Les sangliers des Ardennes

mercredi 8 novembre 2006
par  Charles Hoareau
popularité : 4%

Glaverbel : 122 emplois
Vistéon : 314 emplois
Thomé Génot : en liquidation judiciaire 300 emplois
Citroën : chômage technique 3 jours par semaine
Delphi, Bellevret...

C’est à une véritable hécatombe d’emplois qu’ont à faire face les salariés des Ardennes..."On est dans une situation d’alerte : en dix jours, il y a eu un peu plus de 450 licenciements dans le département", explique le secrétaire général départemental de la CGT, Jean-Louis Joffrin,

Confrontés à ces annonces les salariés ont réagi en organisant vendredi 3 novembre une journée « département mort » et appelant à lutter contre « le gâchis industriel et humain » qui affecte en particulier le secteur des équipementiers automobiles.

Dans un département qui affiche déjà un taux de chômage de 13% ils ont donc tiré la sonnette d’alarme dans les rues de Charleville Mézières. En manifestant à plus de 1500 (bien plus que lors des habituelles journées d’action) les salariés ont montré leur détermination à ne pas se laisser faire. Leur colère aussi devant le gâchis. 1500 c’est aussi le nombre d’emplois qui risque de disparaître du département si la lutte ne les sauve pas.

cohabitation...

Un gâchis qu’ils ne sont pas les seuls à dénoncer puisque François Dury l’ex directeur général de Thomé Génot de 1978 à 2004 entreprise qui appartenait à sa famille depuis 1919, n’a pas caché ses critiques sur la gestion de la société rachetée par l’ américain Catalina. Dury avait d’ailleurs informé les milieux patronaux ardennais de la situation. Evidemment après avoir vendu cela fait un peu désordre mais confirme ce que disent les salariés : « Ils ont fait des dettes partout. Tout ce qui les intéressaient c’était les brevets ! »

Dans la presse économique on souligne : « Une éventuelle reprise notamment de la partie pôles d’alternateur paraît difficile dans la mesure où les dirigeants de Catalina ont trompé les clients et que la confiance de Visteon par rapport à Thomé-Génot est extrêmement ébranlée. » Par ailleurs elle rajoute « l’activité traditionnelle (travaux publics, levage - manutention, robinetterie industrielle...) pourrait être sauvée par des forges locales. »

Vendredi ce sont les salariés de Thomé Génot qui ont ouvert le cortège.
"On a déjà souffert de la crise de la sidérurgie à la fin des années 1970 puis de celle de la métallurgie à la fin des années 1980, il faut un plan de revitalisation industrielle du département", plaide Jean-Louis Joffrin, qui avait appelé les commerçants à baisser leurs rideaux en signe de solidarité. Plusieurs d’entre eux l’ont fait en placardant des affichettes « Nos emplois sont vos emplois ».

Le nombre de manifestants et la nature des banderoles indiquait que l’appel à la grève public privé avait été entendu.
Dans le cortège, formé de douaniers, de cheminots, d’hospitaliers ou d’enseignants, on pouvait lire sur plusieurs banderoles : "On veut continuer dans nos Ardennes, rendez-nous notre travail".
"On se devait d’être là, on a tous un proche touché par ces licenciements, on en croise tous les jours dans la ville", explique Laurence Boucher, employée de mairie à Nouzonville.
Mathias Du Souich, un étudiant de 21 ans, estime pour sa part que "si on perd encore des postes, c’est toute la région qui va mourir, les licenciements se répercutent sur tout, il faut arrêter le carnage"

Devant le palais de...justice ?

S’arrêtant devant tous les lieux publics, de la mairie à la préfecture en passant par la permanence de la députée UMP. A chaque fois, des sifflets, voire des lancers d’oeufs. Et le même cri : « Les députés en CDD. Les élus, au boulot. » Car les licenciés de Thomé-Génot, de Glaverbel, de Delphi, ou ceux qui sont menacés chez Visteon, ressentent tous la même chose : les pouvoirs publics ne semblent pas très efficaces pour arrêter l’hémorragie d’emplois qui touche les sous-traitants et les fournisseurs de l’industrie automobile.

Comme toujours dans ces cas là les seuls silencieux dans cette affaire ce sont les directions d’entreprises qui, comme l’indique la dépêche AFP « la direction n’a pas souhaité s’exprimer. »

Depuis 1999, sa ville a perdu près de 600 habitants, presque autant d’enfants, sans parler de l’impact sur le commerce et les impôts locaux. Les chiffres du chômage s’envolent. Les maires notent aussi l’explosion des demandes de RMI. Et « la distribution de bons alimentaires pour des familles qui n’ont plus rien à bouffer, ne payent plus l’eau, ni les loyers, ni l’électricité », comme le dit un autre élu.

Sur le porche de l’usine, une banderole, reprise dans le cortège : « Rendez-nous notre dignité. 30.000 euros par personne. » Un montant égal à la prime que souhaiteraient obtenir les syndicats sous peine de ne pas se limiter à brûler des pneus devant la préfecture...30 000 euros cela ne fait pas un emploi est ce à dire que les salariés ne croient pas possible de le sauver ?

Ici le souvenir de l’usine Cellatex, à Givet, est présent. En 2000, sans réponse des pouvoirs publics à la fermeture du site, les salariés avaient menacé de faire sauter leur usine. Martine Aubry, alors ministre du Travail, avait tardé à réagir. S’ils ont obtenu pour partie l’indemnité de départ cela n’a réglé en rien le problème de l’emploi. « En six ans, rien n’a bougé, dit Michel, licencié de Thomé-Génot. On perd toujours notre boulot, les gosses vont travailler ailleurs, et tout le monde s’en fout. » Vendredi, il y avait beaucoup de jeunes dans le cortège, tee-shirt sur le dos avec inscrit : « Stop au massacre des emplois. »

La lutte continue. Les salariés foncent avec l’énergie d’un sanglier blessé. Piquets de grève, délégations nombreuses en préfecture et au tribunal, barricades dans les rues : les sangliers ne veulent pas se laisser tuer .

Ici comme ailleurs la lutte pour l’emploi est une nécessité vitale si l’on ne veut pas, que la pauvreté s’étendant, ce ne soit pas des pneus qui brûlent devant les préfectures.



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