Je n’ai jamais pu supporter l’injustice...

Entretien avec Laurence Giacalone
samedi 2 septembre 2006
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C’est avec gentillesse et simplicité que Laurence a spontanément accepté de répondre à nos questions. Cette jeune femme dégage une impression de solidité et de détermination. Pas prête à se laisser détourner par des vents contraires, elle réfléchit, elle se bat...

Je suis entrée à la poste en CDD en 1998 et j’ai pu avoir un CDI en 1999. Je ne suis restée en CDD « que » 9 mois. J’ai été « chanceuse » par rapport à d’autres. Aujourd’hui c’est encore pire. On utilise les CDD en les laissant poireauter dans la précarité pendant des années. Même moi je suis à 33 ans une précaire en CDI en tous cas du point de vue du salaire quand on voit le coût de la vie....

Je ne suis pas fonctionnaire, j’ai un contrat de droit privé. On peut donc me virer à tous moments même si dans la réalité c’est quand même moins facile que dans une entreprise de droit privé...

Au départ quelle a été la raison de ton engagement ?

Ce qui m’a attiré dans le militantisme c’est que j’ai d’abord personnellement subi l’injustice à cause de mon physique puisque j’étais bien plus forte qu’aujourd’hui et je ne comprenais pas que l’on puisse m’en tenir rigueur. Par la suite tout un tas d’injustices m’ont fait réagir.

Que des gens qui travaillent et ont salaire soient obligés de dormir dans leur voiture, que des enfants meurent sous les bombes, que des hommes et des femmes soient obligés de mendier, je ne le supporte pas...C’est tout cela qui a été et est encore la raison de mon engagement.

Tu t’es donc syndiquée...

Oui le syndicat c’est important, il permet de lutter contre les injustices, mais il souffre d’un manque d’investissement des salarié-e-s. On essaie d’éteindre les incendies comme l’on peut mais souvent je me dis que nous ne sommes pas assez nombreux...Les gens sont dans leur carcan, métro, boulot, dodo...Si on ne les touche pas personnellement, ils ne s’interrogent pas. C’est toute la question du comment on perçoit le monde...

Il y a aussi un certain nombre de facteurs qui influent sur l’engagement, l’histoire et la situation familiale...Il y a aussi la peur de se faire bouffer par l’activité militante...C’est vrai qu’en ce qui me concerne je ne regarde pas les heures...

Les collègues, quand tu discutes avec eux, ils sont intéressants, tu vois qu’ils ne sont pas dupes du matraquage qu’ils subissent, mais c’est difficile de les convaincre d’aller plus loin...En même temps ils sont partagés entre volonté de lutter et aspiration à une promotion. En fait même avec un grade de plus ils seront exploités...Les anciens eux, attendent la retraite avec impatience...et je les comprends...

Chez les jeunes c’est différent. Par moment je les trouve très gamins, on dirait qu’il n’y a que le foot, le cul, les bagnoles, mais en même temps ils s’affrontent au patron même si ce n’est pas toujours de façon constructive, je veux dire du point de vue de la construction d’une organisation qui se bat et oppose une autre logique à la logique patronale.

La différence d’histoire et de lassitude nous pose aussi un problème dans la lutte. Pour prendre un exemple, des jeunes qui sont en CDD, doivent passer en CDI mais pour des raisons internes et d’organisation de l’entreprise qu’il serait trop long d’expliquer ils se retrouvent à devoir rembourser à l’employeur une dette qui peut s’élever à 7000ââ€Å¡¬. Ça ça touche les jeunes pas les anciens et du coup ceux-ci ne vont pas plus loin que la signature d’une pétition de soutien...et ce n’est bien sûr pas suffisant. Il faut absolument que les anciens nous montrent le chemin de la lutte car nous les jeunes on se coltine la merde...

Et pourquoi ton engagement récent à Rouges Vifs ?

Il n’y a pas d’alternative dans la politique que l’on voit. Localement on arrive à en voir une à travers Rouges Vifs. Les gros groupes de gauche je ne m’y retrouve pas. Heureusement qu’il y a encore des gens sensibles à ce qui se passe et qui le retranscrivent au plan politique...

Ce ne peut pas être une question de casting...
Quand on parle de Ségolène en disant au moins c’est une femme, je réponds que mettre une femme pour une femme ça sert à rien, ça ne fait pas un programme...

C’est vrai que pour une femme ce n’est pas facile de s’imposer dans le travail. C’est vrai aussi qu’elle peut apporter un regard différent, mais certainement pas en cherchant à se transformer en homme...Ce qui me semble le plus important c’est de ne pas se donner de barrière et d’être capable d’inventer une autre société et de sortir de ce qu’on nous présente comme des vérités inchangeables de la société.

Mais Rouges Vifs c’est encore petit...Est ce efficace de s’engager là dedans ?

Ça me semble possible de reconstruire et même indispensable, même si c’est un travail de longue haleine. Avec qui ? Avec tous ceux et celles qui le veulent...(après un temps de réflexion) .oui la reconstruction politique me semble atteignable, sinon il n’y aurait plus d’espoir.

Dans Rouge Midi je trouve ce que je ne trouve pas ailleurs...D’autres infos, d’autres analyses...Une réflexion sur des sujets jugés inintéressants ailleurs parce qu’ils ne font pas vendre...D’ailleurs vous ne vendez rien ?!!! (rires).

Tu sais le regard politique aide l’activité syndicale...

Et vice versa !

Oui partager nos analyses, les confronter, ça aide pour le regard que l’on porte sur la société, les moyens de la changer et le sens du changement à opérer...



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