transformer cette annonce en promesse afin de convaincre les électeurs hispaniques de porter massivement leurs voix sur lui et sur le parti Démocrate afin d’emporter à leur tour la mise.

Le problème, c’est que chat échaudé craint l’eau froide. Le pire président des Etats-Unis en matière de droits des immigrés et, au-delà, celui qui a abattu en plein vol le concept même de nation d’immigrants, peut-il soudain être celui qui engagera une vraie réforme d’un système totalement compromis et qui a engendré d’innombrables méfaits de la part d’une administration arbitraire et sans logique ?

Le Dream Act

Le Dream Act (acronyme pour le Développement, l’Aide et l’Education pour les mineurs étrangers) est une proposition de loi américaine introduite au Sénat le 1er Août 2001 par les sénateurs Dick Durbin et Orrin Hatch.

Ce projet de loi prévoit la résidence permanente conditionnelle pour certaines personnes sans-papiers dites « de bonne moralité » qui obtiennent leur diplôme dans les écoles secondaires américaines, sont arrivés aux États-Unis en tant que mineurs, et ont vécu dans le pays sans interruption pendant au moins cinq ans avant la promulgation du projet de loi.

Si ces personnes ont servi deux ans dans l’armée ou quatre ans dans un établissement d’enseignement supérieur, ils obtiennent la résidence temporaire pour une période de six ans. Durant cette période, ils peuvent se qualifier pour la résidence permanente s’ils ont « acquis un diplôme d’une institution d’enseignement supérieur aux États-Unis ou [ont] complété au moins 2 ans, en règle, dans un programme pour l’obtention d’un baccalauréat ou d’un diplôme supérieur des Etats-Unis " ou ont " servi dans les forces armées pendant au moins 2 ans et, s’ils [ont] reçu une décharge honorable ".

« Tout étranger dont le statut de résident permanent est résilié ... doit revenir à son statut d’immigration avant de recevoir un statut conditionnel de résident permanent statut en vertu de la présente loi. "

Ce projet de loi inclut les immigrants sans-papiers jusqu’à 35 ans.

Ses partisans soutiennent que la loi ne créera pas un "programme d’amnistie" et entraînera une variété d’avantages sociaux et économiques, tandis que les critiques affirment que ce serait récompenser l’immigration illégale et encourager davantage l’immigration clandestine, la fraude, et permettra aux membres des gangs à éviter la déportation.

QUELQUES FAITS SUR L’IMMIGRATION AMERICAINE

L’administration Obama a annoncé vendredi qu’elle cesse de déporter des immigrants illégaux de moins de 30 ans répondant à certaines exigences.

Voici quelques faits au sujet de l’immigration aux États-Unis :

- Le nombre d’immigrants illégaux aux États-Unis a été estimé à 11,5 millions en 2011, selon le Pew Hispanic Center.

- La population d’immigrants illégaux a augmenté de 27% entre 2000 et 2009, selon le Department of Homeland Security.

- 63% de la population immigrée clandestine (environ 6,8 millions de personnes) est entrée aux États-Unis avant 2000. (DHS)

- 58% de la population immigrée clandestine est en provenance du Mexique. (Pew)

- 24% des immigrants illégaux résident en Californie, 16% résident au Texas. (DHS)

Et voici les développements récents en matière d’immigration aux États-Unis :

- 2008 : Le Department of Homeland Security appréhendé 792.000 ressortissants étrangers. 88% des personnes arrêtées étaient originaires du Mexique. Les douanes ont appréhendé 379 000 personnes. (DHS)

- 2008 : Le Department of Homeland Security a déporté 359 000 immigrés clandestins. Parmi eux, 69% ont été rapatriés au Mexique, 8% ont été rapatriés au Honduras, 7,7% ont été rapatriés au Guatemala. (DHS)

- 2008 : Plus de 810 000 immigrés clandestins ont accepté l’offre de retourner dans leurs pays d’origine sans être expulsés de force. (DHS)

- 2008 : Le Department of Homeland Security a déporté 97 100 criminels qui étaient aussi des immigrants illégaux. Parmi eux, 36% avaient été reconnus coupables de crimes liés aux drogues. (DHS)

- 2009 : Le nombre d’enfants nés d’au moins un parent immigré non autorisé était de 350 000. Ces ménages représentaient 8% de toutes les naissances aux États-Unis. (Pew)

- 2010 : Le nombre total d’immigrants non autorisés dans la population active de la nation dans les États-Unis est de 8 millions. Une hausse de 5,2% de la population active en 2010. (Pew)

- 2010 : environ 1,04 millions de personnes ont reçu un statut de résident permanent. Parmi ceux-ci 139 120 sont nés au Mexique, 70 863 en Chine, et 58 173 aux Philippines (DHS).

- 2011 : l’US Immigration and Customs Enforcement a déporté 396 906 immigrants illégaux, le plus grand nombre dans l’histoire de l’agence. 216 698 (près de 55%) ont été reconnu coupable de crimes ou délits. (ICE) A noter : par crimes ou délits, on peut entendre la simple conduite sans permis ou la consommation d’un joint.

- Avril 23 2012 : Le Pew Hispanic Center a annoncé que la migration nette en provenance du Mexique vers les États-Unis était arrêtée et peut-être même inversée. Le centre a noté que de 2005 à 2010, environ 1,4 millions de Mexicains ont immigré aux États-Unis, et environ 1,4 millions d’immigrants mexicains sont repartis volontairement au Mexique.

ICE ou la sauvagerie ordinaire

Le fait que Luis soit né aux États-Unis et que sa mère soit résidente permanente légale aux États-Unis n’a pas empêché les agents de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) de procéder à leur arrestation de manière illégale et de les agresser l’année dernière. L’ACLU du Michigan et le Centre pour les Droits des Immigrants du Michigan ont engagés des poursuites en Avril 2012. De l’Arizona au Michigan, les histoires de profilage racial, l’intimidation et la détention illégale sont la preuve que ce qui est arrivé à Luis et Telma n’est pas unique.

DU REVE... A LA REALITE

SAMEDI 16 JUIN 2012

Aujourd’hui, le site du Department of Homeland Security annonce la mesure prise par Obama en ces termes :

« La Secrétaire d’Etat Janet Napolitano a annoncé le report des actions en cours contre les jeunes qui constituent des priorités basses pour la sécurité. »

Par Stephane Trano blogueur associé de Marianne 2 le 24/06/ 2012

Transmis par Linsay



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mercredi 27 juin 2012 à 01h46

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