Phelophepa (IV)

Hôpital des pauvres et hôpital des très pauvres
lundi 29 mai 2017
par  Charles Hoareau
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Aujourd’hui nous avons, entre autres, car l’activité syndicale est chaque jour intense, rendez-vous avec les salariés du principal hôpital de la ville sur leur lieu de travail même. Ici la question du droit syndical ne se pose pas. Enfin c’est ce que je crois comprendre du moins dans le public. Dans le privé le combat avec les employeurs est féroce mais ces derniers ne peuvent ignorer le fait syndical et les évolutions de la loi en matière de droit syndical depuis la fin de l’apartheid.

Dire cela ne veut évidemment pas dire que le combat est de tout repos y compris dans le public. Cela ne veut pas dire non plus que les syndicalistes peuvent tout se permettre. Ne serait-ce que pour rentrer dans tous les lieux publics, ils doivent s’arrêter au poste de garde de l’entrée et satisfaire aux consignes de sécurité qui ici sont très strictes. De même ils sont très attentifs au respect du fonctionnement du service et si la réunion se fait entre 11h et 14h je crois comprendre que ce n’est pas à cause d’un fonctionnement imposé par la direction mais parce qu’ils ont choisi l’horaire qui gênait le moins le service.
Par contre mes camarades, comme partout ailleurs, peuvent rentrer sans problème avec leur tee-shirt ou leur robe du NEHAWU ou du SACP ce dont ils ne se privent pas…

La réunion porte sur les conditions de travail, sur les moyens de l’hôpital et cela me rappelle évidemment, toutes proportions gardées, le combat en France de ces secteurs tant attaqués. Mais le débat porte aussi sur l’attitude que doit adopter le NEHAWU dans la situation actuelle, tant dans l’ANC que vis-à-vis de Zuma. Le « Zuma must go » fait ici aussi l’unanimité. Ici encore le plein accord pour une offensive syndicale dans tous les domaines s’exprime. A les entendre je me dis qu’ils sont en plein dans l’historique « double besogne » [1]. Ici les termes de lutte contre le capitalisme et l’impérialisme, ceux de « socialisme ou la barbarie » ne sont pas incongrus. Ils sont même le quotidien des militants syndicalistes dans un pays confronté en externe à la volonté des pays riches et des multinationales de le dominer et en interne au chômage et à la pauvreté de masse qui expliquent en grande partie la délinquance galopante. Bien qu’une nouvelle fois je sois présenté de long en large, je n’ai pas le droit de prendre la parole ce qui est surprenant vis-à-vis de nos pratiques. En France ne pas parler dans une réunion pareille serait vécu comme un signe de désintérêt ou d’ignorance, ici c’est une marque de respect. D’ailleurs par rapport à la France j’observe un très grand attachement à l’organisation, à sa hiérarchie, à ses règles, aux mots camarades et leadership, à la notion de syndiqué de leurs droits et de leurs devoirs exclusifs…Ce syndicalisme qui a connu des années de résistance et de répression fait penser au syndicalisme de classe des années d’après-guerre en France où l’on avait appris dans la clandestinité qu’un manquement à la discipline, une confiance mal placé, un mot de trop pouvait coûter la vie de camarades. Ici l’organisation collective permet ou ne permet pas, décide et les initiatives individuelles sont strictement prises dans ce cadre.

Si, à part emprunter les couloirs et les escaliers pour aller à la salle de réunion nous n’avons pas visité l’hôpital dans lequel nous étions, le lendemain c’est un autre hôpital d’un tout autre style qui me sera donné de voir : l’hôpital des plus pauvres. Faute d’une protection sociale « à la française » (que certains ne cessent d’attaquer et voudraient voir disparaître) et de moyens de transports publics multiples et peu onéreux, l’état a mis en place à partir de 1994 un véritable hôpital itinérant en utilisant un train transformé pour ce faire et où chaque wagon correspond à une spécialité : pneumologie, dentiste, psychiatrie…Il y a même un wagon destiné à l’hébergement.

Le train reste 3 semaines dans chaque ville ou village où il s’arrête et les soins y sont totalement gratuits. Sa venue est annoncée plusieurs jours à l’avance aux habitants de toute la contrée et quand il arrive, chaque matin des pauvres gens venus de tous les villages voisins se rassemblent devant le train et surtout devant le wagon hôpital qui correspond à leur affection. Ces trains, car devant le succès de l’opération, il y en a aujourd’hui 2, sont appelés PHELOPHEPA ce qui veut dire BONNE SANTE ou souvent trains miracles par la population. A eux seuls ils ont soigné à ce jour plus de 6 millions de personnes. Et ces chiffres datent d’il y a deux ans !!
Leur rôle est d’autant plus précieux que le taux de chômage atteint des records : 27% de la population et plus de 50% chez les jeunes. Il est prévu la création d’un salaire minimum en 2018 à 244€ soit 3500 Rand alors qu’aujourd’hui le salaire moyen, pour celles et ceux qui ont un emploi, est de 614€ soit 9000 Rand.

Salaires bas, taux de chômage élevé, services publics insuffisamment développés, les trains PHELOPHEPA ont encore de l’avenir…

A suivre


[1terme employé dans la CGT de ses débuts pour indiquer que le syndicat devait défendre pied à pied au quotidien les salariés mais aussi lutter avec eux pour le changement de société.



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