ArcelorMittal, espoirs et obstacles d’un syndicalisme sans frontières

lundi 3 décembre 2012
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L’article ne traite que d’un certain type de syndicalisme, celui qui est largement majoritaire dans le nord de l’Europe...et de ses limites...qui prouvent qu’il est grand temps de passer à un autre type de combat syndical ? Et d’avoir une autre vision des coopérations internationales...

Gandrange, puis Florange, en France ; Liège, en Belgique ; Schifflange, au Luxembourg : trois sites sidérurgiques où ArcelorMittal a décidé de fermer des installations. Quand les usines sont des pions déplacés en fonction de stratégies globales, la défense et la conquête des droits salariaux ne peuvent s’arrêter aux frontières. Mais, dans la pratique, le syndicalisme transnational s’avère un casse-tête.

A Liège, l’averse de grêle a cessé. Elle a emporté dans son sillage les derniers manifestants d’une journée de grève contre la fermeture des sites d’Arcelor Mittal. En cette fin d’après-midi du 7 décembre 2011, seul résonne encore sur les parois des HLM, autour du parc d’Avroy, l’écho du Chant des partisans entonné par des délégations de syndicats belges et européens. Les tracts des métallos wallons, déchirés, dessinent des flaques multicolores au milieu des rues désertées, alors que les bars ouvrent grand leurs gueules chaleureuses.

La scène aurait pu se dérouler à Florange (Moselle) ou à Schifflange (Luxembourg), lieux de mobilisation contre l’arrêt de plusieurs hauts-fourneaux depuis le début de l’année. A Liège, ArcelorMittal a annoncé en novembre dernier la fermeture des sites d’Ougrée et de Seraing, ainsi que celle de l’aciérie en coulée continue de Chertal. C’est cinq cent quatre-vingt-un postes de travail qui doivent disparaître, « avec un impact sur trois mille cinq cents à cinq mille emplois, alors que depuis la révolution industrielle la sidérurgie est le poumon économique de la région », souligne M. Jean-Claude Marcourt, vice-président du gouvernement wallon et ministre de l’économie.

Sous les bannières « Full Mittal racket » et « Mittal, arrête ton génocide social », la colère résignée des travailleurs est manifeste. Dans le fracas des pétarades, Sylvain, un ouvrier « manette », ouvre le feu verbal et oublie le vœu de silence de la procession qui défilait presque mutique : « Avec le métal, Lakshmi Mittal ne fait pas de la tôle, mais de l’argent. C’est du gâchis. » Ce que voit effectivement le magnat de l’acier — vingt et unième plus grosse fortune du monde selon le magazine Forbes —, c’est que l’Europe représente 20 % des résultats d’exploitation du groupe, mais surtout 60 % des coûts.

A l’heure de la mondialisation et face à des entreprises transnationales résolues aux restructurations (1) et aux délocalisations, comment les syndicats adaptent-ils leur action à l’effacement des frontières capitalistiques ? Une fois repliées les banderoles des euro-manifestations organisées périodiquement, oubliées les images des salariés de Continental de Clairoix manifestant à Hanovre, en avril 2009, aux côtés de leurs homologues allemands, de quel poids pèse le syndicalisme transnational sur le terrain ? « Alors que l’Europe est marquée par une désyndicalisation croissante de ses salariés, on assiste à une européanisation du mouvement syndical, observe Hans-Wolfgang Platzer, professeur d’études politiques à l’université de Fulda. La crise a favorisé un rapprochement entre les organisations, car les restructurations permanentes des groupes ne peuvent être appréhendées que de manière transnationale (2). » M. Michael Bach, chargé du suivi des entreprises pour IG Metall, le syndicat allemand de la métallurgie, reconnaît qu’il n’avait « jamais vu de solidarité européenne. En Allemagne, Brême a profité de la fermeture de sites belges. Mais maintenant, chacun a assimilé le fait qu’il peut être le prochain à voir son site fermer. Cette insécurité soude les travailleurs qui s’opposent à la stratégie de l’entreprise au niveau européen ».

En Belgique, les syndicalistes d’ArcelorMittal ont compris que, s’ils restaient seuls, le rapport de forces les condamnait à demeurer le pot de terre contre le pot de fer. Ils tentent donc de sensibiliser leurs collègues européens au fait que l’arrêt définitif du site de Liège n’est que le début du démantèlement du groupe en Europe, et que la réponse doit être l’unité au sein d’un mouvement social commun.

Cette tendance à l’européanisation rencontre pourtant de nombreux freins : le vieillissement des syndiqués en Europe et l’érosion de leur nombre ; la culture différente, voire antagoniste, des Latins (Belgique, Espagne, France, Italie), qui utilisent leur droit à manifester comme élément de négociation, et des Nordiques, derrière l’Allemagne, qui privilégient le dialogue social. Moins attendu mais souvent évoqué, le problème de la langue : « Dans les réunions, il y a des traducteurs, mais le soir ou pendant les pauses, qui sont des moments-clés pour discuter, les gens ne se comprennent pas », regrette M. Bach. Surtout, les syndicats européens vivent la contradiction entre la défense du marché du travail national et l’affirmation des valeurs internationalistes nécessaires pour constituer un contre-pouvoir syndical multinational face aux entreprises. « Avec les délocalisations, raconte M. Joseph Thouvenel, chargé des questions internationales à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), on entend souvent les salariés nous dire : “Ce ne sont pas les Roumains qui vont venir payer le loyer.” Il faut expliquer à chacun qu’on est là pour maintenir l’emploi, mais qu’on doit aussi avoir une vision collective. »

« On court derrière le patron »

Dans un vaste salon de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) liégeoise, M. Jean-François Tamellini n’oublie rien des débuts de l’aventure européenne. Celui qui se présente modestement comme « la moustache droite » de M. Nico Cué, le charismatique secrétaire des métallos FGTB Wallonie-Bruxelles, se souvient qu’« en 2008 des administrateurs salariés venant de trois pays avaient eu connaissance, lors d’un conseil d’administration, de la décision de fermer le HF6 [le haut-fourneau 6 de Seraing]. Ils n’ont pas jugé bon de transmettre cette information. Ce précédent a engendré chez les Liégeois beaucoup de méfiance envers leurs homologues européens ». Un contentieux d’autant plus dommageable que l’internationalisation et la concentration des acteurs industriels impliquent un management cherchant à renforcer la concurrence, au sein d’un même groupe, entre les sites de production. L’impression dominante est qu’il n’y a guère qu’en période de crise que la cohésion sociale prend forme, souvent trop tard... « C’est la fermeture du “chaud” à Liège qui a donné une impulsion au mouvement européen, confirme le président de la délégation FGTB-Métal, M. Robert Rouzeeuw. L’entreprise joue à mettre en concurrence les ouvriers. En Belgique, elle peut opposer Gand à Liège, en exploitant les tiraillements communautaires. En plus, nous, au niveau syndical, le temps qu’on se voie, qu’on discute et qu’on se mette d’accord pour créer un rapport de forces, ça prend du temps, et on court derrière le patron qui, lui, avance à grands pas. On essaie d’accélérer car, dans un projet de fermeture, on n’a pas le temps d’attendre. »

Partant du constat qu’en cinq ans le groupe a supprimé plus de trente mille emplois en Europe et arrêté neuf des vingt-cinq hauts-fourneaux européens, les syndicats ont commencé à s’organiser pour dénoncer la « casse industrielle ». « On ne peut plus attendre la prochaine fermeture de site, s’exaspère M. Edouard Martin, délégué lorrain de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) d’ArcelorMittal. On a tous compris que Mittal cherche de la rentabilité à court terme, quand nous essayons de sauver la sidérurgie européenne continentale. »

Aussi, l’action du 7 décembre 2011 représentait tout un symbole. Elle a vu des arrêts d’activité en France, en Italie, en Espagne, en Belgique, au Luxembourg et sur certains sites allemands. Des manifestations ont été organisées en République tchèque, en Roumanie, en Macédoine et en Pologne. Pour la première fois depuis la création d’ArcelorMittal en 2006, la Fédération européenne de la métallurgie (FEM) a coordonné des actions de vingt-quatre heures sur l’ensemble des sites européens de l’aciériste pour protester contre les fermetures de capacités. Son projet de développer une stratégie européenne est l’un des plus avancés sur le continent. « Il est vrai que la FEM fait un gros travail, car la plupart des très grandes entreprises relèvent du champ de la métallurgie, comme celles de l’aéronautique, de l’armement, de l’électronique ou de l’automobile, analyse le secrétaire général adjoint de la CFDT, M. Marcel Grignard. C’est aussi un secteur en mutation, en restructuration depuis plusieurs dizaines d’années, donc elle est poussée par l’actualité à s’adapter. »

Mais encore faudrait-il que l’Union européenne ait la volonté d’assurer un cadre législatif qui permette aux travailleurs des entreprises transnationales de faire entendre leur voix. Lors de l’euromanifestation organisée par la Confédération européenne des syndicats (CES) à Wroclaw (Pologne) le 17 septembre 2011, le président du syndicat polonais Solidarnosc, M. Piotr Duda, a pris le temps d’une courte confession face au Hall du centenaire — anciennement Palais du peuple —, où s’étaient retrouvés les ministres des finances européens. Il a témoigné de sa consternation face au peu d’intérêt de la Commission européenne pour la chose sociale : « Les politiciens parlent de solidarité, mais ils ne font rien pour sa mise en œuvre. Sauver l’euro est devenu plus important que sauver des emplois et des gens. La dimension sociale de l’Union est une fiction ! » A ses côtés pour la marche qui a réuni plus de cinquante mille manifestants, la secrétaire générale de la CES, Mme Bernadette Ségol, ajoutait : « Après deux années de crise dévastatrice, les leaders européens ne doivent plus laisser les commandes aux marchés financiers et aux agences de notation. On doit se mettre d’accord sur une gouvernance économique européenne axée sur la solidarité et l’emploi, avec une politique industrielle volontaire. »

La construction européenne se voulait un instrument de paix, rapprochant les nations au sein d’un marché unique, et un outil de progrès social. Or, le 17 janvier dernier, le discours de M. Lázló Andor confirmait la dévotion de la Commission envers les dogmes du marché libre et du dumping social. Le commissaire européen chargé de l’emploi et des affaires sociales, proche du MSZP — le parti socialiste hongrois —, soutenait notamment que les restructurations faisaient « partie de la vie des entreprises » et qu’elles étaient « nécessaires pour préserver leur compétitivité ». De l’avis de la sociologue Anne Dufresne, il faut au contraire « un renversement des priorités de l’Union européenne, viser le bien-être social des peuples et non l’enrichissement des marchés financiers. Cela passe par la création d’un tissu intersyndical fort et combatif, et par l’élaboration en commun de revendications (3) ».

Du dialogue social au monologue

Le projet européen n’a jamais eu pour objectif de créer un cadre social s’appliquant à l’économie mondiale. A partir de 1985, M. Jacques Delors a certes lancé le « dialogue social européen » ; mais celui-ci opère un changement radical de culture : on passe de la centralité du conflit à la culture du partenariat social. Puis l’accord d’octobre 1991, intégré dans le protocole social du traité de Maastricht, crée la procédure juridique permettant de mettre ce dialogue en place, en précisant ses fonctions de concertation, de consultation et de… négociation. Mais, très vite, la négociation apparaît subsidiaire dans sa mise en pratique, sa logique étant l’accompagnement des politiques publiques par les « partenaires sociaux ». Il s’est donc avéré très difficile d’établir des accords collectifs à portée européenne. Depuis 1995, seuls sept accords-cadres (4) ont été adoptés à l’échelon interprofessionnel et cinq au niveau sectoriel. Cette histoire avortée de la négociation collective européenne a produit plus récemment un nouveau phénomène : les accords d’entreprise transnationaux.

Couvrant essentiellement les restruc-turations, le dialogue social, la santé et la sécurité, la gestion des ressources humaines et la protection des données, ceux-ci sont le plus souvent signés par les comités d’entreprise européens (CEE) (5), qui n’ont a priori que des droits d’information et de consultation. En outre, concernant les CEE proprement dits, un rapport de la Commission européenne a établi que, dans plus de la moitié des restructurations, cette instance de représentation des salariés n’était pas consultée, ou qu’elle l’était… après l’annonce publique. Dans 80 % des quarante-cinq cas étudiés, la consultation n’avait aucun impact sur le processus. Plus qu’un symbole, la fermeture brutale d’une filiale de l’entreprise Renault à Vilvorde, sans qu’aient été appliqués les dispositifs légaux d’information et de consultation des travailleurs, en octobre 1997, a fait évoluer le droit. Depuis, une « loi Renault » sur les restructurations encadre les étapes de la procédure et prévoit des sanctions à l’égard des employeurs qui n’auraient pas respecté les phases d’information et de concertation. M. Philippe de Buck, directeur général de BusinessEurope, le syndicat européen du patronat, reconnaît que « la façon dont on a annoncé cette restructuration était scandaleuse. Depuis, dans le jargon, pour faire des restructurations, on dit : “Il faut appliquer la loi Renault.” Mais qu’a-t-elle apporté ? Qu’on informe plus, qu’on informe mieux, plus rapidement ? Non. Avant, il y avait négociation avec les syndicats. Maintenant, il faut une armée de juristes, et on ne dit plus que la moitié des choses ».

La révision de la directive sur les CEE du 6 mai 2009 avait pourtant l’ambition de donner un nouvel élan à la négociation collective transnationale en agissant en amont des restructurations. Aussi les syndicats souhaitent-ils passer de la défensive à la proposition. Non plus « partenaires sociaux », mais bien interlocuteurs. « Il faut être réaliste : il n’y a pas de négociation possible au niveau du CEE d’ArcelorMittal, lance le président du groupe syndical d’ArcelorMittal en Europe, M. Georges Jespers. Il n’y a pas de consultation : juste une information. Donc, le CEE ne peut pas avoir d’influence sur le management. C’est pourquoi on travaille à la mise en place d’une vraie délégation européenne avec des pouvoirs de décision. »

Les directions des entreprises trans-nationales ne sont pas étrangères à cet état de fait et doivent être disposées à coopérer avec les syndicats et les institutions politiques, dans un cadre tripartite. « Pour ce qui a trait aux relations sociales, fondées sur un contrat de travail, la priorité est au dialogue social entre les partenaires sociaux, revendique M. de Buck. Nous ne sommes pas contre le tripartisme, mais le bipartisme doit être reconnu. » Du côté des syndicats, M. Geoffrey Schenk est plutôt de l’avis que, dans le cadre d’une économie transnationale, « les responsables politiques peuvent intervenir face à l’industriel, qui peut se trouver n’importe où dans le monde. Le tripartisme est nécessaire pour une meilleure balance des pouvoirs ».

Encore faut-il que la direction de l’entreprise ait la volonté de dialoguer avec les représentants du personnel. « Depuis que Mittal a repris Arcelor, la participation des syndicats dans la vie de l’entreprise s’est rapprochée du modèle anglo-saxon, explique M. Enrique Soriano, représentant espagnol des Commissions ouvrières (CCOO) au comité d’entreprise européen d’ArcelorMittal. M. Mittal, alors qu’il est président du comité d’entreprise européen, n’assiste jamais aux réunions. Le devoir d’information passe par la presse, et il n’y a pas de consultation, puisque sa politique n’est pas discutable. »

« Nous privilégions les accords-cadres plutôt que les conventions collectives (6), car nous préférons des recommandations à des dispositifs encadrés par la loi. Il est vrai que la convention collective, une fois transposée, fait partie du droit. Un accord-cadre n’expose pas à des sanctions », admet en toute franchise M. de Buck. L’organisation patronale s’est d’ailleurs toujours exprimée contre la création d’un cadre juridique pour les accords transnationaux et ne souhaite surtout pas que le CEE devienne un organe décisionnel. Face à cette lacune, la conclusion d’accords-cadres transnationaux est renvoyée au niveau de l’entreprise, et le développement des négociations aux niveaux sectoriel et interprofessionnel, dont la force contraignante est supérieure, est de fait abandonné. Selon Dufresne, « la négociation d’entreprise n’est donc plus la base de la pyramide de la hiérarchie des normes sociales, mais bien son unique échelon (7) ».

De même, la CES ne considère pas le CEE comme « un organe de négociation adéquat » et craint que « la négociation transfrontalière ne [puisse] devenir le prétexte à conforter la tendance à une plus grande individualisation de la négociation en entreprise (8) ». La confédération redoute surtout d’être évincée des négociations, car elle ne jouit pas d’une cote de popularité extensible, et pratique plutôt une forme de lobbying bien tempéré auprès de la Commission et du patronat. La sociologue française Michèle Descolonges pose un verdict sans appel : « La CES n’est pas un lieu innovant. Ils font des euro-manifestations, mais, dans l’ensemble, ils sont inexistants. Sur la question de l’emploi, ils sont démunis, tout comme sur les droits sociaux. »

Une gestion calamiteuse

Partout, les critiques fusent. Pour M. Thouvenel, « la CES est une sorte d’ONU syndicale qui ne résout pas les problèmes du monde des travailleurs ». « Es tut mir leid, aber ich mache das nicht ! (Désolé, je ne peux pas faire ça) », lance le président du Deutscher Gewerkschaftsbund (DGB), M. Michael Sommer, après cinq minutes d’entrevue dans les locaux de la confédération syndicale allemande. Peu enclin à réagir sur l’euro-syndicalisme, il finit par lâcher : « Nous avons des difficultés avec le secrétariat de la CES en ce moment, donc je préfère ne pas répondre à des questions sur le sujet européen. » Fin de la conversation.

Si la CES souffre d’un manque de légitimité dans le milieu syndical, les métallos belges, eux, font preuve de pugnacité dans leur bras de fer avec ArcelorMittal, n’hésitant pas en appeler aux pouvoirs politiques. « Six mois avant la fermeture du “chaud” à Liège, on avait prévenu que les arrêts provisoires et répétés des hauts-fourneaux nous mèneraient dans le mur, déplore M. Jespers. La FGTB, avec la contribution du ministère de l’économie, a demandé que des cabinets d’études [Laplace et Syndex] fassent l’analyse de la viabilité de la sidérurgie liégeoise. L’étude est en cours, mais déjà Syndex nous dit clairement que, si Mittal n’avait pas voulu jouer sur le volume pour faire monter les prix, tant Florange que Liège tourneraient à plein aujourd’hui. Les surcapacités actuelles sont purement conjoncturelles, et pas structurelles. Ça servira la défense de l’ensemble des sites européens. »

Politiques et syndicalistes tirent ensemble à boulets rouges sur la gestion de MM. Lakshmi et Aditya Mittal, le père et le fils, qui dirigent le premier producteur d’acier mondial comme une moyenne entreprise hypercentralisée (lire l’article ci-dessous). En 2004, M. Aditya Mittal avait confié son ambition à son ancien supérieur du Crédit suisse : « accomplir dans l’acier avec le nom de Mittal ce que Ford a réussi dans l’automobile » (L’Express, 4 janvier 2012). Les critiques mettent également en avant les profits utilisés pour l’achat de mines de fer, où se développe une spéculation effrénée.

En Belgique, les syndicalistes exigent la régionalisation de la sidérurgie wallonne ; une revendication qui n’est pas sans rappeler le passé proche. Dans les années 1985-1987, la sidérurgie wallonne était publique, mais les gestionnaires mandatés avaient décrété nécessaire de se rapprocher d’un groupe d’envergure internationale. A l’époque, le français Usinor avait racheté pour 25 milliards de francs (7 milliards d’euros de 2011) les outils de production. Pour le front syndical belge, pas de doute : si l’Etat est capable de débloquer 4 milliards d’euros pour nationaliser la branche Crédit communal de la banque Dexia, il peut débourser 1 milliard d’euros pour pérenniser l’emploi dans le bassin liégeois.

Dans le secteur sidérurgique, un récent exemple européen trotte dans la tête de M. Jespers : « Lors d’une réunion avec les responsables politiques de la Grande Région (9), j’ai appris que le Land allemand Rhénanie-Palatinat et les syndicats étaient parvenus à se liguer pour obtenir 71 % des actions d’un site sidérurgique. Mittal a fini par revendre ses parts. Le Land, associé à des banques locales, les a rachetées. Maintenant, ils investissent dans l’outil. Notre demande n’est donc pas si utopique que ça. En Europe, il y a des cas où ça peut marcher. Inspirons-nous les uns des autres. »

Tristan Coloma source Le Monde diplomatique de MAI 2012
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Transmis par Linsay


Tristan Coloma
Journaliste
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(1) Entre 2008 et 2010, l’Union européenne a enregistré entre 90 et 100 restructurations majeures par mois, avec un ratio de 2,5 emplois perdus pour 1 emploi créé.

(2) Les Echos, Paris, 4 mai 2010.

(3) « Les accords d’entreprise transnationaux. Un moyen de relancer la négociation collective européenne ? », Les Notes de l’IES, n° 11, Paris, mars 2010.

(4) Accords conclus entre syndicats et patronat, et dont les termes sont assez généraux pour servir de cadre ou de modèle à des accords ultérieurs.

(5) On en comptait 932 en 2011, sur plus de 2 200 multinationales, selon l’Institut syndical européen (ETUI).

(6) Accords de branche relatifs aux conditions de travail et aux garanties sociales, signés entre les représentants des salariés et les organisations patronales. La convention collective a force de loi.

(7) « Les Notes de l’IES », op. cit.

(8) Résolution « Coordination des négociations collectives 2006 », adoptée par le comité exécutif de la CES lors de sa réunion des 5-6 décembre 2005 à Bruxelles.

(9) Wallonie, Lorraine, Sarre, Rhénanie-Palatinat, Communautés française et germanophone de Belgique, Luxembourg.



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