la question sahraouie au niveau européen

dimanche 7 mai 2006
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En 1981, au cours d’une session qui se tenait encore à Luxembourg, le Parlement européen adoptait une résolution sur le Sahara Occidental favorable aux thèses marocaines. Ce vote a amené des parlementaires à réagir en créant un intergroupe sur la question sahraouie avec l’objectif de faire évoluer la position du Parlement européen. Pendant des années, l’intergroupe pour le Sahara Occidental s’est efforcé d’informer et de sensibiliser les parlementaires à la question sahraouie par des dossiers, des réunions d’informations en relation étroite avec les comités de soutien à la cause sahraouie et les intergroupes parlementaires constitués dans les parlements nationaux des Etats membres.

Son premier objectif a été de montrer que le Sahara Occidental restait la dernière colonie en Afrique et qu’il s’agissait donc d’un problème de décolonisation concernant un « Territoire non autonome » auquel la commission du droit international des Nations-Unies reconnaissait le droit à l’autodétermination. Ces efforts ont permis d’aboutir le 15 mars 1989 à l’adoption d’une résolution reconnaissant le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. S’appuyant sur ce succès, l’intergroupe a poursuivi et développé ses activités, notamment à chaque renouvellement des parlementaires après les élections européennes, pour continuer à les informer. Actuellement présidé par Karin Scheele (Autriche), l’intergroupe est toujours très actif et compte parmi les intergroupes parlementaires les plus anciens du Parlement européen. En octobre 2005, il a réussi à inscrire Aminatou Haïdar dans la liste des nominés pour l’attribution du prix Sakharov. Tout en fournissant régulièrement des informations sur la réalité sahraouie, l’intergroupe s’est efforcé de contrer la propagande, toujours très active, des autorités marocaines. Ce « lobbying » marocain n’hésitait pas à propager de fausses informations, à faire venir à Bruxelles ou Strasbourg des « Sahraouis » ralliés à la cause marocaine et à utiliser des méthodes à la limite de la légalité. C’est ainsi que Barbara Simmons (Allemagne), présidente de l’intergroupe pendant la mandature 1989-1994, surprit une personne de l’Ambassade du Maroc qui fouillait dans ses dossiers qu’elle avait rangés dans une cantine devant son bureau ! L’Ambassade du Maroc n’hésitait pas à faire pression sur la présidence du Parlement européen et sur la Commission pour empêcher des fonctionnaires d’être auditionnés par l’intergroupe. Les pressions marocaines auprès des parlementaires pour infléchir leurs positions sont quelquefois tellement pressantes et insidieuses qu’elles créent un mouvement de rejet, même par des parlementaires acquis à leur cause. Au cours du débat du 27 octobre 2005 en séance plénière, un député allemand démocrate-chrétien Bernd Posselt, tout en se déclarant « ami du Maroc », s’est indigné : « On était d’accord de discuter de ce grave problème du respect des droits de l’homme et voilà que soudain un ambassadeur se promenait par ici... » (agence « Europe » du 28/10/2005).

Résultat, le Parlement européen a adopté à une très forte majorité le 27 octobre 2005 une « résolution sur les droits de l’homme au Sahara Occidental » en faisant échec aux manoeuvres du président du Parlement européen Josep Borrell (Espagne) pour empêcher ce vote après la tenue du débat. Cette résolution s’inscrit dans le prolongement des résolutions adoptées depuis celle de 1989 reconnaissant le processus de décolonisation. Elle « soutient une solution juste et durable du conflit du Sahara Occidental, basée sur le droit et la légalité internationale, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité, notamment à la résolution 1495 » (1). La résolution prend également en compte la nouvelle situation dans les zones occupées avec le soulèvement populaire démarré le 21 mai 2005 ; elle dénonce « les graves violations des droits de l’homme par le Maroc à l’encontre des populations sahraouies » et demande leur protection, le respect de leurs droits fondamentaux, notamment à la libre expression et à la liberté de mouvement. La résolution demande également la libération des défenseurs des droits de l’homme sahraouis récemment condamnés à des peines de prison ferme, notamment Aminatou Haïdar et Ali Salem Tamek.

Le Parlement européen, qui a décidé de mandater une délégation dans les zones occupées pour avoir « de nouveaux éléments d’information sur la situation », a demandé au Conseil et aux Etats membres d’apporter un soutien actif aux efforts des Nations-Unies. Malheureusement, le Conseil de l’Union européenne, notamment sous la pression du gouvernement français, fait preuve de peu d’empressement pour faire appliquer le plan de paix. Certes, dans ses déclarations, comme celle du 22 novembre 2005 à l’occasion de la cinquième session d’association UE-Maroc, il appuie les efforts des Nations-Unies mais il renvoie dos à dos les parties en conflit en les appelant à « coopérer de manière constructive et souple ». Il refuse de dénoncer la responsabilité pleine et entière du Maroc dans le blocage actuel et fait preuve d’une grande tolérance, voire de complaisance, vis-à-vis du gouvernement marocain qui se sent ainsi encouragé dans ses manoeuvres de blocage ou de retardement. A l’instar d’Israël, le Maroc continue de bafouer le droit international et tente d’imposer le fait accompli de l’extension territoriale et de la colonisation.

S’appuyant sur les résultats déjà obtenus, notamment auprès des parlementaires, il est plus que jamais nécessaire de relayer les revendications du soulèvement populaire dans les zones occupées et d’intensifier l’action à tous les niveaux, auprès des gouvernements et des instances européennes, pour qu’ils fassent pression sur le Maroc, avec qui ils ont des relations politiques, économiques et commerciales privilégiées, pour l’amener à appliquer le plan de paix. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (qui regroupe 315 parlementaires issus de 46 parlements nationaux), qui a demandé le 22 décembre 2004 au « Maroc d’accepter et d’appliquer le plan de paix pour l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental proposé par l’Envoyé personnel du secrétaire général James Baker » a montré le chemin à suivre. Aujourd’hui, le peuple sahraoui ne peut se contenter de déclarations lénifiantes mettant sur le même plan le Maroc et le Front Polisario. Il faut contraindre le gouvernement marocain, si nécessaire par l’instauration de sanctions qui peuvent aller jusqu’à la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Maroc, à respecter la légalité internationale et à mettre en oeuvre le plan de paix jusqu’au referendum d’autodétermination.

(1) La résolution 1495, adoptée le 31 juillet 2003, appelle les parties du conflit à coopérer pleinement avec l’ONU pour la mise en oeuvre du « Plan pour l’autodétermination du peuple Sahraoui » présenté en janvier 2003 par James Baker, envoyé spécial du secrétaire général des Nations-Unies.



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