Premières rencontres (II)

samedi 22 avril 2017
par  Charles Hoareau
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La suite du voyage après arrivée à Komani

Après une nuit (courte) me voilà prêt pour le breakfast. Ma nuit est courte pas tellement à cause de l’heure tardive de mon coucher mais à cause de l’heure matinale de mon lever ! Ici, et j’avais déjà remarqué cela à Durban lors du congrès de la FSM (Fédération Syndicale Mondiale) en octobre dernier, dès avant 6h du matin les rues s’agitent et la rumeur enfle rapidement dans le matin encore gris. D’ailleurs nombre de boutiques, y compris des supérettes d’enseignes européennes présentes en Afrique, ouvrent dès 6h du matin. Il n’est donc guère plus tard quand vient l’heure de mon premier petit déjeuner….enfin du moins c’est ce qu’on m’a dit et je le crois. Car en fait sans que j’en comprenne la raison c’est bien plus tard dans la matinée que je pourrai déjeuner. Au bout de quelques jours je renoncerai vite à connaître l’heure des repas et même leur nombre ! En théorie il y a comme chez nous 3 repas par jour mais entre la théorie et la pratique il y a de sérieuses différences. Le seul repas qui me semble à peu près régulier c’est le « dinner » qui se prend à 18h, à une heure où ici, même en été, la nuit commence à tomber. La plupart des restaurants de Komani ferment d’ailleurs à 21h et passée cette heure, seules subsistent ici, comme presque partout ailleurs dans les villes du monde où le capitalisme a réussi sa conquête culinaire, les mêmes boutiques de repas vite fait. Plats de poulets frits, de mets en sauce dont le piment enlève tout le goût et empêche de reconnaitre les aliments qu’il est censé parfumer, mouton au curry et autre fish ou du moins vendu comme tel. Rendez-vous de la jeunesse et des pauvres du monde qui trouvent là pour quelques pièces l’illusion de s’être bien remplis avec des mets relevés. Ici les pakistanais remplacent avantageusement « nos » arabes, « nos » turcs et « nos » asiatiques. Ici aussi l’immigration, même si elle est loin d’être la seule, est aux premières loges des boulots mal payés et à l’hygiène douteuse.

Donc avant mon « breakfast », repas dont je me méfie particulièrement depuis que j’ai eu la joie de découvrir les délices de la cuisine anglo-saxonne matinale au Népal, je me retrouve au bureau du NEHAWU local où j’ai le privilège d’être invité à assister à mon premier « meeting », entendez par là ma première réunion, avec des docteurs et des salarié-e-s du ministère du développement social.

La fédération du NEHAWU regroupe les personnels de la santé, de la justice, de l’action sociale, de l’éducation et du travail, sans distinction du fait qu’ils soient salariés du public ou du privé. Je suis très honoré de cette invitation à une réunion interne et je me dis qu’ils me font vraiment confiance. En fait je serais bien incapable de trahir le moindre secret de ce qui s’est dit. En effet j’ai toujours eu une aversion pour l’anglais que j’ai refusé d’apprendre car c’était pour moi la langue des impérialistes. Vous me direz c’est un peu con comme attitude car les peuples n’y sont pour rien mais c’est comme ça et dans les pays anglophones où je suis allé je me suis plutôt efforcé de me débrouiller avec quelques mots de langues locales découverts sur place (et force signes…) que de me résoudre à l’anglais colonisateur. Depuis Durban, avec les échanges qui se multiplient avec des organisations de la FSM, je suis bien obligé de m’y mettre. Mais quant à restituer les échanges de la réunion à laquelle j’assiste c’est totalement impossible !

D’une part mon anglais est très rudimentaire, d’autre part la prononciation de mes hôtes me rend incompréhensible des mots que pourtant je connais en théorie, mais en plus ils sont le plus souvent mélangés à du Xhosa dont je reconnais les clics, les clacs et les accentuations et multiples répétitions de voyelles. Pendant deux heures je suis devant une pièce de théâtre en version originale mais sans les sous-titres. J’en suis donc réduit à regarder mes camarades pour deviner s’ils sont en colère, s’ils approuvent l’introduction de la dirigeante et à écouter la musique de leurs mots en réprimant mes bâillements tout en me demandant si Godard avait bien raison lui qui disait « un aveugle au théâtre et un sourd au cinéma ne perdent pas la moitié du spectacle. » !!

Je retiens néanmoins une chose qui me sera confirmée par la suite : « Zuma must go ! (Zuma doit partir !) » Cette opinion était déjà perceptible à Durban et affirmée ensuite dans une déclaration sans équivoque du NEHAWU. Mais là il me semble que l’exigence grandit. Zuma, le président de la république, issu de l’ANC est non seulement compromis dans des affaires de corruption (qui par parenthèse feraient à peine quelques lignes dans nos journaux tant Zuma parait petit joueur par rapport aux énormités auxquelles on assiste en France particulièrement depuis les affaires de Sarkozy jusqu’à l’inénarrable Fillon en passant par le coiffeur de Hollande, Le Pen ou Cahuzac…), Zuma donc est non seulement compromis dans des affaires où son honnêteté est mise en cause mais en plus les avancées pour le peuple sont insuffisantes au bout de 20 ans de pouvoir de l’ANC. L’impatience grandit et la journée du 22 février dernier, jour de présentation du budget du gouvernement, où la COSATU a appelé à de grandes marches dans tout le pays en a été un signe évident.

Ici dans la réunion cette attitude de lutte du NEHAWU pour pousser le gouvernement à « avancer vers le socialisme » semble faire l’unanimité des syndiqués. Les besoins en matière de santé mais aussi de logement et donc d’hygiène de vie sont immenses et les personnels présents ce matin sont aux premières loges pour savoir qu’il est urgent de répondre aux besoins du peuple.

A cette réunion, comme ultérieurement à chaque rencontre, je serai toujours présenté comme militant syndicaliste et communiste français. Ici être communiste semble être un honneur. Je n’ai pas demandé à être présenté ni n’ai jamais fait état de mon parcours militant et de mes responsabilités anciennes ou présentes, qu’à cela ne tienne, mes hôtes me présentent à chaque fois à la lumière de ce qu’ils ont appris de moi sur Internet (on n’est sans doute jamais trop prudent !) et je devine (plus que je ne comprends !) leurs propos : « c’est un militant de la CGT qui a été dirigeant des chômeurs, il était délégué au congrès de la FSM à Durban, il est communiste et président national d’une nouvelle organisation communiste française qui s’appelle ANC [ce dernier point leur fait hocher la tête de satisfaction !] il a écrit des articles sur la lutte contre l’apartheid…etc. » et la présentation va même jusqu’à parler de mon goût pour les chansons révolutionnaires sud-africaines !! Décidément on ne peut rien leur cacher ! Après ça que voulez-vous que je dise à part les rares mots de Xhosa que je connais « Monlé Enkosi kukhalu » (Bonjour merci beaucoup) ?

A suivre



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