La Suède en question (2/2) : L’égalitarisme n’est plus ce qu’il était

dimanche 26 mai 2013
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Les inégalités se creusent en Suède : une surprise ? Oui sans doute pour celles et ceux qui croyaient que l’on pouvait adoucir le capitalisme et empêcher sa course perpétuelle vers le taux de profit...

Quant à dire que l’augmentation des inégalités n’est pas si grave comme le fait l’auteur de l’article et prétendre que même le revenu des plus pauvres a augmenté...est assez fantaisiste dans un pays qui n’a pas de SMIC, où le salaire moyen mensuel brut était en 2010 de 2877€ (2567 en France), l’allocation chômage non systématique puisque non obligatoire et dans tous les cas dégressive au bout de 200 jours, dont l’allocation d’état (l’équivalent de notre ASS ou RSA) était de 750€ par mois...et pour finir est classé dans les 3 pays les plus chers du monde avec la Suisse et la Norvège...

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe en Suède : les inégalités se creusent dans le pays, et rapidement. La multiplication par deux du nombre de pauvres au cours des dernières décennies en Suède a fait couler beaucoup d’encre. Ces informations sont issues d’un rapport publiée par l’OCDE [le 14 mai] sur les écarts de revenus dans les 34 pays membres de l’organisation. Or, ce document ne fait pas état d’une dégradation du niveau de vie des citoyens.

Au contraire. Sur le long terme, toutes les tranches de la population ont vu leurs conditions de vie s’améliorer. Mais certaines ont été un peu plus favorisées que d’autres, ce qui s’est traduit par un accroissement des inégalités. Surtout entre ceux qui travaillent et ceux qui n’exercent aucune activité professionnelle. Résultat : la Suède a dévissé de la première à la 14e place du classement des pays les plus égalitaires.

Il n’y a pas de quoi s’émouvoir. L’objectif de plusieurs réformes fiscales engagées ces derniers temps était justement de récompenser le travail. L’écart de revenu disponible entre les travailleurs qui se trouvent en bas de l’échelle des salaires et les personnes qui n’exercent aucune activité professionnelle n’était pas flagrant, et cela posait problème.

Cette situation n’était pas juste. Il fallait mettre en place des mesures incitatives pour exhorter les gens à quitter le giron de l’Etat pour subvenir à leurs besoins. Même si tout un éventail de variables entrent en ligne de compte dans le choix des individus, le paramètre financier ne doit pas être sous-estimé. Plus on incitera de gens à travailler, et mieux ce sera. Après tout, ce sont les contributions de la population active qui nous permettent à tous de vivre. C’est pourquoi les changements que pointe le rapport de l’OCDE sont, en substance, un signe positif.

Face au milliardaire, le millionnaire est pauvre

On pourrait naturellement objecter qu’il est inacceptable que le nombre de pauvres soit à la hausse. Et c’est en effet inacceptable, si l’on entend par pauvres des citoyens qui n’ont pas de quoi manger ni de toit au-dessus de la tête. Ou même s’il s’agit de personnes dont le niveau de vie est très éloigné de celui du Suédois moyen.

En l’occurrence, ce n’est pas ce type de pauvreté – la pauvreté absolue – que mesure l’OCDE, mais la pauvreté relative. Une notion qui n’est en réalité qu’un exercice comptable. La pauvreté relative ne prend pas en compte la qualité de vie des gens, mais simplement les écarts de revenus. Dans un monde de milliardaires, les millionnaires seraient donc rangés chez les pauvres.

Un autre concept à la mode est celui de « privation matérielle ». D’après la définition, est pauvre celui qui, par exemple, ne possède ni lave-linge, ni voiture, et n’a pas les moyens de partir en vacances à l’étranger. Il va sans dire qu’une telle conception de la pauvreté a quelque chose de risible.

N’oublions pas que la Suède reste encore, malgré tout, un pays égalitaire. Les seuls qui s’en détachent sont un groupe très restreint d’individus très fortunés. En outre, le seuil plancher y est relativement élevé. Et c’est bien ce qui importe. En d’autres termes, l’essentiel n’est pas que tous les Suédois vivent aussi bien. Mais qu’aucun ne vive mal.

Un lien entre inégalité et émeutes

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Pour Aftonbladet [1] , il n’y a pas de doute : il y a un lien entre les émeutes qui agitent le quartier d’Husby et d’autres banlieues pauvres de Stockholm depuis le week-end dernier et le creusement des inégalités qui s’est accentué ces dernières années, sous le gouvernement conservateur de Fredrik Reinfeldt :

Husby est l’emblème même des changements de la Suède provoqués par la politique de l’Alliance [coalition gouvernementale de quatre partis de centre-droit]. L’inégalité et les injustices croissantes finissent par créer des conflits. Cela ne devrait surprendre personne. L’empathie dont fait preuve Reinfeldt n’est qu’une opération de communication et ne se traduit pas dans la politique [gouvernementale] : pour les prochaines élections [septembre 2014], le Premier ministre a annoncé davantage de baisses d’impôts et aucune mesure visant à réduire l’écart entre les revenus. Husby n’est que la conséquence ultime d’une société en train de s’effondrer, où les gangs armés imposent leur loi, où la confiance dans les autorités baisse et où les citoyens sont coincés entre les deux.

Source Göteborgs-Posten Göteborg le 24/05/2013
Traduction : Jean-Baptiste Bor

Transmis par Linsay


[1quotidien le plus lu en Scandinavie et appartenant au syndicat suédois LO



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