Qui a encore peur de notre dette sociale ?

dimanche 29 octobre 2006
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Quand la dette de notre « modèle social » sert de pompe à finance au marché.

LA FRANCE TROP ENDETTEE ? C’est la vérité Monsieur le juge, les français ont un « modèle social » qui coûte trop cher... Trop de santé, trop de protection de l’emploi, trop de retraites, trop de prestations chômage, trop de services publics, trop de soutien de l’Etat. Il faut une « rupture sarkozienne », tendance royale... Il faut réformer : en allongeant la durée de la vie active et en baissant les prestations retraites (trop de vieux), en supprimant les régimes spéciaux (SNCF), en flexibilisant l’emploi, notamment des jeunes (CPE), en réduisant les charges de sécurité sociale et de retraites payées par les entreprises(1), en baissant l’impôt des plus riches et enfin, en libéralisant notre économie en vue de rétablir notre compétitivité. Si ce programme n’est pas appliqué, notre pays va au déclin (déclinologues), à la catastrophe, droit dans l’abîme. Qui n’a pas déjà entendu ce discours qui s’appuie de plus sur des chiffres présentés, par Thierry Breton (ministre de l’Economie) comme incontestables(2).

DEGRADATION DE LA SITUATION : cette présentation est confirmée par les faits, puisque selon les Echos, 2006 est une année noire « La qualité de crédit s’est encore dégradée au troisième trimestre en Europe Occidentale. Moody’s Investors Services a abaissé la notation de 34 émetteurs représentant un montant de 106,7 milliards de dollars » (Les Echos 26 Octobre 2006). Ce jugement d’un acteur des marchés financiers peut-il être contesté ?

LA VERITE DES MARCHES FINANCIERS : Qui mieux que les marchés financiers mondiaux pourraient se prononcer sur cette question ? Leur arbitrage n’est il pas absolument impartial ? En effet, les marchés, mondialisation oblige, n’appartiennent plus à aucun pays. Aucun nationalisme ou patriotisme étroit dans leur prise de décision : ne sont pris en compte dans celle-ci, que la rentabilité de l’opération et la certitude de pouvoir la réaliser, avec le moins de risque possible. Leur note (sur la dette des pays) est donc l’expression la plus parfaite de ce qu’on appelle la compétitivité, établie selon une logique de concurrence à l’échelle mondiale.

LA NOTE FRANCAISE ? Au vu de ce qui est écrit par les Echos et de notre propre situation d’endettement, tellement dénoncée comme insupportable, on pouvait s’attendre à tout, surtout lorsqu’on apprend que la CADES (3), emprunte en dollars canadiens(4). Oh surprise ! Non seulement l’emprunt s’est réalisé, mais en plus : « ... les investisseurs locaux (les Canadiens) n’auraient pas hésité à payer un peu plus cher pour obtenir des titres d’un organisme qui est noté triple A »(5). Deuxième surprise, dans les « investisseurs » on trouve essentiellement des « institutionnels » au sens le plus capitaliste qui soit : « Grâce à cet emprunt en dollars canadiens, nous avons pu atteindre des investisseurs auxquels nous n’aurions pas eu accès autrement, essentiellement des fonds de pensions(6) et des gestionnaires de fonds canadiens » (Les Echos 26 Octobre 2006).

OUVERTURE PHILOSOPHIQUE : Si les marchés financiers notent triple A, c’est qu’ils savent que leur placement est adossée à un système performant. Si les « fonds de pension » investissent dans notre « dette sociale »(7), ceci signifie en définitive, que c’est notre modèle social (retraites par répartition) qui finance les retraites par capitalisation. La dénonciation des dettes par nos gouvernants permet à la fois de déconstruire(8) notre « modèle social », et de cacher le fait que les marchés financiers mondiaux s’engraissent de celles-ci. En définitive, comme sous Louis XVI avec les fermiers généraux, la dette sert à financer l’aristocratie financière. Les gouvernants actuels ne veulent pas régler la dette, mais la gérer au service des marchés financiers(9). Si rupture, il doit y avoir, n’est ce pas avec un système qui fait de nos droits citoyens(10), une dette, et de la dette un instrument financier(11) au service des marchés ?

La Couronne, le jeudi 26 octobre 2006 / Fabrice AUBERT


- (1) Qui par ailleurs se réclament citoyennes, mais veulent de moins en moins contribuer à la société (Impôts, contributions sociales).
- (2) L’église présentait aussi comme vérité, le fait que « Dieu ayant créé la vie sur Terre, celle-ci ne pouvait qu’être au centre de l’Univers » Les recherches de confirmation de la maxime divine étaient interdites sous peine de procès en sorcellerie (Galilée).
- (3) Organisme créé pour régler et gérer notre dette sociale (C.S.G / R.D.S).
- (4) A ce propos on se demande pourquoi on se sert du dollar canadien ? A se demander à quoi sert l’euro, qu’on nous a vendu comme notre « ligne Maginot monétaire » ?
- (5)Les Echos du 26 Octobre 2006 / Observons que « triple A » correspond à la meilleur notation possible des marchés financiers
- (6) Les fonds de pension gèrent les intérêts des retraites par capitalisation.
- (7) En étant prêt à la « payer plus chère ».
- (8) Baisses des remboursements de médicaments et des frais de santé par exemple.
- (9) Les marchés financiers ne seraient-ils pas les « fermiers généraux » de l’Ancien Régime ?
- (10) Issu de la Résistance, notre modèle social est le résultat d’un combat politique au sens citoyen du terme.
- (11) D’où l’idéologie de la Banque Centrale (BCE) indépendante.... des citoyens et dépendante des marchés financiers. La dénonciation des risques d’inflation permettant de combattre les politiques salariales et de pratiquer une politique des taux d’intérêts au seul service des marchés.



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lundi 6 novembre 2006 à 11h03 - par  jean Schierano

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