Les conditions d’existence des partis communistes

Par Alvaro Cunhal
mardi 21 mai 2013
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Ce texte d’Alvaro Cunhal "Six caractéristiques fondamentales d’un parti communiste" (écrit en 2001) à gardé toute son actualité. Il est vraiment remarquable dans le contexte de l’Europe de l’Ouest où nombre de Partis communistes, après la chute de l’Union Soviétique ont évolué vers un « eurocommunisme gorbatchévien » pour ensuite disparaître comme en Italie ou en Espagne et en France perdre toute crédibilité révolutionnaire.

"Le cadre des forces révolutionnaires qui existent dans le monde a changé durant les dernières décennies du XXe siècle. Le mouvement communiste international et les partis le composant ont subi de profondes modifications suite à la chute de l’URSS et des autres pays socialistes et de la victoire du capitalisme dans sa rivalité avec le socialisme.

Il y a des partis qui ont nié leur passé de lutte, leur nature de classe, leur objectif d’une société socialiste et leur théorie révolutionnaire. Dans plusieurs cas, ces partis ont intégré le système et ont fini par disparaître.
Cette nouvelle situation au sein du mouvement communiste international a ouvert des espaces dans la société dans laquelle d’autres partis révolutionnaires ont assumé la relève et, dans les conditions concrètes de leur pays, se sont identifiés aux partis communistes sur des aspects importants et parfois avec leurs objectifs et leur action.

Ainsi, lorsque nous parlons aujourd’hui du mouvement communiste international, nous ne pouvons pas, comme dans le passé, tracer une ligne entre les partis communistes et tous les autres partis révolutionnaires. Le mouvement communiste a maintenant une nouvelle composition et de nouvelles limites.

Ces développements ne signifient pas que les partis communistes, avec leur identité propre, ne sont pas nécessaires à la société. Au contraire. Avec les éléments fondamentaux qui les caractérisent, les partis communistes sont nécessaires, indispensables et irremplaçables. Mais de la même manière qu’il n’y a pas de « modèle » de société socialiste, il n’y a pas de « modèle » de parti communiste.

Avec des réponses concrètes différentes à la situation concrète, il est possible d’identifier six caractéristiques fondamentales d’un parti communiste, qu’il ait ce nom ou un autre :

1 – Un parti qui est complètement indépendant des intérêts, de l’idéologie, des pressions et des menaces du capital.

L’indépendance du parti est une composante de l’identité d’un parti communiste. Elle s’affirme dans sa propre action, ses propres objections, sa propre idéologie. Un écart avec ces caractéristiques essentielles n’est en aucune façon une démonstration d’indépendance, mais, au contraire, un renoncement à l’indépendance.

2 – Un parti de la classe ouvrière, des travailleurs en général, des exploités et des opprimés.

Selon la structure sociale de la société de chaque pays, la composition sociale des membres du parti et sa base de soutien peuvent être très diverses. En tous les cas, il est essentiel que le parti ne soit pas fermé sur lui-même, en confrontation interne, mais tourné vers l’extérieur, vers la société, ce qui signifie qu’il n’ait pas seulement, mais surtout, des liens étroits avec la classe ouvrière et les masses laborieuses. Négliger cette caractéristique ainsi que perdre son caractère de classe a conduit certains partis à un déclin vertigineux et, dans certains cas, à l’autodestruction et la disparition.

Le remplacement de la nature de classe du parti par la conception d’un « parti des citoyens » masque l’existence de citoyens exploiteurs et de citoyens exploités et conduit le parti vers une position neutre dans la lutte des classes – ce qui, dans la pratique, désarme le parti et les classes exploitées et le transforme en un instrument appendiculaire de la politique de la classe exploiteuse dominante.

3 – Un parti avec une démocratie interne et une direction centrale unique.

Une démocratie interne est particulièrement riche en vertus, à savoir : travail collectif, direction collective, congrès, assemblées, débats dans tout le parti sur les questions fondamentales d’orientation politique et d’action, décentralisation des responsabilités et élections de toutes les directions.

L’application de ces principes doit correspondre à la situation politique et historique à laquelle le parti est confronté. Dans des conditions d’illégalité et de répression, la démocratie est limitée par l’impératif de la défense. Dans une démocratie bourgeoise, la qualité visée peut et doit être largement et pleinement appliqué.

Alvaro Cunhal : Álvaro Barreirinhas Cunhal (10 novembre 1913 - 13 juin 2005), dit Alvaro Cunhal, est un leader historique du Parti communiste portugais (PCP).
Il adhère au PCP en 1931, alors que le parti est encore clandestin. En 1949, il est arrêté par la Pide, la police politique de Salazar et s’évade, avec plusieurs de ses compagnons, en 1960 de la prison de Péniche lors d’une spectaculaire évasion. Il vit alors en exil à Moscou et Prague et est nommé en 1961 secrétaire général du PCP.
Il retourne dans son pays cinq jours après la Révolution des œillets du 25 avril 1974 qui l’avait surpris à Paris. Il est alors quelque temps ministre sans portefeuille des quatre premiers gouvernements provisoires et est élu député en 1975.
En 1989, il est reçu à Moscou par Mikhail Gorbatchev et reçoit le prix Lenine pour la paix (accordé à des citoyens étrangers à l’URSS pour leurs contributions pour la « cause de la paix).
Partisan d’une stricte orthodoxie marxiste-léniniste, il abandonne le poste de secrétaire général à Carlos Carvalhas, puis son siège de député en 1992 et se retire progressivement de la vie publique en raison de la dégradation de son état de santé.

4 – Un parti qui est à la fois internationaliste et qui défend les intérêts de son pays.

Contrairement à ce qui était défendu autrefois dans le mouvement communiste, il n’y a aucune contradiction entre ces deux éléments dans l’orientation et l’action des partis communistes. Chaque parti est solidaire avec les partis, les travailleurs et les peuples des autres pays. Mais, avec conviction, il est un défenseur des intérêts et des droits de son propre peuple et de son pays. L’expression "parti internationaliste et patriotique" a une signification pleine et entière en cette fin de XXe siècle. On peut inclure comme valeur internationaliste, la lutte à l’intérieur de son pays et comme valeur de la lutte interne, les relations de solidarité avec les travailleurs et les peuples des autres pays.

5 – Un parti qui définit comme objectif la construction d’une société sans exploiteurs ni exploités, une société socialiste.

Cet objectif est également complètement moderne. Mais les expériences positives ou négatives de construction du socialisme dans un certain nombre de pays et les profonds changements dans la situation globale, demandent une analyse critique du passé et une redéfinition de la société socialiste, objectif des partis communistes.

6 – Un parti avec une théorie révolutionnaire, le marxisme-léninisme, qui permet non seulement d’expliquer le monde, mais aussi de montrer la voie de sa transformation.

Déniant toutes les campagnes anticommunistes diffamatoires, le marxisme-léninisme est une théorie vivante, antidogmatique, dialectique et créative qui est enrichie par la pratique et les réponses qu’elle est appelée à donner en face de nouvelles situations et phénomènes. Elle dynamise la pratique, s’enrichit et se développe de façon créative avec les leçons de la pratique.

Nous devons à Lénine et à son travail "L’impérialisme, stade suprême du capitalisme", la définition du capitalisme à la fin du XIXe siècle. Ces développements théoriques ont une valeur extraordinaire. Il en va de même pour la recherche et la systématisation des connaissances théoriques. Dans une synthèse extraordinairement rigoureuse et claire, un texte séminal de Lénine décrit "les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme". En philosophie, le matérialisme dialectique, et dans ses applications à la société, le matérialisme historique. En économie politique, l’analyse et l’explication du capitalisme et de l’exploitation, dont la pierre angulaire est la théorie de la plus-value. Dans la théorie du socialisme, la définition d’une nouvelle société avec la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Tout au long du XXe siècle, avec les transformations sociales, de nouvelles et nombreuses réflexions théoriques ont eu lieu dans le mouvement communiste. Cependant, elles se sont présentées comme diverses et contradictoires, rendant difficile la distinction du fondement de ces développements théoriques et des positions révisionnistes par rapport aux principes fondamentaux. Cela amène à conclure au caractère impératif des débats, sans idées préétablies ou vérités absolues, et sans établir de conclusion définitive, mais obligeant à un approfondissement de la réflexion commune..."

Alvaro Cunhal

Septembre 2001

Pour lire l’article entier sur Alvaro Cunhal :

http://reveilcommuniste.over-blog.fr/article-six-caracteristiques-fondamentales-d-un-parti-communiste-texte-d-alvaro-cunhal-ancien-secretaire-ge-98339677.html

Un très bel hommage :

http://blog.mondediplo.net/2013-05-13-Hommage-theatral-a-Alvaro-Cunhal

Transmis par la_peniche



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vendredi 24 mai 2013 à 05h59
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jeudi 23 mai 2013 à 23h37 - par  Pascal Brula