Sarkosy, l’homme qui voulait ressembler à Bush.

lundi 18 octobre 2010
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Similarités dans le discours, même gestuelle triomphante... Le ministre de l’Intérieur français a mis à profit son séjour américain pour se rapprocher encore de son modèle, estime le chroniqueur américain Roger Cohen.

Un homme politique infatigable est venu à New York pour la commémoration des attentats du 11 septembre 2001. Ami fidèle d’Israël, il est fermement convaincu de la vitalité de l’économie américaine et ne mâche pas ses mots, même s’il arrive parfois à sa langue de fourcher. Il a félicité les pompiers de New York, remis quelques médailles, participé à une cérémonie religieuse et fendu la foule d’un pas alerte. Non, cet homme n’est pas George W. Bush, c’est Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur français et l’homme qui veut révolutionner le pays le plus conservateur d’Europe en accédant au palais de l’Elysée lors de la prochaine élection présidentielle. Révolutionner la France avec une bonne dose d’américanisme, s’entend.
Choisir de marcher sur les traces de George W. Bush, l’homme que la France adore haïr, à l’occasion d’une journée solennelle du souvenir pour les Américains, n’est pas à la portée de tout le monde. Mais Sarkozy a peut-être mis là le doigt sur quelque chose. Il comprend l’hypocrisie de la société française, où ce qui se dit à haute voix ne reflète pas toujours ce qu’on pense au fond de soi. Il est conscient de la colère contenue des Français, qui sont ravis de voir enfin un homme politique bousculer le politiquement correct et se tenir fermement aux côtés de quelqu’un. Une admiration secrète pour George W. Bush se cache-t-elle quelque part dans l’Hexagone ? Je le crois. En tout cas, l’échiquier politique présente de troublantes similitudes des deux côtés de l’Atlantique. A ma droite, un homme pugnace un peu hargneux qui aime asséner ses opinions - entendez George W. Bush ou Nicolas Sarkozy. A ma gauche, une femme intelligente qui s’exprime avec aisance et se rapproche du centre aussi vite que le lui permettent les convenances et un parti plus ou moins fossilisé - comprenez Hillary Rodham Clinton ou Ségolène Royal. Qui a dit qu’une des raisons pour lesquelles la France et les Etats-Unis ont tant de mal à s’entendre est que ces deux pays se ressemblent plus que ne le laissent croire les apparences ? Personne. C’est pourtant la vérité.
Une chose est sûre, Nicolas Sarkozy a clairement fait des emprunts à Bush. Son discours devant les fidèles de l’UMP cet été avait clairement des accents bushiens, à la seule différence qu’il visait les soixante-huitards français et non les crânes d’Å“uf progressistes qui sillonnent en Volvo la côte Est des Etats-Unis. Les deux hommes se plaisent également à répéter le même mot qui endort le cerveau mais se révèle politiquement efficace. Dans le cas de Bush, c’est évidemment le terme de “liberté”. Pour Sarkozy, c’est celui de “rupture”. Ce dont la France a besoin, a-t-il martelé, c’est d’une rupture dans notre comportement, une rupture dans nos méthodes, une rupture dans notre façon de débattre des idées, afin de créer un “nouveau modèle français”. Pour cela, estime-t-il, il faut d’abord en finir avec cette répugnance bien française pour le libéralisme économique “anglo-saxon”, c’est-à-dire américain. Sarkozy s’est même révélé assez drôle en parlant de cette aversion des Français pour le capitalisme américain, notant que sa présence à New York faisait grincer des dents en France. Pourquoi, a-t-il souligné, alors que son objectif est de ramener le taux de chômage français à 5 %, se priver d’aller chercher l’“inspiration” dans un pays où la proportion de chômeurs tourne justement autour de ce taux ? Et, étant donné qu’il souhaite un système démocratique apportant à la fois “stabilité et mouvement”, pourquoi ne pas passer un peu de temps dans un pays dont la vie politique semble correspondre à cette description ?

Un improvisateur, un vendeur, un homme de spectacle

J’ai dit un peu plus haut que la France est le pays le plus conservateur d’Europe. Un pays où aucune alternance n’est possible - à cause de l’énorme chevauchement idéologique entre les deux grandes familles politiques - est un pays intrinsèquement conservateur. Un pays, qui plus est, englué dans le statu quo d’un Etat dominé par les fonctionnaires.
Mais, à l’évidence, Sarkozy reste français. Lorsqu’il était ministre des Finances, il a affirmé qu’une déréglementation massive à la Margaret Thatcher n’avait pas ses faveurs. Néanmoins, il apporte une bouffée d’air frais. Les terroristes, a-t-il affirmé à New York, sont des assassins, des barbares sans foi ni loi, et rien - ni la misère ni la situation des Palestiniens, rien - ne peut expliquer ce qui est arrivé le 11 septembre. Le danger, a-t-il ajouté, est qu’un début d’explication risque de s’apparenter à des excuses. On peut être d’accord ou non avec cela. Mais, au moins, on sait d’où vient le bonhomme. La langue de bois, ce n’est pas son genre. Parce qu’il n’a jamais étudié dans les grandes écoles, Nicolas Sarkozy n’a pas appris comment élaborer un argument en sept points, puis à passer péniblement ceux-ci en revue un par un. Non, c’est un fils d’immigrés arrivés dans ce pays d’immigrés, un improvisateur, un vendeur, un homme de spectacle, un puissant missile pointé vers le cÅ“ur d’une France pompeuse.
Tony Blair, qui a révolutionné le Parti travailliste en Grande-Bretagne, va quitter la scène politique dans les mois à venir. Nicolas Sarkozy, qui est en mesure d’imposer une réinvention du gaullisme non moins radicale que ne l’a été le bouleversement travailliste pour les Britanniques, pourrait bien être sur le point de se faire élire. Les sondages le donnent favori à droite et le placent au coude-à-coude avec Ségolène Royal au second tour. Il tiendra sans doute des propos gaffeurs avant l’élection, mais les admirateurs secrets de Bush en France ne lui en tiendront pas rigueur. Le président américain pourrait alors terminer son second mandat avec Paris comme plus fidèle allié européen. Ce qui, si l’on en croit le mythe franco-américain, serait dans l’ordre des choses.

Source : Roger Cohen
International Herald Tribune

Transmis par : Linsay



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