USA : jeu impérial dans le Sahel

mercredi 15 novembre 2017
popularité : 3%

L’appât des ressources et la projection de puissance inspirent l’interventionnisme de Washington en Afrique de l’Ouest. En harmonie avec Paris, la « guerre contre le terrorisme » cache l’ambition d’une recolonisation de cette région du continent.

Les militaires américains tombés le 4 octobre dernier au Niger dans l’embuscade d’un groupe djihadiste n’étaient pas en mission de reconnaissance, mais en opération kill-or-capture (tue ou capture…), selon le média américain sur web The intercept.com.

Même si officiellement les autorités US entretiennent une sorte de ‘shadow war’ ou ‘guerre de l’ombre’ (encore le 20 octobre on lisait que « l’armée américaine n’a pas de mission de combat directe et active au Niger » dans un communiqué de l’AFRICOM, le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique), les Bérets Verts du Special Force Group ne se limitent pas au support logistique et de renseignement de l’armée nigérienne. Au contraire, ils conduisent, avec des unités de cette dernière, des véritables opérations de commandos contre les cellules affiliées à Al-Qaïda et à l’Etat Islamique.

Synergie franco-américaine

Celle du début octobre à Tongo-Tongo – 45 km à nord de la capitale Niamey – s’est soldée avec un bilan de 9 victimes (4 Américains et 5 Nigériens), suite à un accrochage avec une cinquantaine d’islamistes équipés de lance-roquettes et dotés de blindés légers. Pertes qui auraient pu être plus graves sans l’intervention des Mirage 2000 de l’aviation française de la force Barkhane.

Les soldats étatsuniens ont été déployés dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest depuis la mi-janvier 2013. C’est-à-dire quelques jours après la déclenchement de l’opération française Serval dans le Mali limitrophe, où les principales villes du Nord étaient occupées par des mouvements liés à Al-Qaïda. Suite aux renforts arrivés en mai et août de la même année, ils sont aujourd’hui en nombre entre 800 et 1000.

Leur fonction offensive a été tenue secrète jusqu’à l’épisode d’octobre, qui a fait la Une de la presse aux Etats-Unis et a levé plus qu’un coin de voile sur les caractéristiques de la « mission anti-terroriste » des troupes USA dans le Sahel.

Surenchère belliciste

William Hartung, directeur de l’Arms and Security Project du Center for International Policy, cité par The intercept.com, affirme que « L’expansion rapide et largement méconnue des troupes américaines au Niger est part de la présence USA en augmentation exponentielle dans l’ensemble de l’Afrique ». Et selon les déclarations du GAL Waldhauser, on chiffre à 6000 les militaires de Washington opérationnels sur le continent, avec un programme de 3500 ‘exercices’ par an et 10 ‘missions’ par jour !

Au Niger, le jeu de Washington se situe dans une surenchère belliciste et dans le cadre d’une synergie impériale avec la France qui permet de mieux le considérer.

Car l’occupation de l’espace économique dans une région qui regorge de ressources aurifères, pétrolières, gazières et d’uranium demeure la raison principale d’une « guerre contre le terrorisme » qui se sert de la nébuleuse islamiste bien encouragée comme prétexte de l’occupation militaire du territoire.

« L’activité militaire américaine en Afrique de l’Ouest est un important outil de recrutement pour les groupes terroristes », souligne Nick Turse, l’auteur du papier cité de The intercept.com.

Une activité qui, quatre ans après le déploiement massif des forces franco-américaines, a produit l’affaiblissement des Etats de la sous-région et le rayonnement tous azimuts des bandes terroristes.

« Comme au Moyen-Orient, où l’intervention US a déstabilisé l’ensemble de la région et a engendré beaucoup plus de terroristes que ceux qui ont été tués ou démobilisés, au Sahel, les effets boomerang de l’intervention sont beaucoup plus dangereux que les bandes djihadistes que l’on dit vouloir poursuivre », souligne de sa part Katrina Vanden Heuvel dans le Washington Post du 1er novembre.

Un projet de balkanisation

Un constat qui n’affaiblit en rien l’entente guerrière entre L’Elysée et la Maison Blanche. Le 31 octobre dernier, pendant son allocution aux Nation Unies, l’ambassadrice américaine Nikky Haley a promis une aide de 60 millions de dollars pour l’effort militaire à la coalition des pays du G5 (Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad) sous commandement de la force Barkhane française.

D’après l’analyste nigérien Moussa Tchangari, secrétaire général d’Alternative Espaces Citoyens à Niamey, « En dépit des dénégations de leurs dirigeants, les Sahéliens sont largement convaincus que la présence militaire extérieure ne vise pas exclusivement à contrer les groupes terroristes ; et même si c’est d’une façon confuse, ils ont le sentiment que celle-ci s’inscrit dans le cadre d’un projet inavouable de recolonisation ou tout au moins de balkanisation des pays de la région, y compris la Libye et le Nigeria ».

Luigi Elongui le 10/11/2017

Transmis par Linsay




Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur