Le silence du week end : un fructueux moment d’amitié et de luttes

mardi 2 juin 2015
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Danielle nous envoie ses impressions de la fête...

Pendant que Marianne se démultipliait, d’abord le samedi au rassemblement devant l’Assemblée nationale, un rassemblement pour dire au nom des communistes la volonté de rompre avec l’UE, l’euro, le non rafistolage possible de tout ça, j’entendais à Marseille des travailleurs en lutte dire la même chose à partir de leurs combats quotidiens et de leurs victoires. Le dimanche Marianne se rendait à un débat matinal sur l’Ukraine. Le bon côté c’est qu’il avait lieu, le mauvais d’après ce qu’elle m’a dit était le caractère plus que confus de certaines interventions fort heureusement recadrées rapidement mais qui témoignent aussi de l’inertie dans l’action qui bloque encore les communistes. L’inertie dans l’action voilà ce que les travailleurs en lutte à Marseille ne supportent plus, l’inertie dans le compromis perpétuel avec le patronat, les bureaucrates de Bruxelles, des gens qui les trahissent systématiquement..

Voilà où samedi je devais faire le débat autour de notre livre à Marseille, dans les Moulins Maurel, en lutte pour empêcher la fermeture… En fait c’était le rassemblement des luttes, on en croisait dans tous les stands, de l’hôpital nord aux Sucreries Saint Louis, aux marins de La SNCM… Le débat était en harmonie avec l’assistance, un enthousiasme provoqué par quelques orateurs de choc comme le responsable du syndicat CGT de la SNCM ou Charles Hoareau. Ce dernier est capable de vous dire avec son accent inimitable : « Moi j’ai rien contre les Suédois, j’ai d’autant plus rien contre eux que je n’en connais pas, en revanche je connais les Algériens, les Commoriens et plein d’autres, je me demande pourquoi ils veulent toujours traiter avec des Suédois et pas les autres ? »

A Marseille on s’interroge spontanément sur les nouveaux rapports sud-sud, sur le cadre destructeur de l’Europe que l’on nous impose alors que les Marseillais donnent concrètement d’autres horizons à la mondialisation. Le responsable syndical des marins lui non plus ne mâche pas ses mots, il dit « au lieu de nous parler immigration, donnez les mêmes droits aux immigrés qu’aux travailleurs français, ça sera plus juste pour eux et moins rentable pour le patronat. » Mais ce qu’il dénonce c’est l’Europe, l’UE, cette machine à produire du chômage et de la concurrence entre les travailleurs. Il y a là environ 500 personnes, un public ouvrier, des employés de l’hôpital nord, les ex-Fralib, et bien d’autres. C’est le parti que j’ai toujours connu et que j’aime parce qu’il n’y a pas de faux semblant, c’est direct et on ne cède pas. Comment vous dire ce sentiment d’être chez moi auprès des miens, ceux qui à moi l’intellectuelle, le prof d’université, ont tant apporté, ce fut mon laboratoire de sociologie et je continue à me nourrir de nos échanges. Si je vais dans les terres lointaines avec Marianne pour interviewer les petites gens qui se débattent dans les pires difficultés c’est parce que pendant des années j’ai été nourrie des échanges avec mes copains ouvriers de ma fédération des Bouches du Rhône et ils sont là entêtés, chaleureux…

Comment vous dire l’ambiance qui règne, la victoire des ex-Fralib a donné de la force à tous les autres… Il y a des stands et chacun abrite une lutte aux côtés de stands d’associations diverses avec une forte composante africaine et palestinienne… Quand ma copine de Port de Bouc me dit « le problème avec les musulmans c’est qu’ils s’isolent dans leur communautarisme », je sais qu’il n’y a aucun anti-islamisme.

D’ailleurs dans mon débat sur notre livre, un jeune homme me demande « Qu’est ce que vous pensez de Soral ? » je lui réponds « C’est une ordure raciste ! », la salle applaudit et alors me vient une de ces phrases que j’ai dans la tête depuis plusieurs jours sans oser la prononcer et qui là me parait évidente : « Le racisme c’est la plus admirable des vaseline que le capital a trouvé pour nous le mettre ». Je suis interloquée moi-même et la salle hurle de rire, un copain me crie « Là Danielle tu donnes dans la poésie pure »… et je me sens tout à coup soulagée, débarrassée de toutes ces hypocrisies de dame patronnesse sur un antiracisme qui n’est que paternalisme et bonne conscience, ici l’antiracisme a un fondement de classe comme le marin qui réclame des droits égaux pour tous.

Oui mais voilà il y a un vrai problème et je ne l’ai pas plus qu’eux résolu… Rares sont ceux qui sont encore au parti… Moi aussi je n’y suis plus d’ailleurs pour les mêmes raisons qu’eux, parce que j’ai été dépossédée, réduite à des parlotes qui ne mènent nulle part… Comme eux le parti reste ma maison mais ils m’ont fait comprendre que je n’étais plus chez moi. L’article de l’Huma sur notre livre par parenthèse fait l’unanimité chez ceux qui lisent encore ce journal : « ces types sont des minables, il fallait qu’il fasse de vous des vieilles nostalgiques, ils ne parlent jamais du fond, ils critiquent et font courir des rumeurs… » Oui mais voilà le problème est là. A un moment un mini débat s’engage parce que reflétant l’atmosphère générale de l’assistance il est question de déserter les urnes dont on n’attend plus rien, non seulement du PS, mais du PC et du front de gauche qui manifestent trop de complaisance pour le PS.

C’est très concret, il est question d’un voyage à Saint Nazaire pour des bateaux en construction… Je leur pose la question de l’isolement de leurs luttes tant qu’il n’y aura pas un parti politique digne de ce nom…. On leur parle PCF à reconstruire, nécessité d’un parti et ils répondent Front de Gauche… Moi qui n’ai pas de solution je leur dis en substance : vous savez bien l’importance de la question du pouvoir, si vous ne la posez pas on vous isole et on tue toute votre combativité, alors le problème est simple : « ou vous avez la force de construire un parti communiste tel que nous en avons besoin aujourd’hui, ou alors vous vous donnez les moyens de reprendre celui dont on vous a dépossédé ? »

Un peu plus tard commence notre débat, au début nous ne sommes pas plus d’une quinzaine puis peu à peu le coin abrité que l’on nous a réservé se remplit et donne lieu à un véritable échange comme je les aime. Pourquoi Est-ce que nous avons fait ce livre, quel combat, quels résultats. Dans le fond il s’agit bien du prolongement du débat précédent sur le cadre géographique et politique des luttes. Il ne s’agit pas de nostalgie de l’URSS. Quand on se bat la nostalgie encombre. Je cite l’expérience cubaine, les camarades qui m’ont dit que j’étais une romantique, une nostalgique quand en 1994 je leur parlais de Cuba… Et pourtant cette petite île a réussi à faire plier l’empire… Parce qu’ils étaient les plus réalistes, s’ils avaient été nostalgiques, ils n’auraient pas tenu une heure, mais leur force a été de tout suite apprécier le changement et les conditions nouvelles de la bataille justement les rapports sud-sud… la nostalgie n’est qu’un encombrement pour ceux qui veulent résister. Autre chose est d’apprécier à sa juste valeur ce que le communisme a réellement apporté à ceux qui l’ont vécu. Autre chose est d’ouvrir le dialogue avec ceux qui ont cette expérience et qui continuent à lutter…

D’ailleurs, ils le savent bien, je n’ai pas besoin de m’étaler sur le sujet. Ils savent que si la direction du PCF et plus encore l’Humanité est passé d’une position déshonorante face aux combats de nos camarades ukrainiens, de ceux de Russie, à un autre discours (pas encore de l’action mais une autre attitude), ils y sont pour quelque chose. Il a suffi que j’interpelle à notre retour de Crimée, d’Ukraine et de Moldavie, un certain nombre d’ilots de résistance communiste pour que la tournée des mères et des camarades d’Odessa ait lieu. Si le PCF a changé c’est parce qu’il était obligé de changer face à ses alliés grecs et espagnols, mais aussi parce que de partout, du Pas de Calais, du Nord, du Rhône, de Vénissieux, d’Aquitaine, du Tarn, de Nice, de Paris et de bien d’autres endroits, la résistance est montée, le refus de laisser tomber nos camarades dans le malheur et luttant contre le fascisme… Nostalgie certainement pas, mais combat de toujours et refus de se laisser ligoter par l’opinion bourgeoise sur ce que nous sommes autant que ce que nous avons été.

On nous place dans un lieu qu’on estime plus propice au débat et nous le menons Chantal et moi avec en fond un slogan qui concerne visiblement le PDG des moulins Maurel : « Martin Vendu »… Je peux leur dire le fond de ce qui me motive et qu’ils comprennent : « Vous avez dit la nécessité de faire la jonction des luttes et cette journée prouve que sur Marseille et le département vous y arrivez… Oui mais il y a la France et sa résistance à l’UE. Il y a l’Europe, la grande Europe jusqu’à l’Oural où désormais le fascisme, le vrai, la répression dans laquelle on perd son emploi, sa vie, son logement devant une bande de voyous et l’appel à des mercenaires étrangers et la guerre se développent. On parle du plombier polonais devenu l’ouvrier ukrainien à 200 euros par mois, installé dans un baraquement, surveillé par les voyous de l’ambassade ukrainienne… Cela va avec la propagande des médias qui tait le massacre d’Odessa, celui des civils dans le Donbass. »

Je tente de leur expliquer que je ne peux pas grand chose pour répondre à la question du parti indispensable mais ce que je peux faire c’est tenter d’ouvrir leurs luttes face à la mondialisation capitaliste. On ne peut pas ignorer cette mondialisation, d’ailleurs ils ne parlent que de ça, les délocalisations, l’immigration, la mise en concurrence des travailleurs… Alors aucun d’entre nous n’est à la recherche d’un modèle mais bien d’un échange d’expérience entre ceux qui partout se battent. Notre livre ne dit pas il faut faire ça ! Il leur présente la manière dont ceux qui leur ressemblent et qui ont vécu la trahison des directions communistes reprennent le combat…

Sans eux, sans leurs luttes, leur détermination, rien ne se fera et il faut que monte de partout la même volonté pour que les choses changent… Et il leur en faut de la volonté avec tous ceux qui pratiquent l’inertie au meilleur des cas… 500 personnes, pas le moindre représentant de la fédération du parti communiste des Bouches du Rhône, alors qu’il y a le parti de gauche… Un copain vend la Marseillaise mais je ne vois pas de journalistes pour le compte-rendu… Alors leurs luttes, c’est formidable, mais ce n’est pas assez encore même si ça a de l’écho. Ma famille algérienne vient me chercher, je dors chez eux pour la fête des mères, le frère de mon gendre me dit : « Tout cela c’est spéculation et compagnie. Ces Moulins sont rentables mais ils veulent livrer le terrain à la promotion immobilière ! Ils ont raison de se battre ! » Je lui réponds « mais pourquoi tu n’es pas venu au meeting ? Il me répond, je travaille tous les jours (il pose des plafonds et des cloisons en placoplatre, un artisan qui s’auto-exploite), je n’ai pas le temps, mais cela ne m’empêche pas de me renseigner… »

Peu après, la discussion vient sur la manière dont on caricature les gens comme lui. Ce qui le bloque n’a rien à voir avec le communautarisme, c’est qu’il ne voit pas de perspective. Il en a marre des histoires du voile et il dénonce son utilisation, la caricature : « Elles ressemblent à Belphégor, c’est de la provocation… C’est comme Daech… C’est les américains ! »

Je n’arrive pas à comprendre pourquoi ma famille algérienne, passionnée de politique, tout à fait d’accord sur le fond avec ces luttes n’est pas là pourquoi ils m’ont amenée et sont venus me chercher mais sans vouloir entrer… Pourquoi ils en sont à vouloir voter Juppé après avoir voté Hollande… Tout en me disant : « C’est insupportable la gauche qui insulte la droite, la droite qui insulte la gauche et personne qui ne parle de nous ! Des problèmes de notre vie. » Il y a quelque chose de l’ordre d’une mayonnaise qui a du mal à prendre… Ils sont d’accord avec les luttes du moulin Maurel, ils se réjouissent de la victoire des Fralib, mais ce n’est pas leur problème, c’est celui des ouvriers de ces entreprises qui ont toute leur sympathie mais qui ne sont pas eux… Voter c’est autre chose Juppé a l’air posé, digne… Pourquoi on lutte, pourquoi on vote ? Ce qui manque là encore c’est un parti communiste, un vote qui puisse donner un résultat, l’intérêt général, le leur et celui de tous…

Danielle Bleitrach


Tandis que l’Humanité se déshonore selon l’avis général en publiant un article sur nous qui dépeint en vieilles anglaises complètement dépassées, des nostalgiques de l’URSS, pour mieux vanter quelque groupuscule gauchiste… pour s’allier avec des bobos dames patronnesses, la réalité de ce qui se passe en Ukraine est là… L’Ukraine, le fascisme ce n’est pas seulement de sombres crétins en train de faire le salut nazi, ce sont des tortures innommables comme en témoigne un rapport d’Amnesty internationale que nous publions par ailleurs. Je signale qu’après un weekend passé à entendre les deux pitres de service que sont Cohen Bendit (que prépare son retour à la tête des verts) et Bernard Henri Levy, le somptueux cornichon de la CIA passer en boucle sur BMTV dans le rôle des « amis de la Russie » soutenant la démocratie en Ukraine et cherchant à installer la même en Russie, que nous avons appris Marianne et moi que notre blog et nous-mêmes étions sur la liste noire de ces ordures de fascistes ukrainiens. Désormais pour nous rendre dans le Donbass, il faudra passer par la Russie, faute de quoi notre sécurité n’est plus assurée. C’est ce que nous ferons cet été… Il nous manque réellement un parti communiste…



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