La Grèce dans la tourmente

mercredi 11 mars 2015
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« Les socialistes français, c’est comme les pigeons de la cathédrale. Quand ils sont en haut, ils vous chient dessus. Quand ils sont en bas, ils vous bouffent dans la main. » Propos attribués à Martin Schulz, président du Parlement européen.

Une fois de plus la Grèce se signale par la détresse de son peuple après la victoire de Syriza qui nous a fait croire que les choses pouvaient changer. « La Grèce de l’Antiquité écrit Jean-Marie Berniolles, a été le berceau miraculeux d’une philosophie dépouillée d’une spiritualité, d’un recours au divin qui étaient pourtant partie intégrante de la culture grecque. La Grèce a ainsi légué à l’Europe, une philosophie, une pensée, une culture profondément méditerranéenne qui a été prolongée par la civilisation arabe à son apogée après Rome, qui lui ont permis de développer les sciences, la littérature, les arts... indépendamment d’une église par ailleurs très pesante. En cela nous devons beaucoup à la Grèce. Changer la société, ce qui est un impératif parce que le système ultralibéral a mis l’humanité à l’arrêt au niveau économique et l’a dégradée sur le plan de la morale, alors que pour survivre elle doit s’adapter et progresser, nécessite une profonde réflexion notamment sur les mécanismes d’exploitation des peuples et de l’être humain. » (1)

« Des premières aides de plusieurs centaines de milliards à l’arrivée du parti-austérité, Syriza, au pouvoir en passant par les vives tensions avec ses partenaires européens et notamment l’Allemagne, revivez la chronologie de cinq années de crises profondes en Grèce dont l’avenir au sein de la zone euro reste incertain. D’abord, un déficit qui explose. Puis, des aides financières colossales conditionnées par des mesures drastiques. Exaspérée de payer pour des riches exonérés d’impôts, asphyxié financièrement, les Grecs se tournent fin janvier vers celui qui leur promet de mettre fin à « cinq années de souffrances et d’humiliations » : Alexis Tsipras, chef de file du parti de gauche. Le nouveau Premier ministre doit s’incliner face à la « realpolitik » européenne qui lui accorde quatre mois de sursis mais lui a fait renoncer à ses principales promesses de campagne. Ce qui provoque la colère des Grecs qui n’hésitent pas à parler de « trahison » et celle de certains de ses...propres ministres. Et pour enfoncer le clou : la validation définitive de l’accord est suspendue, une nouvelle fois, à l’humeur de députés...allemands. Une vraie tragédie grecque ! » (2)

Quelles sont les raisons de ces échecs ?

J.M.Berniolles pense que « L’échec de méthodes traditionnelles devrait inciter les états-majors syndicaux, ainsi que les partis politiques engagés dans des projets de changement de système, à réfléchir et à proposer des analyses ouvrant la voie à des méthodes de luttes plus efficaces. Il n’en est rien et nous verrons que Syriza s’est présenté à cette phase d’affrontement avec les représentants du système, complètement démuni à cause d’une absence totale de réflexion de fond qui l’a empêché d’utiliser des atouts majeurs. Avec, en plus, la croyance naïve qu’il lui était possible de diviser les pays des traités européens et notamment de s’appuyer sur la France, afin de contrer l’Allemagne, le gardien rigide d’un système ultralibéral maintenant inscrit dans les institutions européennes. » (1)

« La grande capitulation des responsables politiques devant le système a notamment permis aux banques privées de mettre la main sur la monnaie. Un laxisme complet a permis à l’ingénierie financière de créer beaucoup de produits dérivés, d’utiliser des paradis fiscaux et des filières de transferts de capitaux discrètes. (...) Aujourd’hui nous sommes sous le joug d’un capitalisme financier qui se trouve au-delà des pays, y compris l’Angleterre et les EU qui abritent les deux plus grandes places financières, et qui n’est pas rattaché à une culture... Une sorte de pouvoir supérieur occulte. Dont une arme majeure est constituée par son emprise sur la monnaie. (...) La Grèce est devenue le pays des accords européens le plus sinistré. A partir d’un premier défaut de paiement en 2012, dont la charge a été renvoyée sur le secteur public, les exigences de l’eurogroupe et l’action de la Troïka, BCE, Commission européenne et FMI, ont conduit à la ruine de ce pays avec une chute vertigineuse de son PIB, un appauvrissement dramatique de sa population et un littéral dépeçage de ses richesses au profit d’intérêts privés. (...) Parce que la Grèce est incapable de payer même les simples intérêts de sa dette et d’avoir une mince marge de manoeuvre budgétaire. Il s’agit aussi d’imposer à la Grèce de ne pas revenir sur les privatisations qui permettent aux intérêts privés d’exploiter les richesses grecques. L’emblématique membre de Syriza, Manolis Glezos, ne s’y est pas trompé qui a dénoncé un habillage de mots pour cacher une capitulation devant l’eurogroupe. » (2)

La capitulation grecque

C’est par ces mots guerriers et sans concession, qu’Eric le Boucher, avec une rare délectation, s’est fait plaisir et avec un langage qui ne l’honore pas, traite d’une façon désinvolte la douleur du peuple grec et les tentatives de ses leaders de garder un semblant de dignité face à une Allemagne représentée par son ministre des Finances Wolfgang Schaüble, qui ne connaît qu’un mot « Nein ! ».

Nous lisons : « Contrairement aux rodomontades, le gouvernement grec a fini par accepter les conditions de la troïka. Une dure leçon pour les populistes d’extrême gauche comme d’extrême droite. Le quotidien allemand Bild raconte cette histoire inouïe. Le gouvernement grec a envoyé une lettre à Bruxelles, jeudi 19 février, qui énumérait ses nouvelles propositions dans la difficile négociation avec ses partenaires, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI. La fameuse troïka dont le gouvernement grec ne voulait plus entendre parler ! Une lettre de capitulation sous conditions : Athènes accepte de se plier à l’intégralité de ce que demande la troïka mais que c’est provisoire, il y aura des inflexions à venir ». L’Allemagne sitôt cette missive connue a répondu sèchement : c’est " nein ". (...) La Grèce doit revenir à la situation d’avant-l’élection législative, au programme d’aide signé par son prédécesseur. Point. Et c’est l’accord qui a été finalement conclu vendredi 20 février en dépit des tentatives de communication d’Athenes pour sauver la face. » (3)

Prenant le parti de l’Allemagne – toujours du côté des forts – il écrit : « Ce qui est devenue l’hystérie allemande contre les Grecs de Syriza, à force d’avoir été insultés, constamment comparés aux nazis, et appelés « à payer », toujours « à payer » pour un pays qui triche en permanence et qui continue de filouter avec les disciplines européennes. J’avais vu cette colère monter en Allemagne mais je n’imaginais pas qu’elle avait atteint ce niveau. Les Grecs le paient cher. La deuxième leçon vient de l’incroyable impréparation de Syriza. Ce parti populiste prétendait gouverner son pays sur une ligne opposée à celle de ses prédécesseurs depuis le début de la crise des dettes en 2010. (...) Il croyait que le peuple grec ayant voté, tous les autres peuples européens, soit allaient se soulever pour les rejoindre, soit allaient accepter le nouveau programme du valeureux gouvernement Tsipras. C’était une naïveté complète, une méconnaissance totale des lois européennes, une erreur grave sur le rapport de force (...) Le malheur vient non pas du constat. (...) Le ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, a passé son temps à faire le gros malin dans les réunions, sur les TV et sur les réseaux sociaux, sans avoir de programme précis, concret, qui sache jouer finement avec les engagements passés, et qui soit acceptable. (...) Son pays paie aujourd’hui très fort ses fanfaronnades et sa totale incompétence. (...) Mais voilà, le succès des populistes vient de ce qu’ils vendent du rêve... Que leurs électeurs regardent ce qui s’est tristement passé en Grèce. » (3)


Nous n’envisagerons jamais une sortie de la zone euro a déclaré Yanis Varoufakis (ministre des finances) à Paris Match. ici lors de son arrivée à Bruxelles.

La santé économique de l’Allemagne

On sait que les pays du Sud de l’Europe ont une santé économique et financière chancelante comparée aux pays du « Nord » Justement parmi ceux-ci la locomotive de l’Europe, l’Allemagne affiche une santé économique insolente. « Tous les comptes publics de l’Allemagne sont au vert. L’excédent des comptes publics s’est révélé légèrement plus important que prévu, à +0,6% du PIB en 2014. Au total, l’Allemagne fait état de recettes supérieures de 18 milliards d’euros à ses dépenses. Après la croissance révisée à la hausse à 1,6% et un excédent commercial record à 217 milliards d’euros. Avec un an d’avance le gouvernement d’Angela Merkel est parvenu à équilibrer son budget dès 2014. De la Commission européenne au FMI, on souhaiterait que Berlin utilise ses marges de manœuvre budgétaires pour stimuler davantage la croissance européenne. » (4)

La situation sérieuse de la dette de la France

Dans la même charrette que les pays du Sud, on trouve la France qui fait cependant l’objet d’un traitement spécifique . Un autre mordu du néolibéralisme, Jean- Marc Sylvestre fantasme sur le couple franco-allemand et s’en prend à la gauche d’après lui responsable de la situation économique peu enviable de la France. Ecoutons-le : « La situation économique comparée dans les deux pays qui est sans doute le premier sujet de discussion et de vexation. L’économie allemande et surtout les entreprises allemandes ont désormais les moyens d’organiser des rattrapages de salaires importants, notamment dans l’industrie avec un smic qui est désormais plus élevé qu’en France. (...) Ceci étant, le gouvernement allemand et le ministre de l’Economie acceptent de plus en plus mal les critiques qui leur sont adressées, et la majorité de ces critiques à peine feutrées viennent de France. Encore un effort, mais le Parti socialiste français est parti pour prouver que si l’Allemagne est devenue aussi forte c’est en affaiblissant les autres pays de la zone euro. Pas mal. Ils sont riches parce que nous (qui) sommes pauvres. Bravo ! ». (5)

« Que de lâchetés, laxisme, mensonges et erreurs insultantes vis-à-vis de l’Allemagne de notre côté ! Comment pourrons-nous jamais rattraper les conséquences des mensonges, louvoiements et autres manoeuvres de basse politique de ceux que nous appelons nos dirigeants ? Même caricatural, Martin Schulz a trouvé le meilleur raccourci possible et il a raison ! Les exécutifs de gauche français et grec (ordre alphabétique :-) sont dans la même logique de roublardise et de gain de temps (en espérant un miracle). Ils ne maîtrisent rien et essayent toutes les combines les plus foireuses pour faire illusion auprès de leur électorat bas de plafond. Les Grecs finiront par quitter l’Europe et l’Euro...mais auront gagné quelques mois (et quelques millions) et partiront avec une dette encore un peu plus grosse en faisant un bras d’honneur ! La chancelière n’a d’autre choix que de les laisser se vautrer dans leur bauge et de « laisser faire la nature » ! » (5)

Le déficit budgétaire supérieur à 4%

Pourtant cette année la France a été aidée d’une façon conséquente par la baisse drastique des prix du pétrole qui lui a fait gagner 8 milliards d’euros. Selon une dépêche de l’AFP du 25 janvier. Bruxelles a accordé mercredi, de justesse, un nouveau délai à la France jusqu’en 2017 pour ramener son déficit sous la barre des 3%, mais entend serrer la vis au pays abonné aux dérapages budgétaires.

Curieusement le deux poids, deux mesures s’applique à la deuxième économie de la zone euro qui a jusqu’ici toujours bénéficié de la clémence de la Commission : elle a déjà obtenu deux délais pour ramener son déficit sous 3% et son projet de budget 2015 n’a pas été retoqué malgré des insuffisances en termes de réduction du déficit structurel.

Une situation, lit-on la dépêche de l’AFP qui irrite ses partenaires, qui y voient un traitement de faveur. Le scénario d’un délai de trois ans hérissait au plus haut point certains membres de la Commission, dont son représentant allemand Gunther Oettinger, chargé de l’Economie numérique. Lundi, dans les pages du quotidien économique Handelsblatt, il protestait contre le possible octroi d’un tel répit à Paris. L’objectif pour 2017 est jugé peu crédible par de nombreux analystes, compte tenu du calendrier politique. La France se montre sereine sur sa capacité à réduire son déficit public à 3% du PIB d’ici 2017 après un énième sursis (...) Une largesse de trop pour de nombreux pays européens qui ont été contraints à des efforts budgétaires sur des périodes plus courtes et soupçonnent un traitement de faveur. »

Pour rappel La dette de la France progresse plus vite que son PIB. De 1980 à 2010 elle est passée de 20% à 80% du PIB. Les remboursements deviennent lourds : près de 50 Mds par an. Toutes les recettes de l’impôt sur le revenu ne suffisent pas au remboursement de la dette. La barre des 2000 milliards s’approche, elle pourrait être franchie cette année.

On comprend alors la colère des Allemands face à ce traitement d faveur visà vis de l’Allemagne par le commissaire européen Pierre Moscovici : « La décision de Commission européenne d’accorder à Paris deux ans supplémentaires pour réduire son déficit public a suscité les critiques acerbes du centre-droit allemand, qui dénonce une application des règles budgétaires à la carte. La France aura un peu plus de temps pour ramener son déficit public sous la barre des 3 % de son PIB annuel en échange de nouveaux efforts sur le front des réformes économiques et d’une réduction plus importante que prévu du déficit structurel (hors effet de conjoncture) en 2015. La « clémence » de la Commission face à Paris, mauvais élève du respect des règles du Pacte de stabilité et de croissance depuis des années, n’a pas été du goût de tous. Au Parlement européen, Herbert Reul, le président du groupe de centre-droit allemand, parle d’une « déception amère » (6)

Angelika Niebler, présidente du groupe de l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) au Parlement, a également exprimé sa déception face à la décision de la Commission. La Commission ne remplit pas son rôle de protecteur du pacte de stabilité et de croissance, a-t-elle déclaré. (…) Les États membres aussi étaient hésitants à ce sujet. Le fait que la Commission utilise son pouvoir de décision pour agir en faveur des mauvais élèves en matière de déficit et ce, sans aucune sanction, est une provocation », s’est indignée Angelika Niebler. Pour Herbert Reul, il peut paraître « déroutant qu’un gouvernement rebelle comme celui de la Grèce se retrouve piégé dans un litige concernant sa dette, alors que les cas d’autres pays sont maniés avec des pincettes ». (6)

Justement, Michel Lhomme résume d’une façon magistrale l’amère réalité du mythe de Sisyphe grec Nous l’écoutons : « L’accord intervenu à Bruxelles, entre la Grèce et les 18 membres de l’Eurogroupe, ne serait-il pas un modèle de mensonges et d’impostures ? (...) La Grèce demeure plus que jamais dans l’impossibilité de rembourser ses dettes et aucune réforme interne ne peut lui permettre de retrouver sa compétitivité économique étranglée par une monnaie unique inadaptée. (...) Le diktat imposé par l’Allemagne pour poursuivre la dévaluation interne, qui est en fait une véritable purge pour le peuple grec, est à proprement parler une déclaration de guerre à tous les peuples du Sud de l’Europe et indirectement à la France de demain. (...) Depuis plus de cinq ans, l’austérité décidée par le FMI et ceux que l’on nomme la « troïka » ont provoqué des dégâts insupportables pour la société grecque. Les responsables sont les prévaricateurs, ceux qui, en complices de la banque Goldman Sachs, ont détourné les finances publiques, et l’institution européenne elle-même, pervertie par les lobbies financiers, qui a détruit l’économie grecque déjà fragile en anéantissant l’agriculture, en favorisant la concentration urbaine sur les métropoles. (...) Au rythme actuel de ses remboursements, la Grèce ne pourra jamais de toute façon rembourser cette dette, largement supérieure à son PIB. La solution est dans l’annulation pure et simple des dettes comme dans le cas des pays d’Amérique latine dans les années 80-90 (...) » (7)

Malgré ses douze travaux d’Hercule, du fait du mythe de Sisyphe toujours recommencé avec une dette ingérable, c’est de fait une victoire à la Pyrrhus que la victoire de Syriza. Sombres jours pour le peuple grec à moins d’un miracle car les peuples européens ne sont pas encore mûrs pour briser leurs chaînes.

Chems Eddine Chitour le 10/03/2015

Transmis par Linsay




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