Salaires : Gattaz a encore frappé

samedi 17 mai 2014
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Attaqué sur sa propre rémunération qui a bondi de 29% en 2013, le président du MEDEF a voulu contre-attaquer le weekend dernier.
Pour notre plus grand plaisir.

Pierre Gattaz est décidément très actif sur le front des salaires. L’an dernier, ses bonus ont fait bondir sa rémunération de 29% quand la hausse moyenne des salaires chez Radiall (l’entreprise qu’il dirige) n’était que de 3%. Le Monde fournit quelques compléments d’informations concernant Radiall : « Le bonus attribué au patron s’est en effet amélioré de 610 % en un an. Pendant cette même période, le chiffre d’affaires de l’entreprise n’a lui augmenté que de 6,8 %. »

1. Pierre Gattaz suggère que les salaires ne progressent pas plus vite que l’inflation : dans les colonnes du Journal du Dimanche ce 11 mai, il enfonce le clou : « les hausses de salaire ne doivent pas s’éloigner de 1% ». Dans la logique capitaliste théoriquement et globalement, l’argument parait sensé : si on ne parvient pas à vendre plus cher et que l’on veut préserver sa marge alors on va faire en sorte que les salaires n’augmentent pas plus rapidement que l’inflation. Mais Gattaz fait mine d’ignorer l’amélioration de la productivité et la hausse des ventes en volumes.

2. Dans les faits, l’inflation est basse, très basse, à peine 1%.
A fin mars 2014, l’évolution des prix à la consommation sur un an constatée par l’INSEE était de ... +0,6%. Pierre Gattaz a raison, l’inflation est globalement très faible. La hausse de la TVA sur quelques produits et services en début d’année, décidée par Hollande, n’a eu pour l’heure aucun impact.

Mais Gattaz oublie un peu vite que cette statistique est un agrégat si composite qu’il ne signifie pas grand chose pour le commun des salariés : le prix des produits high-tech s’effondre, « grâce » à la mondialisation (appareils ménagers —2% ; équipements audio-visuels, photographiques et informatiques —7,2 % sur un an) , mais l’inflation qui frappe des biens ou services de première nécessité est bien réelle. A fin mars, sur 12 mois glissants, l’INSEE notait ainsi que les Loyers, l’eau et l’enlèvement des ordures ménagères coûtaient 1,5% plus cher, les transports +1,2% ; mais « les prix de l’énergie et, dans une moindre mesure, ceux de l’alimentation se replient. » ce qui soit dit en passant reste à vérifier.

3. Dans les faits, les salaires augmentent peu en France, et de façon inégale.
Crise oblige, les hausses de salaires sont prévues très modestes cette année 2014. Différentes études réalisées en début d’exercice auprès de DRH le confirment : pour le secteur privé, on évoque 2,5% chez Hay Group ou Mercer ; 2,3% chez le cabinet Towers Watson. Concernant la fonction publique, Manuel Valls a étendu le gel du point d’indice jusqu’à la fin du quinquennat. Ce qui ne signifie pas que les salaires sont gelés, à cause des progressions mécaniques chez certains liées aux changements d’échelon.

L’Observatoire des inégalités rappelait qu’entre 1996 et 2006, « les 0,1 % les mieux rémunérés (environ 13 000 salariés) avaient vu leur salaire mensuel brut progresser (inflation déduite) de 19 374 à 24 000 euros, un gain de 28 % soit 5 426 euros » en une décennie. A l’inverse, pour les 60 % des salariés les moins bien payés, « le gain n’avait pas dépassé les 130 euros ».

Sur une plus longue période, les constats sont pires : en 1975 par exemple, les ouvriers pouvaient espérer rattraper le niveau de vie des cadres en 30 ans. Trente ans plus tard, cet écart est passé à ... un siècle et demi. L’exemple des Fralib qui ont prouvé qu’en 20 ans le salaire moyen de l’entreprise est passé de +46% du SMIC à + 6% est tout aussi parlant.

De façon générale ces évaluations ne comprennent pas d’autres éléments de rémunérations comme les stock options ou la distribution d’actions gratuites.

Enfin, et on allait dire surtout, cela ne prend pas en compte le faible pourcentage des salaires dans le prix final : 10% dans la construction pour une maison neuve, 14,73% du prix d’une C3 de PSA Aulnay, 8% en moyenne à Fralib

4. Les salaires des patrons du CAC40 ont baissé en 2013, bel effort diront certains, opération com’ diront d’autres. Quoiqu’il en soit, et sans revenir sur le fait que de toutes façons la question première n’est pas celle de la répartition des richesses mais de leur possession, par comparaison, les revalorisations de certains patrons ponctuent l’actualité comme de mauvais faits divers. Citons Denis Kessler, PDG du groupe de réassurance SCOR (+64%), et, bien sûr, Pierre Gattaz.

Pour justifier, deux arguments sont régulièrement avancées : le « marché des cadres dirigeants », forcément international et, surtout, les « bons résultats » des entreprises concernées.
« Mon salaire fixe a été augmenté de 3 %, et celui de mes salariés de 3,3 %. C’est ma rémunération variable qui a augmenté. Elle est liée aux résultats de mon entreprise Radiall, qui sont très bons et que je réinvestis intégralement » Pierre Gattaz

Ce dernier point est essentiel : primo, les instances patronales - et leurs supporteurs médiatiques - évacuent totalement la question de la généralisation des bonus dans l’entreprise : pourquoi tous les salariés de l’entreprise Radiall ne bénéficieraient-ils pas également d’un bonus de 30% comme leur patron au titre des bonnes performances de l’année ? Secundo, jamais ô grand jamais ne sont communiqués au grand public (ni même aux assemblées générales des actionnaires) les critères de performance qui permettent de tels bonus : défense de l’emploi ou progression des dividendes ? Rentabilité ou cours de bourse ?

5. L’insistance à ne traiter que du coût du travail et jamais du capital est éloquente : en 20 ans (1992-2012), la rémunérations des actionnaires (ie. le montant des dividendes distribués) a été multipliée par 7. Sur 10 ans, les seules entreprises du CAC40 ont augmenté leurs dividendes de 21 milliards en 2003 à 36 milliards en 2013, soit une croissance annuelle de 5,5 %.

D’après un article de Juan S. le 14/05/ 2014

transmis par Linsay



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