Piotr Ikonowicz a été arrêté aujourd’hui [30 octobre NDR] à 6 heures du matin par les policiers pour être amené en prison. Fondateur de la Chancellerie de la justice sociale, une association d’aide juridique aux exclus et locataires, Piotr Ikonowicz est un ancien militant de gauche qui avait soutenu la lutte antifranquiste en Espagne. Ayant rejoint en 1980 le syndicat « Solidarnosc », il fut interné à deux reprises dans les années 1982-1989. Fondateur dans la clandestinité en 1987 du Parti socialiste polonais, élu à deux reprises député après 1989, il a alors élaboré plusieurs projets de loi en faveur des travailleurs et des exclus. Piotr Ikonowicz est un des rare ancien dissident à être resté fidèle à l’idéal d’autogestion ouvrière après 1989. Il a condamné l’appartenance de la Pologne à l’OTAN et les guerres auxquelles la Pologne a participé depuis. Piotr Ikonowicz a été condamné à 90 jours de prison pour s’être opposé en 2000 à l’expulsion de leur logement d’un couple d’invalides agés. L’information sur son arrestation a été également confirmée par la police.

Selon son épouse, Agata Nosal, Piotr Ikonowicz va commencer en prison une grève de la faim pour protester contre les violations commises par l’Etat polonais contre les droits humains et l’expulsion de leurs logements de personnes âgées, de malades, de femmes avec leurs enfants. Dans les prochains jours, la Chancellerie de justice sociale avait prévu de proposer au Parlement une modification de la loi sur la protection du droit des locataires.

En 2000, Piotr Ikonowicz, alors député, avait pris part au blocage de l’expulsion de leur logement d’un couple d’invalides âgé à Varsovie. Il a ensuite été inculpé par le propriétaire pour coups et blessures, ce qu’ont contesté plusieurs témoins, y compris des témoins de la parti adverse. Malgré cela, il fut condamné par le tribunal en 2008 à six mois de privation de liberté, au cours de laquelle il était censé effectuer des travaux d’intérêt communautaires. Mais le tribunal a refusé de reconnaître comme tel les activités qu’il mène à titre bénévole au sein de la Chancellerie de la justice sociale où il accorde une aide juridique en faveur des exclus et des Sans logis. A un moment où dans son pays, malgré l’émigration massive de plusieurs millions de Polonais, la taux de chômage reste très élevé, les retards de paiement des salaires généralisés, la corruption endémique, le surendettement systématique, le nombre de sans logis est en augmentation constante, la construction de logements à prix raisonnable s’étant effondrée au cours des deux dernières décennies.

Piotr Ikonowicz avait envoyé peu avant son incarcération une lettre au Président de la République de Pologne, Bronislaw Komorowski, dans laquelle il expliquait que les restrictions à sa liberté l’empêcherait de remplir ses responsabilités de bénévole en faveur des personnes en situation d’urgence et menacées de précarisation, d’expulsions et d’exclusion sociale.

Plusieurs personnalités polonaises connues pour leur engagement en faveur des libertés publiques et des droits sociaux ont demandé au président polonais de signer un décret d’amnistie en faveur de Piotr Ikonowicz. A ce jour sans réponse autre que l’incarcération de ce matin.

Il est urgent dans ce contexte que des voix s’élèvent de l’étranger pour soutenir les rares militants qui en Pologne continuent à lutter depuis le début de la transformation systémique pour un minimum de droit humain en faveur de la masse des précaires, exclus, chômeurs, sans logis.

Bruno Drweski

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